L’affaire emblématique de la crèche de Chanteloup-les-Vignes

Pour ceux qui en auraient raté quelques épisodes  voici l’essentiel :

À Chanteloup-les-Vignes, en grande banlieue parisienne, s’est créée en 1991 une crèche et halte-garderie associative tout à fait hors du commun, Baby-Loup. Elle est ouverte 7 jours sur 7 et 24 h sur 24, y accueille  régulièrement ou ponctuellement les enfants de la naissance à 6 ans, voire plus âgés en cas de fratrie, ils sont même conduits à l’école si nécessaire !

Ses objectifs sortent de l’ordinaire : outre la garde des enfants de familles souvent en situation précaire, l’objectif de Baby-Loup est de favoriser l’intégration des femmes de la cité où elle est implantée et d’aider les familles dans leur processus d’insertion et d’intégration.  Cette structure rendait donc des services immenses à des femmes souvent seules et obligées de travailler en horaires décalés, à temps partiel, à ces métiers qui constituent le fond de ces emplois précaires du nettoyage, de bouche  et du commerce.

L’histoire est exemplaire d’abord à un premier titre, c’est une employée qui a, au fond, bénéficié de cette politique d’intégration qui va semer la zizanie : il s’agit d’une Marocaine, Fatima, qui sera embauchée en 1997 et qui va évoluer professionnellement jusqu’à devenir directrice-adjointe de la crèche. C’est elle qui décide un beau jour d’exiger de pouvoir travailler dans une tenue islamiquement correcte, entièrement vêtue de noir avec le hijab, pas tout à fait le niquab, mais presque.

La directrice refuse par principe en s’appuyant sur le règlement intérieur de l’association  qui stipule dans son article 5 :  « Dans l’exercice de son travail, le personnel doit respecter et garder la neutralité d’opinion politique et confessionnelle en regard du public accueilli tel comme mentionné dans les statuts… ».

Devant son refus de se conformer à ce règlement l’employée est alors licenciée pour faute grave.

Mais cette dernière se tourne alors d’abord vers les prud’hommes qui lui conseillent dans un premier temps de s’adresser à la Halde. Celle-ci lui donne raison en mars 2010, dans un avis d’une vingtaine de pages, considérant que le règlement d’une association ne peut être supérieur à la liberté religieuse, et que l’interdiction de ces « signes extérieurs » qui concerne les salariés de services publics ne s’applique pas à des salariés d’une association de droit privé .

Le procès devant les prud’hommes, où cette Fatima réclame la bagatelle de  80 000 euros pour licenciement abusif et discriminatoire ( somme qui, si elle était attribuée, tuerait purement et simplement cette association) avait lieu hier et, évidemment à l’heure où j’écris ces lignes, on n’en connaît pas encore l’issue qui n’interviendra que dans quelques semaines. Mais il y a eu, depuis quelque temps, du nouveau.

D’abord, cette crèche avait la chance d’être parrainée par Elisabeth Badinter qui a actionné ses réseaux, alerté Manuel Valls qui a posé une question à l’assemblée, fourni un avocat costaud , et une pétition circule désormais en faveur de la survie de la crèche.

Ensuite, Jeannette Bougrab, la Présidente nouvellement nommée de la Halde,  après un certain attentisme, s’est décidée à faire une déclaration forte et a demandé une nouvelle délibération de la haute Autorité sur cette question, déclarant que la polémique de Chanteloup-les-Vignes ne soulève « pas une question administrative ou de procédure mais porte sur un principe fondamental de notre République qui est la laïcité ». Il est même possible qu’elle témoigne aujourd’hui devant les prud’hommes.

Mais voici qui devrait faire réfléchir les partisans de la liberté religieuse et de la laïcité ouverte et « positive » : Le Parisien rapporte que depuis le début de cette affaire, la crèche « enregistre des demandes de parents de confession musulmane pour que les repas ne soient composés que de viande halal et pour que les enfants soient réveillés au moment de la prière ».

Un dossier assez complet sur cette affaire.

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yohan
yohan
10 novembre 2010 0 h 26 min

Pourquoi la banlieue va devenir une base arrière du salafisme
extrait  » Pour ceux qui s’y reconnaissent, le salafisme remplit trois fonctions : une fonction protestataire, une fonction tribunitienne, une fonction élective. La première constitue une manière d’exprimer une opposition au système politique et social, à l’offre politique et religieuse dominante, plus qu’une proposition : d’où l’absence de projet politique précis, celui-ci se résumant le plus souvent à la mise en place d’un État islamique, sans plus de précision. Pour les salafistes, l’islam est redouté d’abord par les classes moyennes et supérieures qui, selon eux, maintiennent les musulmans dans une position dominée. Rejeté par les nantis, l’islam fascine ceux qui ont un différend avec l’ordre majoritaire et la hiérarchie sociale.
C’est à partir de cette dimension protestataire que se développe sa fonction
tribunitienne : le salafisme se fait le tribun d’une masse de mécontents que ni les partis politiques ni les autres courants religieux ne prennent en charge. L’émergence du salafisme apparaît donc comme la conséquence
de la crise de la représentation politique en Europe, manifestant une défiance vis-à-vis de structures incapables de prendre en charge les aspirations d’une partie des populations musulmanes qui y vivent. Le salafisme exprime une révolte où la religion symbolise une affirmation de soi en rupture avec les valeurs dominantes de la société.
texte intégral

Causette
Causette
10 novembre 2010 0 h 32 min

Entre 150 et 200 musulmans se convertiraient au catholicisme par an, dont beaucoup d’enfants issus de mariages mixtes. Ce chiffre n’est toutefois qu’une estimation car beaucoup de musulmans ne révèlent pas leur conversion, par crainte des représailles, l’apostasie étant strictement interdite en islam. Le nombre de personnes quittant l’islam, sans adopter le catholicisme, n’est pas comptabilisé.

– En 2010 en France des personnes n’osent avouer leur conversion ou leur athéisme, c’est sidérant ❗

Une enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po fait apparaître la proportion de musulmans pratiquants revendiquant des positions culturelles traditionalistes (enquête sur les citoyens d’origine maghrébine, africaine et turque, CEVIPOF, Presses de Sciences Po, Paris, juin 2005)
Selon ce sondage:
39 % des musulmans pratiquants condamnent l’homosexualité (contre 21 % de l’ensemble des Français),
43 % approuvent des horaires séparés pour les femmes dans les piscines
46 % manifestent des sentiments antisémites (contre 18 % de Français)
80 % des pratiquants expriment une opinion positive sur la religion chrétienne

Causette
Causette
10 novembre 2010 0 h 55 min


Bonne nuit
à tous :mrgreen:

yohan
yohan
10 novembre 2010 11 h 29 min

Et d’autres qui se convertissent dans le sens contraire :mrgreen:

yohan
yohan
10 novembre 2010 22 h 09 min

et pendant ce temps là on exécute les chrétiens au Pakistan.

Ph. Renève
Ph. Renève
11 novembre 2010 11 h 31 min

Encore un faux pas, ou plutôt sans doute une faute volontaire, du gouvernement de Sarkozy.

« Le ministre de la Défense, Hervé Morin, et le secrétaire d’Etat aux anciens combattants, Hubert Falco, se rendront ensuite à la Grande mosquée de Paris, où une autre plaque sera dévoilée «en hommage aux soldats musulmans morts pour la France pendant la Première et la Seconde guerres mondiales». La cérémonie se déroulera à 12h30, en présence du recteur de la Grande mosquée, Dalil Boubakeur. »

Les ministres de la République n’ont pas à participer à ce genre de cérémonie parareligieuse. Les soldats musulmans morts pour la France ne sont ni plus ni moins méritants que les autres, et en faire officiellement un groupe particulier contribue à la communautarisation. C’est bien ce que recherche ce pouvoir qui joue avec le feu de Dieu en dressant les groupes sociaux et les religions les uns contre les autres, ce qui revient à valoriser les secondes.

Marsupilami
Marsupilami
11 novembre 2010 13 h 54 min
Reply to  Ph. Renève

@ Philippe

C’est en effet scandaleux. Non seulement pour les raisons que tu évoques à juste titre, mais aussi parce que si l’on fait ce genre de cérémonie commémorative irrespectueuse de la laïcité pour les soldats musulmans morts pour la France, pourquoi ne pas faire de même pour les soldats bouddhistes indochinois morts au front en France en 14/18 et en 39/45 ?

De toute évidence c’est encore une fois pour caresser les musulmans dans le sens du poil parce qu’ils nous posent un grave problème de coexistence, en oubliant les bouddhistes français d’origine indochinoise qui ne nous posent aucun problème de coexistence. Bienvenue dans le monde merveilleux des dhimmis volontaires !

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
11 novembre 2010 13 h 37 min

Sur Cent Papiers aujourd’hui

On peut trouver ce commentaire

La grande internationale des bigots et bigotes ne pouvaient mieux trouver que l’Amérique pour mener son combat contre la liberté de penser et l’athéisme

Voilà où mènent les accommodements

En France , il n’est pas étonnant de rencontrer le même esprit de « conciliation » chez les chrétiens autoproclamés de gauche ou ceux qui amalgament honteusement islamophobie et racisme anti arabe.Confusion honteuse et intéressée entretenue par de nombreuses sectes au premier rang desquelles nous rencontrons la catholique la réformée et toutes les raëliennes etc ..etc ..etc..

Bien des postures et des conformismes ne vont pas résister à la lumière crue de ces questions de société

Il va falloir suivre les contorsions de tous ces jolis coeurs qui condamnent l’oppression religieuse au sud de la Mediterranée mais qui lui trouvent un délicieux parfum exotique d’identité culturelle de ce coté ci.Des associations comme le Mrap s’y sont perdues , SOS racisme va-t-il suivre la même voie, après les confusions suicidaires de la Halde