Jardin de mémoire, non de l’oubli( redif)

En longeant le sentier côtier qui part du vieux pont suspendu du Bono en direction du port de Saint-Goustan, je me suis retrouvé par hasard au beau milieu d’un espace de verdure pentu, planté d’essences assez peu communes pour la région …, des oliviers, des magnolias, et bien d’autres encore qu’il ne m’a pas été permis de reconnaître.

Le vieux pont suspendu ©Bernard Bailly

Au pied de l’arbre, voire sur ses branches, des colifichets, des petits souvenirs sans prétention, un jouet, l’épitaphe touchante d’une mère, d’une épouse, d’un ami fidèle.

Un parc ? non, un cimetière, plus précisément un « jardin de mémoire ».

Ce concept, on le doit à Lionel le Maguer, un hôtelier de la Région, qui ne savait plus trop quoi faire des cendres d’un ami et qui a eu l’idée d’un parc où, sous un arbre, on pourrait enfouir une urne funéraire.

Il est vrai que, pour avoir assisté il y a peu à une cérémonie d’enterrement au columbarium du Père Lachaise, et en parcourant ses allées austères, je me suis interrogé sur la possibilité de pouvoir en ce lieu trouver bienfait à revenir saluer et entretenir la mémoire d’un proche.

Je me suis souvenu du souhait de mon père d’être enterré sur les hauteurs du cimetière de son petit village de centre bretagne.

« De là, je verrai mieux les toits du village » disait-il. C’est là où il repose aujourd’hui.

En découvrant ce lieu si tranquille et si évident, je crois qu’il aurait pu dire s’il l’avait connu : Je pourrai d’ici voir passer les voiliers et suivre le vol des aigrettes et des hérons cendrés ». Il est vrai que mon père recherchait l’atmosphère apaisante des rivages du Golfe du Morbihan.

Même si chacun sait à quel point il est vain d’espérer d’un mort qu’il puisse encore et toujours profiter des beautés de ce monde, il y a toujours dans notre inconscient quelque chose qui nous fait dire qu’on serait mieux ici ou là, seul devant l’océan ou au chaud parmi ses aïeux, une fois toute vie bue.

Ce qui frappe d’abord le promeneur, hormis la sérénité et la beauté du cadre, c’est qu’il n’y a rien de mortifère en ces lieux. L’arbre est vivant, il apaise et dédramatise bien mieux que la pierre grise et le promeneur peut s’asseoir un instant sur la pelouse plutôt que de jouer les équilibristes debout, entre deux pierres tombales.

Si le jardin de mémoire se veut un lieu de paix et de recueillement, on peut tout aussi bien s’y voir grignoter un sandwich ou donner violoncelle, sans que cela ne passe pour irrespectueux.

Et puis, les bancs sont accueillants qui invitent à la rêverie ou au souvenir apaisé.

Et comme le dit si bien son inventeur, « ici l’harmonie, pendant quelques trop rares instants, distrait  l’homme de sa peine ».

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Certaines fausses manœuvres anciennes  du soutier de Disons ont conduit à la perte de deux illustrations  de  Yohan, j’en ai mis deux autres. ( Furtif)

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13 Commentaires
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Léon
Léon
13 octobre 2010 8 h 52 min

C’est curieux, la question de la crémation est un thème de plus en plus abordé. Même ici, Marsu l’avait traité. Il faut savoir que Houellebecq, dans « La carte et le territoire », aussi, il a quelques lignes fortes sur le sujet…

Lorenzo
Lorenzo
13 octobre 2010 9 h 20 min

cet article m’a fait penser au cimetiére paysager de la Madeleine á Amiens qui s’étends sur 18 hectares oú est enterré Jules Verne et Emile Riquier, architecte du cirque d’Amiens.

Monique Peyron
Monique Peyron
13 octobre 2010 10 h 44 min

La crémation est un choix personnel.
Je souhaite que mes cendres reposent dans ma forêt en Ardèche, et pour ce faire, je n’ai pas d’autre solution.
Quant aux cérémonies, j’en ai connues d’atrocement froides et d’autres emplies d’amour. Tout dépend de l’assistance.

Yohan, pour moi ce ne sera pas le jardin mais la forêt de la mémoire.

En attendant levons nos verres à ceux qui nous ont quitté et à ceux qui nous accompagnent.

Champagne!

Monique

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
13 octobre 2010 13 h 52 min

Plein d’émotion et de sérénité . Merci Yohan

asinus
Membre
asinus
13 octobre 2010 13 h 57 min

yep compliments Yohan

Puisque tout passe, faisons
la mélodie passagère ;
celle qui nous désaltère,
aura de nous raison.

Chantons ce qui nous quitte
avec amour et art ;
soyons plus vite
que le rapide départ

r.m.Rilke

Marsupilami
Marsupilami
13 octobre 2010 16 h 20 min

Beau texte dépouillé, merci Yohan. Allez, une petite chanson de circonstance

Monique Peyron
Monique Peyron
13 octobre 2010 18 h 41 min

Gérard Berliner vient de partir à 54 ans. Levons notre verre. J

Marsupilami
Marsupilami
13 octobre 2010 18 h 50 min
Reply to  Monique Peyron

Ah ! Louise, une chanson magnifique sur la guerre et l’avortement… A ta santé Gérard, nous irons boire aux fontaines de Victor Hugo en souvenir de toi !

Causette
Causette
13 octobre 2010 19 h 06 min

Des branches. Des feuilles.
Des pétioles. Des folioles.
Un monde ramifié qui bouge, bruit et bondit.
Un royaume de verdures, de vertiges et de vents.
Un labyrinthe de souffles et de murmures.
Un arbre en somme.

Jacques Lacarrière

Bonsoir Yohan, bonsoir à tous
On est jamais déçu lorsqu’on suit le sentier des douaniers. Belle idée que ce jardin de mémoires.

Monique Peyron
Monique Peyron
13 octobre 2010 19 h 34 min

Je vais arrêter de dire levons nos verres. Quelle réputation fais-je me faire.

Une petite pensée « un court instant un moment de repos sur le vent,et une autre femme me portera ».Khalil Gibran. Qui sait ?

Waldgänger
Waldgänger
14 octobre 2010 11 h 15 min

C’est un très joli texte Yohan. Les deux derniers siècles ont connu aussi des cimetières paysagers, comme tu y fais allusion quand tu parles de celui de Jules Verne. Il y a eu aussi pas mal de cimetières militaires de ce type pour les morts des deux guerres mondiales, avec des pierres tombales peu visibles et beaucoup de végétation. J’en ai visité un récemment, et ils sont à mi-chemin entre le cimetière classique et le lieu de souvenirs que tu as décrit.