Au sein du jardin d’acclimatation à Neuilly, se situe la fondation Louis Vuitton. Trois choses sont à y voir actuellement. Valent-elles le détour? Votre serviteur l’a fait et vous répond.
La bâtiment en lui-même
Pour les amateurs d’architecture, le récent vaisseau qui trône majestueusement en marge du Jardin d’Acclimatation est particulièrement intéressant. Disons le tout de go, je le trouve plutôt élégant et raffiné. La première impression est celle d’une certaine légèreté, étonnant pour un édifice avec 11 galeries et un auditorium de 350 places. En tout cas, il ne fait nullement incongru au sein d’un quartier hyper chic en se fondant dans le paysage sans en disparaître, mais plutôt en participant à celui-ci.
Les espaces intérieurs sont enveloppés par une peau blanche aux formes ciselées et irrégulières, appelée Iceberg. Son revêtement est constitué de 19072 panneaux courbes obtenus par le moulage d’un béton fibré blanc.
Les ouvertures et les failles qui séparent les masses opaques de l’Iceberg sont refermées par des parois vitrées, qui se décomposent en quarante-six ouvrages de configurations très diverses, dispersés dans le bâtiment. Le défi fut de coupler leurs complexité et singularité géométriques avec les très hautes performances attendues pour l’étanchéité, l’isolation thermique et la résistance au feu.
Par-delà l’Iceberg, douze voiles de verre flottent autour du bâtiment, d’une surface totale de 13400m². Se chevauchant l’une l’autre, elles forment avec le corps du bâtiment un espace complexe, poreux, toujours changeant. Ces voiles protègent les terrasses contre les intempéries et amenuisent les apports solaires. Les 3600 vitrages courbes qui recouvrent ces voiles ne présentent, eux aussi, aucune répétitivité. Ils résultent d’un process industriel nouveau qui permet de faire varier le cintrage à chaud autant que nécessaire.
La thématique du navire (hors voiles, le bâtiment possède le profil d’un paquebot, certes légèrement tordu, avec ses cheminées), est renforcée par un espace aquatique avec jeu de cascade et reflets.
Si l’extérieur est vraiment réussi, l’intérieur possède également de nombreuses qualités: insonorisation, volumes agréables, ouvertures excitant l’œil, pureté et élégance des lignes… néanmoins il possède un défaut assez pénible: c’est agencé de manière très complexe. Il en résulte que, même en regardant les plans, il est délicat de comprendre rapidement (le temps de la visite soit 3h), où l’on se situe et où se situent les différentes galeries. On s’y perd un peu au début, ce qui accentue le côté grandiose du bâtiment.
Une « galerie des glaces » intéressante court au rez de jardin. La photo n’en montre que la moitié, mais la vue depuis une petite avancée est pour le moins excitante, chaque mouvement est démultiplié et renvoyé via des angles différents avec un découpage vertical linéaire. Il y a de l’art cinétique à porté de main: il suffit de longer les colonnes et apprécier les ruptures et reflets.
La collection Courtauld
D’habitude visible à Londres, la collection est temporairement exposée à l’institut Louis Vuitton le temps de la réfection de la galerie Courtauld. Samuel Courtauld était un riche industriel du début du XXème siècle, marchand d’art, il s’est appliqué à posséder une collection d’œuvres magistrales qu’il a ensuite léguée, à sa mort en 1947.
La partie concernant l’impressionnisme et le post impressionnisme français est ici exposée. C’est un ensemble remarquable d’œuvres majeures.
De Manet à Modigliani, en passant par Pissaro, Cézanne, Renoir et Gauguin: tous les maîtres sont présents. On y retrouve évidemment, Monet, Van Gogh, Degas… dans des œuvres de première facture.
Il est intéressant de noter qu’il y a également une dizaine d’aquarelles de Turner ayant appartenues au frère de Samuel. Ne les manquez pas, je les trouve splendides.
Pour toute personne sensible à l’art, la vision en direct d’une toile de ce calibre renvoie à une émotion qu’il n’est pas facile d’expliquer et qu’aucune reproduction photographique ne saurait égaler.
A noter que votre serviteur a effectué la visite un samedi entre midi et deux: beaucoup moins de monde que l’après midi, où la foule rend le parcours étouffant et bien moins sympathique.
La collection de la fondation
La collection actuelle (jusqu’en août) a pour titre: Le Parti de la Peinture. On y retrouve 70 œuvres de 23 artistes internationaux.
www.fondationlouisvuitton.fr
Elle (la Peinture, ndlr) est abordée dans toute sa diversité, figurative ou abstraite, expressive ou distanciée, tandis que des œuvres en volume sont mises en regard. Des salles consacrées à Joan Mitchell, Alex Katz, Gerhard Richter, Ettore Spalletti, Yayoi Kusama, Jesús Rafael Soto alternent avec des ensembles thématiques, autour de l’abstraction, de l’espace et de la couleur. Cet accrochage montre de quelle manière la peinture ne cesse de se réinventer et d’enfreindre ses propres règles, puisant dans les techniques de reproduction actuelles.
Pour être franc, j’ai toujours eu du mal avec une certaine forme d’art contemporain. Je suis sans doute vieux jeu, mais considère que s’il faut user d’un vocable hyper relevé dans un commentaire interminable pour décrire ou expliquer une œuvre, c’est qu’elle n’est pas universelle et qu’on s’approche de l’arnaque. Souvent le minimalisme de la représentation va de pair avec l’extension du nombre de lignes descriptives, à rechercher l’exploit ou l’intention dans des aspects anodins ou purement comptables. Pour la Joconde, pas besoin de tout ce fatras. Juste le regard suffit.
Au delà de quelques gigantesques barbouillages et reproductions de photos d’iphone (quel talent!), toujours au format XXXXL (les artistes contemporains doivent avoir un complexe quelque part puisque les « tableaux » exposés sont soit exagérément grands, soit ridiculement petits, encore une fois, on recherche la facilité de l’effet par les chiffres), nous avons quelques œuvres intéressantes.
Notamment, on remarquera deux œuvres cinétiques, dont le Pénétrable Bleu de Jesús Rafael Soto, la chambre de Yayoi Kusama, des néons de Joseph Kosuth ou de Dan Flavin, et l’inévitable expressionnisme de Joan Mitchell. Tout n’est évidemment pas à jeter si on excepte les habituels rideaux de douche de Buren et les tocs de Toroni (qui se définissait lui-même comme le degré zéro de la peinture), peignant depuis les années 70, un alignement de points monochromes ou polychromes sur une surface blanche, empreintes de pinceau no 50, espacées régulièrement tous les 30cm (apparemment on peut en vivre).
Il y a donc un assez bon condensé de ce que le marché de l’art contemporain peut proposer en « peinture », même si je trouve qu’au final on sent bien que l’art tourne en rond en attendant une improbable remise à zéro et en profitant de la spéculation.
Conclusion
Cette fondation mérite-t-elle le détour? OUI sans aucun doute, surtout au vue de la collection temporaire actuelle. A noter qu’un billet VIP (achetable à l’hôtel de ville de Paris) vous permet de rentrer dans le jardin d’acclimatation de manière répétée.
Concernant l’optimisation fiscale via ces fondations (thème assez actuel), que je n’ai pas abordé ici, je vous joins un lien sur le sujet. Cela peut ouvrir des discussions.
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merci du reportage , les Turner !! vous savez jusque quand la collection Courtauld est présente ? elle vaudra l’effort d’un hit and run par tgv pour moi .
Bonjour Asinus, jusqu’au 17 juin 2019.
J’aimerais savoir comment cet immense bateau à voiles résiste aux bourrasques d’une tempête.
Bonjour Lapa et à tous, Merci pour le reportage illustré avec de superbes photos. J’ai eu la chance de visiter la fondation Vuitton : c’est un lieu magique où il est vrai qu’on s’y perd un peu mais l’architecture déstructurée ajoute un aspect ludique aux musées contemporains, comme pour les fondations Guggenheim dans le monde et tous ceux construits ces 20 dernières années aux Emirates, en Chine, au Japon. Le spectacle est partout, dedans dehors au-dessus des têtes et mérite de traîner jusqu’à la nuit tombée. La difficulté dans l’approche et la compréhension des oeuvres contemporaines est souvent gommée lorsqu’est organisée une rétrospective de l’artiste. Je n’ai jamais accroché aux oeuvres très ecclectiques de Gerhard Richter jusqu’au jour où j’ai découvert l’exposition présentée au M.N.AM.G.Pompidou, où l’émotion était présente eu égard à l’histoire de l’artiste, aux références à la guerre. Au Guggenheim de New York, les visiteurs refoulaient après avoir atteint le premier niveau où était suspendue à un clou comme un vieux chiffon, un tissus en feutre marron de Joseph Beuys, juste à côté d’une sculpture en métal d’art minimal. Ils redescendaient la rampe hélichoïdale à toute vitesse pour aller voir les Chagall au sous-sol. Le parti pris des curateurs spécialistes de l’art très contemporain étant de laisser le spectateur trouver lui-même du sens. Or on n’initie pas le néophyte sans lui offir un peu d’histoire, ce qui est valable dans tous les domaines. Pour rêver dans les musées aux belles architectures, aller à une rencontre authentique avec les oeuvres, il faut un fil conducteur de sens!