Fatiha Boudjahlat est enseignante en collège, ancienne secrétaire nationale du MRC à l’éducation, cofondatrice avec Céline Pina du mouvement citoyen Viv(r)e la République.
Le Ministère de l’Éducation nationale n’a connu aucune alternance politique depuis plus de 30 ans1 – non par souci de mettre l’école publique à l’abri des idéologies politiques, mais bien au contraire pour la soumettre constamment à la même idéologie libérale qui peu à peu discrédite et détricote les programmes nationaux et le modèle républicain d’instruction. En s’appuyant sur un rapport du Think Tank « Terra Nova », Fatiha Boudjahlat analyse ici quelques pseudo-innovations, telles que « la politique curriculaire », l’idéologie du « déplacement du savoir » et des « produits culturels marchands ».
Sommaire
- Une politique scolaire d’abaissement des exigences. L’exemple du « curriculum »
- L’idéologie des « compétences » et du « savoir séparé » : la cohérence des dérives en matière scolaire
- Le cynisme de l’OCDE : affaiblir l’école publique
- Une école du marché et de la reproduction sociale : constitution d’une main-d’œuvre hors-sol
- Notes
Une politique scolaire d’abaissement des exigences. L’exemple du « curriculum »
Le Think Tank libéral « Terra Nova » a livré en 2016 un rapport Que doit-on apprendre à l’école ? Savoirs scolaires et politique éducative2, qui entendait présenter l’analyse critique de l’école et des dernières réformes en même temps que la formulation de propositions. Quel que soit le président élu, ce rapport servira de feuille de route au Ministère de l’Éducation. Il n’est guère surprenant que les propositions d’Emmanuel Macron reprennent les préconisations de ce rapport3 qui salue les réformes entreprises aussi bien par la droite que par l’actuel gouvernement de gauche, parce qu’elles vont toutes dans le même sens.
Ainsi, François Fillon n’a cessé durant cette campagne de brocarder les abus des pédagogistes qui auraient conduit l’école dans le mur. Mais c’est lui qui, ministre, a mis en place le « socle des compétences » en 2005, socle qui est le principe organisateur de l’abaissement des exigences scolaires. Le rapport Terra Nova lui livre pour cela un satisfecit : ce socle est « la réelle innovation de fond et de forme ». Et puisqu’il n’y a pas d’alternance politique, ce socle a été repris « dans la loi de refondation de l’école de 2013 », avec Vincent Peillon aux manettes et poussé à son paroxysme par la ministre Najat Vallaud-Belkacem. Qu’est-ce qui rend ce socle si innovant ? Il est « le premier essai d’une politique curriculaire en France. » En matière d’éducation, la France fait tout comme les Anglo-Saxons, avec cependant un décalage de plus de 30 ans, et alors que les Anglo-Saxons en reviennent, nous nous y vautrons.
Qu’est-ce que le curriculum ? C’est le parcours d’apprentissage d’un élève, ce qu’il a vu et compris et ce qu’il est capable de réutiliser. Selon le sociologue de l’Éducation Jean-Claude Forquin, «c’est tout d’abord un parcours éducationnel, un ensemble suivi d’expériences d’apprentissage effectuées par quelqu’un sous le contrôle d’une institution d’éducation formelle au cours d’une période donnée. »4 Selon le site du Ministère de l’Éducation nationale Eduscol, « Le curriculum s’intéresse donc à la totalité et à la réalité du cursus des élèves sur l’ensemble des années de scolarité ainsi que sur l’ensemble des enseignements qu’il est appelé à suivre. Il offre souvent matière à un travail local, à des négociations, qui sont autant de possibilités pour que les acteurs s’en saisissent. »5 C’est devenu dans les faits une manière de court-circuiter les programmes nationaux, non pour prendre en compte les spécificités du public scolaire et du territoire, mais pour y adapter les ambitions de l’institution et des enseignants. Ce que reconnaît et préconise le rapport Terra Nova : « Les programmes nationaux ne sont donc qu’un instrument, qui doit faire l’objet d’une appropriation par les équipes pédagogiques, chacune en fonction de la situation qu’elles rencontrent localement. » On se souvient des fameuses « singularités territoriales » invoquées par Najat Vallaud-Belkacem lors d’une interview6, qui se sont traduites par la quasi-suppression des classes bilangues dans l’académie de Normandie et leur maintien total dans l’académie de Paris. Dans la même interview, la ministre a expliqué qu’il n’y avait pas pour un élève du « département [sic] de la Normandie » d’utilité à apprendre l’allemand. C’est une rupture d’égalité des chances entre les enfants de France. Et en effet, selon cette logique différentialiste, qu’est-ce qu’un élève de collège classé Réseau d’Éducation Prioritaire pourrait faire du latin ? Chers parents, il sera désormais donné à votre enfant selon la catégorie socioprofessionnelle à laquelle vous appartenez, selon le niveau socio-économique du territoire sur lequel l’école est située. Cette adaptation à chaque élève et à chaque territoire constituerait une préoccupation louable s’il s’agissait de partir d’une analyse fine de la réalité pour amener ces enfants à un haut niveau d’exigence. Mais il s’agit plutôt d’adapter ce qui est attendu de l’élève en fonction de ce qui peut être espéré d’un élève-type de ce territoire. L’approche curriculaire prétexte la construction de parcours individualisés et personnalisés, alors qu’elle assigne à résidence les élèves dans un misérabilisme qui est devenu une marque de fabrique de ce gouvernement.
L’idéologie des « compétences » et du « savoir séparé » : la cohérence des dérives en matière scolaire
Ce programme de Terra Nova illustre toutes les dérives idéologiques imposées à l’école, aussi bien par les hauts fonctionnaires que par l’Inspection Générale et les pédagogistes. Il suffit de considérer deux extraits stupéfiants de ce rapport pour mettre en série ces éléments qui montrent que cette école Terra Nova est celle de l’OCDE. Ainsi, les deux premiers extraits justifient la baisse de niveau programmé.
« On pourrait aller plus loin et dire que les contenus d’enseignement d’une école juste doivent être établis pour ne pas conduire des élèves à faire plus de chemin que d’autres pour les assimiler. » On retrouve ce que le sociologue François Dubet avait déjà préconisé en incitant le monde de l’éducation à adapter les programmes à ce que l’élève le plus faible était en mesure d’acquérir. Lui et sa collègue Marie Duru-Bellat évoquaient dans leur livre Dix propositions pour changer d’école7 la « discrimination par le diplôme ». C’est l’inversion de la norme, « l’adaptionnisme scolaire», terme créé par Laurent Jaffro et Jean-Baptiste Rauzy dans leur ouvrage L’École désœuvrée8 pour désigner « la pente actuelle dominante dans les réflexions sur l’école et dans l’institution elle-même qui incline à adapter l’école à l’élargissement de ses publics plutôt que de persévérer à amener ses nouveaux publics à des savoirs déterminés ». C’est le choix du renoncement que F. Dubet confirmait lui-même: « Ceux qui ne cessent de dénoncer la baisse du niveau imaginent souvent que l’école aurait pu se massifier tout en maintenant le niveau »9. Le but est de réduire la qualité de l’enseignement, parce que c’est moins coûteux, et parce qu’il doit coller aux besoins de cette économie de la connaissance qui est en fait celle de la tertiarisation à l’extrême, de l’économie des services, avec des emplois très qualifiés, bien rémunérés mais peu nombreux d’un côté et des emplois très peu qualifiés et peu rémunérés, mais majoritaires dans les offres d’emploi, à l’autre bout du spectre. Or la massification scolaire était porteuse de cette idée de réussite par le diplôme. Comment parvenir alors à couvrir les besoins économiques de la société ? En distribuant des diplômes démonétisés, monnaie de singe qui garantit l’universelle formation a minima par le « socle des compétences » devenu « socle des compétences et de culture ».
Or « Les finalités professionnelles, par exemple, sont essentielles, et les carrières ne seront pas linéaires pour la plupart des jeunes d’aujourd’hui. Elles ne sauraient justifier une conception à courte vue, qui se révélera très vite défavorable aussi bien aux intérêts particuliers qu’à l’intérêt collectif. » C’est cette adaptabilité dans l’employabilité qui est l’objectif premier. On retrouve les préconisations formulées par le haut fonctionnaire Claude Thélot dans un rapport remis en 2004 : « La notion de réussite pour tous ne doit pas prêter à malentendu. Elle ne veut certainement pas dire que l’école doit se proposer de faire que tous les élèves atteignent les qualifications scolaires les plus élevées. Ce serait à la fois une illusion pour les individus et une absurdité sociale puisque les qualifications scolaires ne seraient plus associées, même vaguement, à la structure des emplois. »10 Il s’agit bien d’adapter l’offre scolaire aux besoins du marché. Ce que l’OCDE expliquait déjà en 1996 : « Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. »11 Ailleurs : « Tous n’embrasseront pas une carrière dans le dynamique secteur de la «nouvelle économie» – en fait, la plupart ne le feront pas – de sorte que les programmes scolaires ne peuvent être conçus comme si tous devaient aller loin. »12 C’est le règne du apprendre à apprendre qui permet de réduire les exigences de contenu disciplinaire, parce qu’il faut former des prolétaires précarisés, prêts à changer de métier au gré des besoins du marché. La ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem avait ainsi déclaré: » Les EPI [Enseignements Pratiques Interdisciplinaires] feront la part belle au travail d’équipe, à l’expression orale, à la conduite de projet […]Toutes ces compétences si recherchées sur le marché du travail et trop peu développées par notre collège. »13 Cette adaptation au monde du travail trahit la vocation de l’école et du collège qui est de transmettre savoirs et culture à chaque enfant.
Le grand sociologue de l’éducation et du curriculum Basil Bernstein décrivait dès 2000 la situation que nous commençons à vivre : il redoutait « l’installation d’un nouveau modèle de performance générique au nom d’un principe de reconvertibilité, et d’un life long learning, « d’une formation tout au long de la vie » demeurant pourtant bien improbable. »14 Basil Bernstein décrit les conséquences de l’idéologie des compétences, du curriculum et de cette société de la connaissance voulue par l’UE au travers de la Stratégie de Lisbonne, relancée sous le nom d’Europe 2020 :
« Le savoir est séparé des personnes, de leur investissement, de leurs choix personnels. Ceux-ci deviennent des obstacles, des restrictions au libre écoulement du savoir et introduisent des déformations dans le fonctionnement du marché symbolique. Déplacer le savoir ou même le créer ne devrait pas être plus difficile que de déplacer ou de réguler l’argent. Le savoir, après presque un millénaire est séparé de l’intérieur et littéralement déshumanisé. Une fois que le savoir est déplacé de l’intériorité, de l’investissement personnel, de la structure profonde de soi, alors les gens peuvent être déplacés, remplacés les uns par les autres et exclus du marché. »15
Les compétences, le curriculum adapté au milieu social des élèves et cette fausse économie de la connaissance, tertiarisée à l’extrême, ont pour but de favoriser la constitution d’une main d’œuvre hors-sol, peu formée donc multi-formable et sans moyen d’imposer des exigences en termes de salaire : ce sont les nouveaux prolétaires. Sans oublier que l’on parle maintenant de marché scolaire, évalué à 3.200 milliards d’euros, soit plus que le marché mondial du pétrole. Jean-Baptiste Rauzy avait vu juste quand il expliquait dès 2000 les conséquences d’un tel système dans son article « L’adaptationnisme et l’identité européenne »16. Il évoquait ceux « qui cantonnent de plus en plus l’école dans l’installation des compétences requises par la demande sociale. À la limite, on peut imaginer un système éducatif dans lequel les œuvres seraient presque entièrement absentes, ou remplacées par des produits culturels marchands [on pense aux Avengers, aux chansons de Black M ou d’Indochine que l’on retrouve en masse dans les manuels de Français par exemple], et dans lequel les savoirs seraient entièrement repliés sur les compétences. »
Le cynisme de l’OCDE : affaiblir l’école publique
L’OCDE se pique de prospective et a publié, pour la première fois en 2001 avec le Centre de Recherche International CERI « les scénarios pour l’école de demain »17. Ces scénarios devaient favoriser le débat sur la destinée probable, possible ou souhaitable du système éducatif de chaque pays européen. Ils n’étaient pas censés prendre une dimension prescriptive ou même prédictive. Mais lorsque l’on considère ces scénarios à la lumière de l’obsession curriculaire et des propos de B. Bernstein, on comprend que certains d’entre eux ont servi de boussole idéologique. Par exemple, un des scénarios présentés par l’OCDE, intitulé «Extension du modèle du marché» est résumé en trois points :
- « L’insatisfaction générale conduit à remanier les systèmes publics de financement et de scolarisation.
- Essor rapide de la valorisation sur le marché des indicateurs et des mécanismes de validation fondés sur la demande.
- Plus grande diversité des producteurs et des professionnels, creusement des inégalités. »
Ce scénario, basé sur le désinvestissement de l’État dans l’école publique aboutit à cette conclusion formulée par les analystes de l’OCDE, et n’est pas sans faire penser aux premiers effets de la réforme des collèges, à savoir une fuite vers le privé18 :
« La mise en place d’un modèle d’école obéissant bien davantage aux lois du marché dépendra vraisemblablement d’un certain nombre de facteurs. Cette évolution serait nourrie par un profond sentiment de mécontentement, à l’égard des services en place, parmi les « consommateurs stratégiques », en particulier les parents de la classe moyenne instruite et les partis politiques, en même temps que par une culture dans laquelle l’école serait déjà considérée comme un bien tout autant privé que public. De grands écarts de performances scolaires renforceraient les critiques, tandis que l’instauration à grande échelle du « modèle de marché » dans le système scolaire irait en soi de pair avec la tolérance par la société d’un certain niveau d’inégalité. »
Il s’agit moins d’une œuvre de fiction que d’un vade mecum pour parvenir à la réduction de la sphère publique et donc des coûts, surtout salariaux, de l’école publique, ce qu’on lit plus loin: « Ce scénario repose sur l’hypothèse d’une diminution de l’intervention directe de l’État dans la production d’activités d’enseignement. » C’est dans le sens du désengagement qu’il faut comprendre la création et l’indépendance du Conseil Supérieur des Programmes, créé en 2014, que loue le rapport Terra Nova. On peut relier enfin cet autre extrait « D’un côté, les cultures entrepreneuriales plus agressives seraient peut-être le meilleur moyen de repérer des marchés nouveaux et des approches nouvelles qui rompraient avec la tradition. » à l’entrée en Bourse de certains établissements scolaires suédois19, ou à la multiplication des partenariats privés sous-traitant le soutien scolaire, ou à la Corée du Sud qui ne jure plus que par le Cyber Home learning system. Le mécontentement des parents est orchestré par un sous-investissement dans les équipements mais surtout par le détricotage des programmes scolaires et l’abaissement des exigences.
Une école du marché et de la reproduction sociale : constitution d’une main-d’œuvre hors-sol
L’école OCDE, l’école Terra Nova, est celle du Marché mais aussi de la reproduction sociale parce que seuls les enfants de milieux populaires, qui n’ont que l’école publique, seront concernés. Les autres ont des familles qui disposent du capital culturel ou du capital scolaire pour échapper à ce formatage. Basil Bernstein dénonçait ces innovations qui « renforcent le rôle invisible des parents. »20 Le pire est que les pédagogistes se croient modernes. Or, les débats autour du curriculum ont eu lieu en Angleterre dès les années 196021 !
Avec la constitution de cette main d’œuvre hors-sol, on comprend la place que le rapport de Terra Nova réserve à l’enseignement du français, réduit à un langage d’usage : « La focalisation exclusive sur la langue française, comme seule langue d’enseignement reconnue et comme seule langue enseignée en dehors de langues réputées « étrangères » occulte ce que peuvent être les besoins et l’intérêt même des élèves qui, nombreux, disposent de compétences dans diverses langues qui constituent une part de leur identité : apprendre ces langues et les utiliser constitue un droit fondamental, comme le souligne le Cadre européen commun de référence pour les langues. » Poursuivant plus loin : « Or si on ne peut pas dire que la littérature étrangère soit absente du collège, ni la littérature populaire, ou même marchande, on n’a pas connaissance de leur part exacte, ni surtout de la façon dont elles sont présentées. Les littératures des cultures d’origine de beaucoup d’élèves, traduites en français, par exemple, sont presque absentes des manuels ». Comment ne pas comprendre qu’il s’agit de diluer et la langue et la culture et l’identité françaises, de fabriquer une classe prolétaire hors sol, et d’abaisser le contenu culturel transmis à l’école, avec cette référence à la littérature populaire ? On repense à la Ministre grimée pour participer à un jeu de Quidditch, dans le cadre de ces fameux EPI. On sent combien la prétention d’un pays à enseigner sa langue comme langue première, prioritaire et primordiale est méprisée. Non, le français en France ne saurait être une langue d’usage. Et on comprend alors le maintien des ELCO rebaptisés en EILE22, plus rassurant et faussement plus ambitieux, dont l’existence pouvait se justifier pour des enfants d’immigrés destinés à rentrer chez eux un jour, mais dont on ne peut comprendre le maintien quand il s’agit de natifs de France, chez eux en France.
Ce système libéral anglo-saxon des compétences débouchant sur les curricula est arrivé en France sous le ministère de François Fillon. Il a été poursuivi et amplifié par les hauts fonctionnaires sous les ministres qui lui ont succédé, qu’ils soient de gauche ou de droite. Parce que ces réformes réduisent le coût de la scolarité. Parce que, faisant fuir les classes moyennes dans le privé, elles réduisent les besoins en investissement de l’État. Xavier Timbeau, directeur à l’Observatoire français des conjonctures économiques, écrit dans le numéro d’avril 2017 d’Alternatives économiques que l’analyse des chiffres sur l’éducation montre que notre pays semble avoir fait le « choix délibéré de dépenser moins pour éduquer moins. » C’est ce que l’enseignement des compétences permet. Il n’y a qu’à voir les filières proposées et cette volonté de casser les orientations vers des voies industrielles d’excellence. C’est qu’un lycée professionnel offrant des filières tertiaires peu qualifiantes (secrétariat, accueil…) coûte quatre fois moins cher qu’un lycée professionnel industriel qui a de plus l’avantage d’absorber une plus grande masse d’élèves. Ils sortiront diplômés, mais leur diplôme n’aura aucune valeur.
La mise en série fait sens : c’est une offensive globale dont il nous faut appréhender le périmètre et la nature. C’est sous les ordres de l’UE et de l’OCDE que la France renonce de plus en plus à son modèle scolaire républicain, pour reprendre, avec trente années de retard, la voie du modèle anglo-saxon. Les inégalités socio-scolaires ne cesseront de s’aggraver. Basil Bernstein évoquait le problème du « gaspillage du potentiel éducatif de la classe ouvrière ». C’est en effet un gâchis et un sabotage orchestré par les pédagogistes et les hauts fonctionnaires. Et il n’a jamais été plus important que sous le ministère de Mme Vallaud-Belkacem.
1 – [Note de l’éditeur] On rappellera, entre autres, deux ouvrages plus que trentenaires : Jean-Claude Milner De l’école (Paris : Seuil, 1984 ; rééd. Lagrasse, Verdier 2009) et Catherine Kintzler Condorcet, l’instruction publique et la naissance du citoyen (Paris : Le Sycomore, 1984 ; rééd. Paris : Minerve, 2015). Voir également, sur la continuité de cette politique, les nombreux articles publiés sur Mezetulle, notamment par Jean-Michel Muglioni et Tristan Béal.
2 – RF Gauthier et A. Florin, 27 Mai 2016, téléchargeable sur cette page : http://tnova.fr/rapports/que-doit-on-apprendre-a-l-ecole-savoirs-scolaires-et-politique-educative.
3 – Pour une analyse des propositions d’Emmanuel Macron sur l’école, lire l’article de Julien Rock, « Emmanuel Macron veut achever l’école de la République », publié sur le média Le Vent Se Lève.
4– La sociologie du curriculum en Grande-Bretagne : une nouvelle approche des enjeux sociaux de la scolarisation, Revue française de sociologie Année 1984 Volume 25 Numéro 2 pp. 211-232
5 – Téléchargeable depuis ce lien http://www.education.gouv.fr/archives/2012/refondonslecole/wp-content/uploads/2012/09/consulter_la_comparaison_internationale_sur_les_programmes1.pdf
6– BFMTV, dimanche 17 avril 2016.
7– Paris : Le Seuil, 2015.
8– Paris : Flammarion, 2000.
9 – Cité par Carole Barjon dans Mais qui sont les assassins de l’École ?, coll Mauvais Esprit, ed Robert Laffont, 2016
10 – http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/044000483.pdf , Pour la réussite de tous les élèves
Rapport de la Commission du débat national sur l’avenir de l’École – page 32 – 2004.
11 – « La faisabilité politique de l’ajustement » par C. Morrisson, Cahier de politique économique n°13, 1996. Texte analysé sur Mezetulle dans deux articles : « Les risques calculés du néo-libéralisme » par C. Kintzler http://www.mezetulle.fr/les-risques-calcules-du-neo-liberalisme/ et « Comment ruiner l’école publique » par M. Perret http://www.mezetulle.fr/comment-ruiner-lecole-publique/
12 – OCDE L’école de demain Quel avenir pour nos écoles ? Enseignement et compétences – page 30 – 2001.
13 – JDD – 10 mai 2015.
14 – Daniel Frandji et Philippe Vitale, Introduction Basil Bernstein : vivre les frontières. Actualité de Basil Bernstein, éd le lien social, 2008.
15 – Pédagogie, contrôle symbolique et identité, traduit par Ginette Ramognino-Le Déroff & Philippe Vitale. Sainte-Foy [Québec] : Presses de l’université Laval, 2007
16 – Dans un article publié dans la revue Panoramiques en 2000, avec pour titre : « L’Éducation nationale : des idées à rebrousse-poil ».
17 — Téléchargeables sur cette page : http://www.oecd.org/fr/education/scolaire/1840081.pdf. Une analyse en a été faite lors du colloque international Un seul monde, une seule école ? Les modèles scolaires à l’épreuve de la mondialisation, organisé en mars 2009 et présentés sur ce lien : http://www.ciep.fr/sites/default/files/migration/ries/colloque-2009/docs/Istance-atelier-E-colloque-Revue-CIEP.pdf
18 – « Au total, les effectifs du secteur privé (sous et hors contrat) devraient augmenter de 5700 élèves à la rentrée 2017 puis de 3400 à celle de 2018. Le secteur public devrait scolariser 20500 élèves de moins en 2017 puis 33500 de moins en 2018. », extrait de la note de la Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance, téléchargeable sur cette page : http://cache.media.education.gouv.fr/file/2017/27/7/NI-EN-03-2017_725277.pdf
19 – Libération, 16 septembre 2016
20 – Ibid.
21 – Lire article de Jean-Claude Forquin : « La sociologie du curriculum en Grande-Bretagne : une nouvelle approche des enjeux sociaux de la scolarisation », Revue française de sociologie Année 1984 Volume 25 Numéro 2 pp. 211-232.
22 – ELCO : Enseignement des langues et des cultures d’origine, EILE : Enseignements internationaux de langues étrangères. Lire ma tribune sur les ELCO et l’enseignement du français sur ce lien http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/06/16/31001-20160616ARTFIG00192-enseignement-de-l-arabe-au-cp-la-langue-francaise-fait-la-nation-et-permet-l-emancipation.php
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La clé est là : « Le but est de réduire la qualité de l’enseignement, parce que c’est moins coûteux, et parce qu’il doit coller aux besoins de cette économie de la connaissance qui est en fait celle de la tertiarisation à l’extrême, de l’économie des services, avec des emplois très qualifiés, bien rémunérés mais peu nombreux d’un côté et des emplois très peu qualifiés et peu rémunérés, mais majoritaires dans les offres d’emploi, à l’autre bout du spectre. »
je ne peux m’empêcher aussi de penser qu’affaiblir l’enseignement, l’apprentissage de la raison, c’est aussi renoncer à lutter contre un certain obscurantisme
Bonjour Léon. Il y a quand même un truc que je ne saisis pas. L’EN c’est 85% de plus de 140 milliards d’euros par ans que les collectivités, les menages, l’état entre autre paient chaque année.
Moins cher? Il n’y a qu’à voir l’évolution de ce budget. Depuis le temps qu.ils voulaient une éducation moins chère ca serait vu non? Donc on paie à prix fort un système de plus en plus au rabais. La question c’est: où va tout ce fric?
J’ai peur que les justifications financières un peu faciles ne servent qu’à cacher des raisons idéologiques profondes.
Bonjour Léon et Lapa,
Après une augmentation dans les années 1990-2000, la part du budget de l’éducation dans le PIB est revenue au niveau des années 1980. Si on regarde la courbe en euros constants, celle-ci reflète l’inflation mais aussi la flambée des prix (services, matières premières et équipement) juste après le passage à l’euro. Un doublement au lycée coûtait dans les années 90 environ 2500 euros, une année de lycée aujourd’hui reviendrait à plus de 8000 euros!
Le salaire des personnels pèse lourd mais la gratuité des études née de l’idéal républicain est peut-être à réétudier pour rééquilibrer le budget sans supprimer des postes. Il faudrait réfléchir à une participation graduelle dans certaines filières comme la médecine, l’architecture dont le recrutement se fait à plus de 4/5 dans des familles pouvant largement se passer de la gratuité! J’ai payé hier 98 euros de dentiste pour un soin et un détartrage express en 9 mn chrono!
Ce qui pèse dans le budget : l’allongement de la durée des études (sans aucune évaluation de l’efficacité des exigences de l’élévation du niveau de recrutement excepté pour dissimuler l’augmentation du taux de chômage), le niveau master exigé pour tous les enseignants, l’équipement informatique et en technologie de l’image, la revalorisation des salaires et des primes de suivi et d’orientation en 1982 pour les enseignants, la création de classes « relai ». Par contre les salaires sont gelés depuis plus de 20 ans, il y aurait une baisse des effectifs du côté des élèves. Les congés de longue durée qui se multiplient eu égard aux violences quotidiennes subies par de nombreux personnels sont payés sur le budget de l’Education mais aussi à la maladie cancéreuse. Sur cette part des dépenses, c’est l’omerta totale, car il faudrait rendre publique l’explosion du nombre de cancer, l’absence de médecine du travail, de soutien des enseignants débutants et de ceux qui entrent dans la spirale de la dépression liée aux violences mais aussi à la déconsidération de leur métier !
J’ai un exemple concret à donner sur l’échec des BAC PRO : avant d’être diplômé, un jeune avait été embauché deux années de suite en CDD pour un job d’été dans une entreprise. Le bac en poche, il postule dans cette société. Le DRH lui répond qu’on embauche que des bacs +2!
J’aimerai savoir si l’intéressement financier des chefs d’établissement à la non-gestion des caïds a toujours existé, prime les rendant complices de la dégradation des conditions de travail pour tous les personnels mais aussi d’études, de vie scolaire pour les élèves. La prime des chefs d’établissement dépendant du classement de l’établissement (lié à l’effectif et aux signalements au procureur), ceux dont l’établissement est déclassé ne sont guère motivés pour régler les problèmes graves. Cette prime est associée à une progression dans leur carrière. En préservant leurs avantages financiers, ils exposent les enfants, les adolescents à des violences multiples devenues institutionnelles. Aujourd’hui, dès la maternelle, certains enfants crachent sur ceux qui ne portent pas de chaussures ou de vêtements de marque. On peut dire que le caïdat commence dès les premières années d’école. La seule explication plausible consisterait à ce qu’implicitement, l’état soustrairait les mineurs de moins de 16 ans pour le collège et de moins de 18 ans pour les lycées, auteurs de violences et de trafics, de leur gestion par le ministère de la justice qui subit comme l’éducation nationale les suppressions de postes, la réduction des moyens depuis la loi LOLF. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays européens, en laissant les jeunes criminels au contact des collégiens et lycéens, en se contentant de les renvoyer d’un établissement à un autre où ils circulent librement avec leur marchandise en répétant les agressions, le racket, les perturbations de cours, on banalise le crime puisque la vente de stupéfiants à des mineurs en est un. Je me souviens, fait rapporté par un proviseur, d’une femme dont le fils vendait et rackettait au lycée depuis 2 ans, appelant les parents d’une victime pour leur demander de retirer leur plainte. Il faut qu’un certain nombre d’administratifs vivent bien planqués dans leurs bureaux pour laisser faire de tels agissements! Avec un peu d’expérience, le caïd se reconnaît dès la première rencontre. Tout petit, le grand frère ou le père sont là, prêts à frapper ou à bondir sur l’enseignant qui ne se laisse pas faire.
Très habilement, nos gouvernants dont les enfants fréquentent des écoles privées les plus prestigieuse n’ont pas besoin de prendre le risque d’un décret pour la privatisation du système scolaire républicain. Il suffit de le laisser pourrir de l’intérieur.
Euhhhh bonjour Dora…
Tu peux répéter la question????? 😯
J’aimerai savoir si l’intéressement financier des chefs d’établissement (payés pour ne pas faire de signalements au procureur) à la non-gestion des caïds a toujours existé? ou bien si c’est récent…
À vue de nez ça date des réformes Jospin et du bac pour 80%…L’invention du Bac Pro du contrôle continu avec code couleur et
étoilescroix cochant des centaines d’item….En gros 1990.
Cela existe même pour les établissements réputés. L’ancien directeur de l’école de mes enfants ne souhaitait mettre en place aucune action alors que des élèves étaient obligés de quitter l’établissement à cause de harcèlement et racket. Surtout pas de vagues. Aux réunions il expliquait qu’il n’y avait pas mort d’homme et que nos valeurs de respect et d’honnêteté n’étaient que des considérations archaïques et bourgeoises de provinciaux. Bref il fallait vivre avec son temps.
Il a été heureusement remplacé.
Le caïdat dans les écoles s’est développé avec la complicité des administratifs et même des ministres. A son arrivée au ministère de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem était représentante pour le roi du Maroc en France alors que celui-ci cautionnait la production de résine de cannabis dans son pays, production qui a doublé dans les années 200-2004, produit qui est une des causes majeures du racket et des violences dans tous les établissements scolaires, même dans le privé. Il y a toujours eu des enfants dressés à la coercition de leurs pairs au couteau dans les familles mafieuses traditionnelles. Mais c’était une toute petite minorité. Avec la politique du chiffre de Sarkozy, le communautarisme des quartiers où la drogue arrivait en quantité du Maroc, la suppression de la police de proximité qui n’était pas que répressive et de 2000 postes de policiers, les enquêtes de longue durée pour le grand banditisme et les trafics été gelées. Les chefs de réseau ayant goûté aux joies de l’emprisonnement se sont mis à recruter des mineurs qui, avec la complicité des chefs d’établissement par peur des représailles et/ou avidité financière (leur prime avant tout!)vivant cloîtrés dans leurs bureaux ou renvoyant les jeunes criminels chez leurs confrères, sont restés en contact avec les autres élèves jusqu’à leur majorité. C’est dans ces années-là que tout a basculé avec aussi le déficit éducatif dans un grand nombre de familles./li>
La loi LOLF promulguée en 2001 contraint les fonctionnaires à trouver des financements extérieurs pour que chaque projet nécessitant une ligne de crédit soit validé. En plus de cette nouvelle contrainte, elle oblige chaque enseignant à présenter son projet devant le conseil d’administration 6 mois à un an avant sa réalisation. C’est bien là que se situe un conditionnement à la gestion de projet, à la privatisation du système scolaire, sans tenir compte de la réalité du terrain : pour les établissements scolaires, on ne peut pas anticiper sur le fonctionnement d’une classe d’adolescents un an à l’avance ni sur les programmes d’exposition des musées, des lieux culturels qui sont rarement disponibles avec ce délai! Cette loi a été votée suite à plusieurs scandales de détournement de fonds publics par des élus ou ministres dans les années 95-2000. Avec les mises en examen Fillon-Le Pen, nous constatons que les élus ne sont toujours pas cadrés par cette loi et que les tracasseries sont retombées sur le pauvre prof ayant envisagé une sortie pédagogique en cours d’année mais ne pouvant pas la réaliser car n’ayant pas été approuvée à la fin de l’année précédente !
Il faut avoir connu le désespoir des enseignants confrontés à la validation new age du travail des élèves…
D’abord il fallait admettre la morale sous-jacente de ce capharnaüm.
___________Nous étions de vilains enseignants qui , par vice , par nature et par fonction ne cherchions qu’à débusquer les fautes de nos élèves en nous détournant sciemment de ce qu’ils avaient de bon, en gros de ce qu’ils savaient bien faire….
_________Nous étions les médecins d’Illitch nous rendions malade le patient.
Le gauchisme le plus débridé nous revenait en plein face.
Alors nous devions ____ sous la contrainte___ séparer les savoirs des savoirs faire__
On devait en français trouver la preuve que l’elève savait faire une phrase sans respecter le temps des verbes et le singulier pluriel des pronoms…
Les accords les modes de conjugaison rien à faire
Il fallait voir si il manifestait la volonté de communiquer…….
De Délire en délire , il faut avoir reçu les consignes venues d’en haut à cette époque , il faut l’avoir vécu
Mais il faut avoir vu le sourire narquois de nos collègues d’atelier, qui, enfin ils allaient pouvoir assouvir leur haine proclamée de l’enseignement général.
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qu’importe et cela sous le regard bien veillant des direction syndicales.
On allait mettre des couleurs et des centaines de croix pour évaluer les élèves et par la vertu de ce procédé magique les crétins se verraient transmutés en ouvrier compétents…….
Mais un grand malheur advint
La déconvenue ne tarda pas.
il est des fois où le vivant se venge des projets mortifères…
Il se trouve que celui qui savait monter correctement un système d’engrenage ou un circuit électrique était aussi celui qui savait le mieux le décrire par écrit…
Et il fallait un accident rarissime pour que l’inverse ne se vérifiât pas.
Les meilleurs à l’atelier étaient aussi les meilleurs en français .
Si bien que le bouzin contrôle continu tomba peu à peu en désuétude
.
Il avait eu le temps de faire ses ravages , il avait eu le temps de diviser les enseignants entre eux et de favoriser quelques fructueuses modifications de carrière vers le bataillon sacré des petits agents de propagande du recteur attendant de devenir les missionnaires toujours convaincus des futures farfelues et faribolesques nouvelles trouvailles des pedagogistes…