Tous les lycéens savent que derrière ce mot barbare se cache une astuce mathématique. Pour faire simple, les logarithmes permettent de remplacer une multiplication par une addition, et une division par une soustraction.
On les doit à John Napier ou Neper qui avait à réaliser de nombreux calculs et qui fit la remarque suivante :
si on multiplie m fois par lui même un nombre positif a, on obtient un nombre X= a puissance m. De même, n multiplications successives donnent Y=a puissance n, donc multiplier X par Y revient à multiplier (m+n) fois le nombre a par lui même, d’où :
X*Y= a puissance m+n. Dans cette égalité, l’opération du terme gauche est une multiplication et celle du terme de droite une addition. Pour multiplier deux nombres il suffit donc de connaître :
- les exposants m et n qui leurs correspondent appelés leurs logarithmes de base a par Napier
- de les additionner pour obtenir le nombre p=m+n
- et de rechercher le nombre Z dont le logarithme est le résultat p de cette addition
À l’aide de tables, calculées une fois pour toutes, donnant la correspondance entre tout nombre X et son logarithme m, cette série d’opérations est des plus simples et des plus rapides. Imaginez-vous avoir à multiplier 943 721 644 par 659 325 639…. au delà du temps que cela va vous prendre, une feuille format A4 ne sera pas suffisante et le risque de commettre des erreurs est grand : c’est là où les logarithmes rentrent en jeu et simplifient le calcul.
De la même façon la division X par Y s’écrit X/Y=a puissance m-n : il faut donc pour diviser, soustraire le log du dénominateur au log du numérateur.
Admettons que la base choisie soit a=10, le log de 10 est donc 1, celui de 100 est 2, celui d’un million est 6 etc… Plus grand est le nombre, plus grand est son log mais sa progression est beaucoup plus lente : lorsque le nombre est multiplié par 10 son log n’augmente que d’une unité.Le log de 1 est 0, quand aux nombres inférieurs à 1 leur log est négatif, ainsi log(0.1) =log (1/10)=0-1= -1, le log(0.0001)= -4 etc…
Plus le nombre est petit est plus son log a une valeur négative élevée, mais ne peut jamais atteindre le nombre 0, il est donc classique d’admettre que le log de 0 est moins l’infini. Sauf que la notion d’infini recèle bien des ambiguïtés, il y a, en effet, une infinité d’infinis autres que la suite infinie des nombres entiers : mieux vaut donc dire qu’il n’y a pas de log de 0.
La correspondance entre un nombre positif et son logarithme nous montre que connaître l’un permet de connaître l’autre. La différence essentielle est leur domaine de variation, pour le nombre, ce domaine a pour limite inférieure 0 et n’a pas de limite supérieure. Pour le logarithme, il n’y a ni limite inférieure ni limite supérieure : passer d’un nombre positif à son logarithme ou réciproquement permet de modifier les limites du domaine exploré et de résoudre, parfois, ce qui semble être un paradoxe.
Par le passé, les pauvres lycéens utilisaient les tables de log, sources de pleurs, de cris et de lamentations alors que maintenant les calculettes donnent instantanément les résultats des calculs les plus complexes : le concept de logarithme est passé de mode. Tant mieux pour nos p’tits jeunes mais dommage aussi, car ce concept peut être l’occasion de réflexions utiles allant bien au delà d’une astuce mathématique. Des domaines aussi éloignés des mathématiques, en l’occurence des logarithmes, que sont la psychologie ou la philosophie peuvent bénéficier de leurs apports en aidant à poser et à réfléchir autrement à quelques problèmes.
Dans son excellent livre de vulgarisation « La science à l’usage des non-scientifiques » , Albert Jacquard montre quelques applications intéressantes :
Les notions de température absolue et de big bang :
Personnellement, lorsque j’ai appris que la température d’un objet ne pouvait pas descendre en dessous de -273 degrés centigrades je n’ai été immédiatement interpellé mais, quelque temps plus tard, j’ai supposé qu’avec des moyens techniques plus pointus on pourrait dépasser cette limite infranchissable. Pourquoi ne pas trouver -274 ou -275 degrés, voire plus ou moins ?…. Impossible, et pour clore le sujet on remplace la mesure en degrés par la température absolue T, dont le 0 correspond au -273. Circulez…y’a rien à voir, ni à comprendre, puisque « on » vous dit que c’est comme ça. Cette température absolue ne peut donc être négative, et ce n’est pas le recours au terme « absolu » qui supprime la difficulté. En fait, la question est mal posée : il suffit de rétablir la température comme étant le logarithme de T pour que sa plage de variation soit sans limite, et à mesure que l’on se rapproche de 0 ce log devient de plus en plus grand en valeur absolue. Ainsi la tentation d’imaginer un au-delà du 0 s’envole… Magique, non ?…
De la même manière, un changement de l’échelle de mesure de la durée permet d’échapper au paradoxe de l’avant big bang. Le constat de l’expansion actuelle de l’univers conduit à l’hypothèse que cette expansion était hier plus petite qu’aujourd’hui, avant-hier plus petite qu’hier, et il y a quelques milliards d’année d’une dimension nulle et d’une densité infinie. Cette façon de poser ainsi l’origine du cosmos incite à poser la question : « qu’y avait-il avant ? » Cette question ne serait pas posé si l’âge de l’univers n’était pas mesuré par la durée D écoulée depuis son origine mais par son logarithme : le passé serait repoussé vers un passé infiniment lointain !… Cette façon de voir est assez cohérente avec le discours des astrophysiciens lorsqu’ils décrivent les premiers instants du cosmos : assez facilement ils nous fournissent des informations sur les premières minutes, mais il leur faut bien des efforts pour décrire les premières secondes, puis les premières millisecondes, puis les nanosecondes. Leur progression est vraiment logarithmique, et il exclu qu’il atteignent un jour l’instant zéro. En mesurant le temps par le logarithme de D, cet instant est reporté à l’infini dans le passé, et il n’a pas, dans notre représentation de la succession des événements d’existence réelle… et les instants précédents encore moins.
Tout aussi intéressante, la perception de notre propre temps :
La perception de la durée écoulée que nous avons est différente de ce que mesurent les horloges. Si on laisse de côté la lenteur du temps dans les moments pénibles et sa rapidité dans les moments de plaisirs ou de bonheur, tout le monde s’accordera que l’effet de l’âge est particulièrement évident sur la perception de la durée. À mesure que l’âge avance, le temps semble s’accélérer. Cette impression est un cas de la loi bien connue des psychologues : la sensation perçue varie proportionnellement non à la variation de l’excitation mais au rapport de celle-ci à l’excitation initiale. Il suffit d’admettre que notre conscience compare chaque nouvelle durée écoulée à la totalité déjà vécue. Ainsi l’enfant qui passe de 10 à 11 ans et l’adulte de 50 à 55 ans rajoutent 10% au parcours déjà effectué: les durées mesurées sur le calendriers, un an dans un cas, cinq dans l’autre sont différentes mais la durée perçue leur a semblé également longue, il est donc pertinent de prendre pour mesure , pour caractériser le sensation d’écoulement du temps, non l’âge lui-même mais son logarithme.
Et là, surprise : pour quelqu’un dont la durée de vie est cent ans, la moitié de la durée ressentie s’est déjà écoulée à dix ans : en effet, le logarithme de dix est 1, celui de cent 2 !… Mais si pour être plus réaliste dans cette description du déroulement de la durée telle qu’elle est ressentie, si on prend pour origine, non la naissance mais la conception, la durée de la gestation, l’enfant a à sa naissance l’age « 1 » dont le log est 0, il atteint l’âge « 10 » (log= 1) quatre-vingt-dix mois après sa conception, soit un peu avant sept ans, et l’âge « 100 » (log=2) à soixante- quatorze ans !…
Si vous connaissez, ou trouvez d’autres cas comme ceux décrit, ne vous gênez surtout pas.
Lectures :10956
J’ai dû travailler trop sur mon dico Français / Panda…ou c’est parce que j’ai toujours été dernier en maths???
Reèq intéressant… Mais il me semble quand même qu’en ce qui concerne l’application des logarithmes à la température et à l’avant big-bang, il s’agisse quand même d’astuces mathématiques, de changement d’instrument de mesure qui peut amener à de la démesure (lire sur ce sujet le passionnant et très drôle bouquin Le mètre du monde de Denis Guedj). Et pourquoi pas, d’ailleurs ? Ça peut faire s’étrangler un mathématicien platonicien, mais pas un autre qui ne l’est pas et considère donc les maths, non comme la traduction d’une structure objective existant en soi, mais comme un langage descriptif qu’on peut modifier selon les problèmes logiques auxquels on se retrouve confronté.
En ce qui concerne la perception dite « subjective » ou « psychologique » du temps, par contre, rien à dire : « astuce mathématique » ou pas, tout se passe effectivement comme si cette échelle était logarithmique. Mais est-on sûr qu’il ne s’agisse que d’une perception subjective-psychologique ? Le temps recèle d’infini mystères…
Euh, pardon, je corrige : « Très intéressant », bien entendu, mon clavier a du louper des logarithmes d’azertyuiop, à moins que ce ne soient mes doigts logarithmisés par la soixantaine imminente.
Et petite précision : « comme un langage descriptif qu’on peut modifier selon les problèmes logiques auxquels on se retrouve confronté, pourvu que l’axiomatique qui en découle rende compte de réalités objectives« : faut quand même que la carte imaginée coïncide plus ou moins avec un territoire vérifiable…
Salut marsu,
super lien que le dernier. Y’a que quoi réfléchir.
mais comme un langage descriptif qu’on peut modifier selon les problèmes logiques auxquels on se retrouve confronté. je ne suis pas mthématicien, mais il me semble que c’est ainsi qu’il faut prendre les maths. D’ailleurs, ça rejoint la notion de théorie, elle reste valable tant que ses résultats restent conforment à ses prédictions; Il suffit qu’une seule fois un résultat ne soit pas conforme pour qu’elle soit abandonnée ou modifiée.
article original, une petite partie graphique aurait aidé nos non-matheux je pense 😉
ça va pas non ? des maths un vendredi matin ! 😆
Ah, les mystères des asymptotes, des limites et des exponentielles. Autant de trucs qui n’ont pas la place en économie où elles n’ont pas de sens.
Cela me rappelle l’histoire du paradoxe du lièvre et de la tortue, où, théoriquement il est impossible que la tortue si elle part avant le lièvre, puisse à se faire dépasser. Un article bien intéressant et original.
Les mathématiques sont, avec la musique et la métaphysique les expressions les plus nobles de l’esprit humain…
Au fait, Ranta a réussi à nous prévenir qu’il avait de gros problèmes informatiques, il n’est donc pas sûr qu’il puisse assurer le SAV de son article…
@ Léon
Y a quand même des économètres qui se font bouillir les neurones avec des asymptotes !
Ouaip, Marsu, la satisfaction « comprise entre zéro et l’infini », moi ça me fait bien marrer. Satisfaction « zéro », peut-être on peut imaginer le mec très, très, très mécontent, mais alors vachement mécontent… Satisfaction « infinie » là j’ai plus de mal… 😆 😆
Léon, je suppose qu’il faut prendre ça comme un simple exercice de style. M’enfin, j’espère.
Les mathématiques sont, avec la musique et la métaphysique les expressions les plus nobles de l’esprit humain
Oui, c’est ce que je crois aussi. Je ne pense pas trop me tromper en disant qu’entre la musique et les mathématiques il y a un rapport direct, je crois que tous, au moins la plupart, les musiciens classiques ont un esprit scientifique.
Tout serait évidemment plus clair si l’auteur avait pris le soin de rappeler ce que sont des additions, soustractions, multiplications et autres joyeusetés.
Salut à tous, je ne sais pas combien de temps le « bouzin » va rester stable, j’en suis à des manip sur des manip….
Vite fait, ma chère queue plate : vas falloir que tu choisisses
sur qui copieravec qui tu vas te concentrer, wald ou moiJe viens de voir ton post.
Une question : c’est à moi que tu parles ou tu as des soucis d’ordre privé et tu t’adresses à une partie de toi-même que la décence m’empêche d’évoquer plus crûment ?
Je souligne à toutes fins que les mots « vite fait, ma queue plate » sont quelque peu contradictoires. Si tel est ton (triste) constat, il va te falloir un peu plus de temps pour tenter d’y remédier.
La bise quand même !
Génial Ranta ,
J’ ai toujours pensé que les maths pouvaient donner autant de plaisir que la musique ou n’ importe quel art , pourvu que la compréhension soit présente .
Super sympa ton explication de la perception du temps dans le dernier paragraphe , j’ ai mon neurone qui a ondulé .
Ah si je pouvais avoir le logarithme dans la peau ….
Oh, tu sais, je ne suis l’auteur de ce concept. J’ai uste essayé de le transcrire simplement. Par ailleurs je peux vous dire, que c’est compliqué d’essayer de vulgariser…(ya pas de smiley j’ai transpiré, dommage :smile:) ça rejoint ce que disais Léon sur l’éducation, plus le public est jeune est plus c’est dur.
Mon cerveau a fondu au second paragraphe…
» je ne suis l’auteur de ce concept. J’ai juste essayé de le transcrire simplement »
On ne peut pas réussir à tous les coups 😆
Si tu nous parlais un peu foot ?
C’est chiant à raconter le foot, on le vit, c’est tout.
Allons, congelé dans la première partie, et fusionné dans la seconde.
Alors parle nous bagnoles ou cul 😆
Très intéressant comme analyse.
Merci pour cet article.
Mon premier patron, banquier et industriel remarquable, polytechnicien et diplômé du MIT, m’a dit le jour où il m’a recruté que pour gérer une entreprise il suffisait de connaître les 4 opérations simples et le calcul de pourcentage …
Le père de mon patron d’ apprentissage qui venait encore donner un coup de main à 80 ans les nuits de grandes bourres voyant nos mines désapointées constatant qu’ on avait oublié de mettre le sel dans la dernière fournée , eut ce mot : ‘ pas bon c’ est de ne pas en avoir , du pain ‘….
Salut Ranta, 😉
Merci de ton article intéressant et amusant
(il n’y avait pas, dans le temps, une émission sur la « science amusante » ? ça me dit qque chose…).
Que c’est loin, tout ça… j’était fâchée avec les logarithmes, et pourtant j’ai été une grande matheuse, mais à l’ancienne, j’adorais la géométrie, j’en faisais, petite, pour m’amuser… ne riez pas, c’est vrai.
Quant aux notions d’infini que tu évoques à travers tes exemples métaphoriques, elles sont proprement inconcevables pour notre cerveau humain structuré par l’espace en 3 dimensions de la savane et le temps de la saison prochaine au retour de la migration des rennes…
Alors, l’infini… je te raconte pas.
Mais j’aime les asymptotes, grâce à elles, on peut « visualiser » l’infini, et cela correspond mieux à mes inclinations géométriques…
Bon , bin, COLRE, les asymptotes c’est aussi le domaine des logs.
Allez, juste pour t’embêter : une fonction exponentielle est la réciproquer d’une fonction logarithmique…
Plus sérieusement, tu n’ignores pas qu’il existe un lien existe les opérations sur les nombres et certaines transformations géométriques.
Salut Ranta,
je n’ai pas encore tout cherché à comprendre, je te promets de relire l’article un jour à tête plus reposée qu’en ce moment. L’article a l’air amusant en tout cas, même si je n’ai pas tout compris. 😉
Salut Wald, pour comprendre tu n’as besoin que de retenir deux choses :
Plus le nombre est petit est plus son log a une valeur négative élevée, mais ne peut jamais atteindre le nombre 0,
et
La correspondance entre un nombre positif et son logarithme nous montre que connaître l’un permet de connaître l’autre. La différence essentielle est leur domaine de variation, pour le nombre, ce domaine a pour limite inférieure 0 et n’a pas de limite supérieure. Pour le logarithme, il n’y a ni limite inférieure ni limite supérieure : passer d’un nombre positif à son logarithme ou réciproquement permet de modifier les limites du domaine exploré
Ranta,
Que de souvenirs.
Avez-vous encore une table des logarithmes, une règle à calcul que l’on coulissait?
Il n’y pas longtemps, j’ai liquidé ma table de logarithme.
Ma règle, je la conserve toujours dans mon tiroir.
Mes graphiques de Bourse, je les réalisais encore en logarithmes.
Les logarithmes néperiens ou en base 10.
Salut l’enfoiré,
non, je ne les ai plus…à quoi bon, non seulement je n’enai plus besoin mais qui plus est mes seules interventions dans ce domaine se limitent aux exercices de maths de mes enfants…
Persos, j’ai toujours trouvé plus facile d’utliser les logs en base 10.
Ranta,
Avoir une calculette en poche prend évidemment moins de place que la règle à calcul.
Du coup, on ne sait plus calculer mentalement.
Les logarithmes en base « e » rel= »nofollow »>sont dit « naturels »
« La réciproque de la fonction exponentielle de base e ».
nombre « e », j’ai dû me replonger sur sa valeur
Il vaut le détour. 2,7 avec une kyrielle de chiffres comme le nombre PI.
La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié. 🙂