Il y a juste quarante ans en 1974, paraissait dans [ Le Monde] un article intitulé : « Juste un mot.. » signé Marie Louise Fabre, anagramme de M L F. Il proposait de rajouter à la loi antiraciste votée en 1972 , juste ce mot « sexe ». Voilà qui aurait permis d’interpeller les propos et images- sexistes – telle cette publicité pour Dim qui montrait une femme à quatre pattes -. L’idée d’une loi antisexiste sur le modèle de la loi antiraciste, était née, portée par la Ligue du Droit des femmes. Mais le simple projet de loi, présenté en 1983 par Yvette Roudy en conseil des Ministres, a suscité un tel tollé médiatique, qu’elle n’a jamais été votée. Aujourd’hui, le simple fait de proposer à l’école une réflexion sur l’approche sociale de la différence des sexes produit le même effet. La dite « théorie du genre » enflamme des secteurs entiers de la population, provoque presque des émeutes dans certaines écoles. Diantre ! Le principe de l’’égalité des sexes, est passé dans les esprits. Mais pas touche au noyau dur de la question des sexes, le sexe lui-même. Et là se déchaînent fantasme et peurs. De quoi au juste ? D’une confusion possible. Il y aurait brouillage de places. Sur le grand échiquier de la relation homme / femme, archétype de toutes les relations humaines, il y a déplacement. On en déduit hâtivement qu’il y a chevauchement, perte, désordre. Un homme ne serait plus ce qu’il était et idem pour une femme. Oui, mais sait-on vraiment ce qu’est un homme et une femme en dehors de la simple assignation biologique ? Et de ce qui va avec. Tout est dans le « ce qui va avec ». Depuis le fameux « On ne naît pas femme, on le devient » de Simone de Beauvoir, le ver du doute est dans le fruit. Pas de quoi en faire un drame. C’est compter sans ce qui constitue l’axe principal de notre civilisation : la séparation des hommes et des femmes, considérée comme structurante. Toucher à cela, c’est faire vaciller tout l’édifice de notre civilisation. Par définition un édifice est construit , on peut y apporter des aménagements, sans le démolir. Mais là où règne la panique, la Raison n’a pas droit de cité.
Cet épisode du genre est le dernier avatar en date de ladite « guerre des sexes ». Son fondement principal ne serait-il pas la séparation outrée des sexes ? N’en rajoute-t-on pas ? Cette fameuse différence, indéniable, forme le fond de commerce malheureux de nos littératures, chansons, cinéma… En fait, elle génère souffrance et malentendu. Mais c’est comme ça, croit-on. En réalité, on s’entend mieux avec le semblable proche qu’avec le semblable différent. Rainer Maria Rilke l’avait pressenti il y a cent ansdans ce beau passage de « Lettres à un jeune poète »
« Les sexes sont peut-être plus parents qu’on ne le croit : et le grand renouvellement du monde tiendra sans doute en ceci : l’homme et la femme, libérés de toutes leurs erreurs, de toutes leurs difficultés, ne se rechercheront plus comme des contraires, mais comme des frères et sœurs, comme des proches. Ils uniront leurs humanités pour supporter ensemble, gravement, patiemment, le poids de la chair difficile qui leur a été donnée ». (« Lettres à un jeune poète »)
La théorie du genre est un pas sur le chemin d’une réconciliation possible des hommes et des femmes. A condition qu’ils la veuillent.
Mais une autre question se pose. Etait-il opportun de lancer aujourd’hui, en pleine crise des valeurs et de l’économie, ce missile ? Fallait-il aborder aussi frontalement une évidence qui ne l’est pas pour tous ? Il aurait été plus politique de continuer à l’école le travail sur les stéréotypes sexuels, de favoriser une réflexion sur les rôles sans faire ce tapage théorique. L’intitulé lui-même « théorie du genre » est incompréhensible pour beaucoup d’entre nous . Mais là est le défaut majeur de la politique du gouvernement en place. Elle impose ce qu’elle croit juste. Cette absence de tactique est caractéristique de la gauche, sûre jusqu’à l’arrogance de détenir la vérité. On ne gouverne pas avec des certitudes. Autres exemples qui ont semé la division dans le peuple de France et réveillé de vieux démons : le mariage gay, le changement du terme « détresse » dans la loi sur L’IVG. Une bonne navigation politique consiste à observer le ciel, on n’engage pas son navire dans des eaux troublées. Le souci de détourner l’attention de problèmes plus urgents est à la base de ces bévues politiques. Non seulement elle ne trompe personne mais obtient le résultat inverse : dresser les individus les uns contre les autres et ajouter des problèmes à ceux existants.
Quarante ans après cet article du Monde, « Juste un mot », resurgit la grande Querelle. Elle ne s’épuisera pas en quelques décennies. Il a fallu des millénaires pour bâtir ce qu’on appelle le patriarcat, ce monde humain où règnent les dominations et les ségrégations qu’elles engendrent. Mais il faut savoir accompagner les indéniables signes d’essoufflement de toute une civilisation.
Anne Zelensky.
Lectures :5002
Je sais pour en avoir parlé avec elle, qu’Anne Zelensky trouve dans le patriarcat la source de toutes les violences et de toutes les dominations. C’est un point de vue qui me semble réducteur. Evoquons la lutte des classes, les nationalismes, autant de facteurs qui ne peuvent être réduits au patriarcat. Je comprends que les féministes insistent sur l’aspect culturel des rôles attribués aux genres, car c’est le seul sur lequel on puisse vraiment envisager d’intervenir. Pour autant, cela ne doit pas conduire à minimiser, voire nier le facteur biologique dans sa complexité. Il me semble que lorsqu’elle écrit : « sait-on vraiment ce qu’est un homme et une femme en dehors de la simple assignation biologique ? « , « simple » est sans doute de trop. Cela demanderait de longs développements, mais je ne suis pas persuadé du tout que l’indifférentiation des sexes conduirait à leur rapprochement. Il conduirait probablement … à l’indifférence, ce qui n’est pas pareil.
assez d’accord. la « simple assignation biologique » est une figure pour minimiser un facteur clivant pourtant essentiel. Ce n’est absolument pas simple et ce n’est pas tant une différence qu’une complémentarité. C’est même d’un point de vue du règne animal quelque chose qui est une loi fondamentale de survie qui a guidée l’humanité pendant des millénaires.
Et c’est peut être dans cette impossibilité de négliger ces différences et ces « inégalités » que sont montées toutes sortes de théorisations qui minimiseraient cet état de fait. Nous ne sommes que des animaux ayant la reproduction sexuée comme principe. Le problème c’est qu’on est un animal intelligent. et donc aussi, très con 🙂 Refuser sa condition n’est-il pas, en partie, le propre de l’être humain, finalement?
maintenant je me méfie également des recettes miracles et des belles rêvereis pour faire disparaître un mal, l’Homme étant le spécialiste d’en créer un pire. D’ailleurs Rainer Maria Rilke n’était pas forcément tendre avec la gente féminine, ou du moins il avait clairement un problème avec sa mère (lire ce qu’il raconte sur son vagin…)
Cet article me gêne car je n’y trouve pas un bout de fil à tirer pour le dérouler et en faire un commentaire.
Je le trouve extrêmement conciliant et voire même cherchant à concilier les inconciliables.
On ne peut pourtant escamoter une grave divergence avec une présentation réduite à un affrontement entre ceux qui font la promotion du mariage pour tous et le revers de la médaille de ceux qui le combattent.
Pour ma part ces deux camps là sont au départ dans une lecture identique et fausse.
Le mouvement vrai des peuples vers la liberté et, par là, vers la fin de l’oppression institutionnelle passe par un mouvement ancien vers l’UNION LIBRE.
Cette aspiration des Homos à la conformité sociale est une trahison du mouvement vers la liberté qui leur a assuré ces derniers temps un début d’espace libre de la violence et la répression. Mais cette aspiration de quelques uns à la conformité est une trahison de leur nature.Une pitrerie un déguisement un carnaval.
Ils pouvaient placer leurs espoirs et leur lutte dans le mouvement global vers la liberté et tout au contraire on les voit maintenant nous la jouer identitaire , d’une identité plus que floue aux marges…
Les pro mariage pour tous nous disent
-Non nous on n’est pas comme vous
-Non nous on veut revenir vers cet état dont vous avez mis des siècles à vous extirper
En fait des deux cotés des manifs on accorde la même importance au mariage à son attirail et sa quincaillerie piteuse d’engagements religieux et de regard du prêtre châtré sur la sexualité.
…
Nous avons mis des siècles à nous extirper du mariage institutionnel et religieux obligatoire et voilà que vous voulez y revenir!!!
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Je ne comprends pas cette volte face.
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Tout l’édifice intellectuel du genre me semble qu’un assemblage inconsistant bâti à posteriori de bric et de broc , ouvrant la porte car il n’a été pensé que par des artificieux mondains, à toutes les dérives et tous les à peu près.
Du pain béni pour les légionnaires du Christ roi.
Cet édifice branalant nous offre une idée de l’analyse fantasmée des petits bourgeois voulant oeuvrer et tripatouiller l’histoire.
Ils prennent l’effet pour la cause en faisant porter à l’école la responsabilité de l’origine des schémas psycho culturels alors qu’elle ne fait que reproduire ce qui existe.
C’est bien pour ça que la mére Boutin se frotte les mains :
« Invitée à confirmer sa déclaration selon laquelle la « digue » entre la droite et l’extrême droite aurait sauté, Christine Boutin a répondu: « elle est tombée, absolument. Et avec la gauche aussi. Il y avait des gens de gauche à cette manifestation. »
Et là la responsabilité elle est clairement identifiée.
un peu la même impression Furtif. D’un autre côté un peu de conciliation dans un moment où tout les partis semblent être un peu hystériques sur les bords… ce n’est pas forcément un mal
Il y avait des gens de gauche à cette manifestation
ce en quoi elle à totalement raison !
Por beaucoup dont moi mr P Bergé est un ennemi de classe ! mais pas au sens cgtiste hein non au sens ou l’entendait Andreas Baader !
Bonjour, j’ai trouvé votre blog/site vraiment interressant. Je vais le recommander à mon entourage. Excusez mon français approximatif 🙂