Vous souvenez-vous de ce vent de panique qui avait saisi une partie de la France lorsqu’il est apparu de plus en plus clairement que la gauche allait arriver au pouvoir en 1981 ?
Entre les valises remplies de billets qui franchissaient nuitamment les frontières suisses et les prophéties apocalyptiques de chars russes sur les Champs Elysées, on a eu droit à peu près à tout.
Mais au fond, quel était le fondement de cette trouille ? Essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, la référence à certaines autres « heures sombres de l’Histoire » : les répressions de Prague et Budapest, les expropriations de la révolution bolchévique, les massacres staliniens, les dictatures chinoises, castristes etc… Il était claironné partout que la gauche, surtout alliée aux communistes, allait instaurer une démocratie populaire en France avec tout ce que cela comportait d’exactions du prolétariat sur la bourgeoisie. On a vu assez rapidement ce qu’il en est advenu : la gauche, surtout une fois débarrassée du PC, a souscrit à l’orientation libérale de l’Europe, plongé dans le multiculturalisme, signé le démantèlement de l’essentiel de l’industrie française et l’abandon de la souveraineté nationale.
On est en train de nous refaire le coup, mais avec la montée du Front National, cette fois. Depuis Brignolles et les résultats d’un sondage qui feraient du FN le premier parti de France, les déclarations les plus hystériques se multiplient. Il y en a tellement qu’on ne peut même pas les recenser…
Il était assez facile, en lisant le Programme Commun de la gauche de l’époque, de comprendre que même si elle arrivait à en appliquer la totalité, on serait loin de la « dictature du prolétariat ». Certes, l’ambitieux programme de nationalisations modifiait la nature du système, mais encore faut-il se rappeler qu’il ne portait que sur les très grosses entreprises et les banques : 95 % du secteur bancaire, certes, mais à peine 30 % du chiffre d’affaires de l’industrie. Globalement c’était environ 10 % du PIB qui étaient concernés, on restait donc très en dessous des démocraties populaires, même les plus « soft ». Et où étaient donc toutes ces atteintes aux libertés individuelles, si caractéristiques de ces régimes ? au droit d’association, de grève et de manifestation? à la liberté religieuse, de la presse, au multipartisme, au suffrage universel ? Où était l’instauration de l’Etat policier etc ?
Pipeau, c’était du pipeau.
Alors revenons au Front National. On peut juger son programme fantaisiste, inapplicable, démagogique, flou, xénophobe, tout ce que l’on voudra, et je souscris assez largement à certaines de ces appréciations. Mais par pitié, que l’on cesse ces références permanentes à l’extrême-droite nazie et fasciste au nom d’éventuelles filiations historiques dans les années 30 en Europe.
Comment est-il possible d’assimiler « préférence nationale », (un concept issu de la gauche, indissociable de la construction de la nation elle-même, faut-il le rappeler..) à une politique raciste ? Où sont prévus les camps d’extermination des populations qui seraient jugées « inférieures » ? Où sont annoncées les structures d’embrigadement de la jeunesse ? Où sont muselés la presse, les partis politiques ? Où est la politique eugéniste ? Où est abandonnée la séparation des pouvoirs ? En quoi une politique de maîtrise des flux migratoires est-elle nazie ? (Pourquoi, comme le font pourtant beaucoup de grands pays tout à fait démocratiques, la France n’aurait-elle pas le droit de décider du nombre d’étrangers qui viendraient s’installer sur son territoire et de les choisir ?) En quoi la volonté de reconquête de la souveraineté nationale sur la finance, les lois sociales, la fiscalité, ses frontières est-elle la marque d’un nationalisme expansionniste et guerrier ? En quoi l’affirmation d’une laïcité rigoureuse, fut-elle tournée actuellement surtout vers l’islam, est-elle contraire à la liberté de conscience ou un retour au paganisme préchrétien ?
Pas plus que le « Programme Commun » de l’époque ne décrivait l’installation d’une démocratie populaire, on aura beaucoup de mal à relever dans le programme du FN de quoi alimenter la prophétie d’un Etat fasciste.
(Loin de moi l’idée de mettre communisme et fascisme dans le même sac. A la nuance près, toutefois, que l’aspect « dictature », massacres de masse et restriction des libertés individuelles en constituent un point commun. Un point commun suffisant pour effrayer ceux qui sont attachés aux libertés démocratiques.)
Alors, on prétendra que le FN s’avance masqué, qu’il propose de l’acceptable pour arriver au pouvoir et ensuite imposer une dictature de droite à la Pinochet, ou à la Franco.
Possible…
Sauf qu’il faudrait pour cela avancer au moins un minimum de motifs de le croire, à défaut de preuves. Et, après tout, on avait bien plus de raisons de le craindre de la gauche : il suffisait de lire Marx, Lenine ou Trotsky. A ma connaissance, on n’a jamais entendu qui que ce soit parmi les leaders du FN, faire référence à « Mein Kampf ». J’aimerais même vérifier que l’on puisse trouver, transposé à l’extrême-droite, l’équivalent du « bilan globalement positif » prononcé par Georges Marchais à propos du communisme…
Mais supposons maintenant que ce soupçon soit fondé.
Il conviendrait alors de se demander pourquoi le Programme Commun de la gauche n’a pas débouché sur l’instauration d’une démocratie populaire en France. On y trouvera les mêmes raisons, au sein de la société civile, qui empêcheraient un FN arrivé au pouvoir, d’imposer une dictature fasciste en France, en supposant que cela soit dans ses intentions. Citons, par exemple, et rapidement (ce serait un sujet d’article à lui tout seul) le loyalisme de l’armée, de la police, l’influence syndicale qui va bien au-delà de sa « représentativité » ou, plus généralement, son immense tissu associatif, impossible à mettre au pas en raison de son ampleur.
Tout ceci pour dire que, s’attaquer au FN pour de mauvaises raisons, c’est lui rendre service. Car si les attaques dont il fait l’objet sont injustifiées, cela épargne et augmente l’apparente crédibilité du reste, des solutions qu’il propose face aux préoccupations réelles de l’électorat le plus populaire, et dont on ne parlera pas. Marine Lepen utilise habilement la stupidité des partis, surtout à gauche : pendant qu’elle focalise l’opinion sur l’appellation « extrême droite », elle oblige le combat politique à se situer sur le terrain le plus favorable pour elle car l’accusation est faible. Pendant ce temps on oublie le flou et les approximations du FN concernant la sortie de l’euro ou la politique de l’éducation…
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Addendum : mon article était terminé avant la parution de celui d’Anne-Marie Le Pourhiet sur Causeur. Celle-ci, autour du concept de « Front républicain » contre le FN, après avoir rappelé ce que signifiait « républicain » écrit ceci :
Lectures :11550On peut trouver au programme du Front national toutes les lacunes et médiocrités possibles : du vent, de la fumée, irréalisable, irréaliste, tiré par les cheveux, impossible juridiquement, stupide politiquement, etc… On peut trouver à ses dirigeants ou militants tous les défauts possibles : vulgaires, incompétents, simplistes, demeurés, etc… Mais il n’y a rien, dans les propositions du FN, qui soit « antirépublicain » au sens précis de ce terme. Au contraire même, le programme mentionne : « Réaffirmation de notre modèle républicain et de ses valeurs contre le multiculturalisme anglo-saxon. L’assimilation, via l’École notamment, doit redevenir la règle, et le communautarisme banni. La France inscrira dans sa Constitution : “ La République ne reconnaît aucune communauté.” » Cette dernière mesure est assurément inutile puisque le communautarisme est déjà banni de nos grands textes et que ce sont les exceptions instaurées ou tolérées depuis des décennies par les dirigeants se réclamant du « front républicain » qui conduisent précisément à la liquidation du modèle républicain.
Les moins de 50 ans ne peuvent pas s’en souvenir …ou si peu.
Vous vous rappelez sans doute cette campagne d’affichage, énorme et omniprésente en France: Votre argent m’intéresse.
Mais vous rappelez vous celle qui quelques années à peine portaient le Slogan = Achetez Français.?
C’est curieux la mémoire.
C’était une campagne du PCF
.
http://www.francetvinfo.fr/politique/acheter-francais-le-slogan-qui-ne-coute-pas-cher_37779.html
image dans l’article
mmmouai …
n’empêche que ce programme FN et les personnages qui le portent constituent bien quelque part une resucée de cette gôche pisseuse et calamiteuse qui en 1981 a tellement contribué par sa déma
mmmouai …
n’empêche que ce programme FN et les personnages qui le portent constituent bien quelque part une resucée de cette gôche pisseuse et calamiteuse qui en 1981 a tellement contribué par sa démagogie à nous foutre dans le merdier où nous sommes aujourd’hui …
p…. de facho de bouzin !
Chuuuuut…. il pourrait se vexer !
C’est une autre question. Je me contente de dire que, sans arrêt, renvoyer le FN aux fascistes et Nazis de l’Histoire est contre-productif dans la mesure où cela ne tient pas debout, si l’on se réfère à ce qui est contenu dans leur programme. C’est vrai qu’à maints égards c’est un programme apparemment très à gauche… La seule différence que je vois avec Mélenchon est l’attitude vis à vis de l’immigration.
« Marine Lepen utilise habilement la stupidité des partis »
C’est vrai, mais « habillement » c’est de trop. N’importe quel mononeuronal est capable de leur mettre le nez dans leur caca. Exploiter les énormités des partis politiques, y compris le FN, c’est tirer sur le gibier d’élevage, aucun mérite.
Si Liberation développe la même argumentation que moi… J’ai bon alors ?
Hmmmm.
Qui a peur du grand méchant loup ?
je rigole, et pour plusieurs raisons.
Vous connaissez cette histoire ?
C’est un vieux coq, vieux très vieux. Et le pécore en achète un jeune qu’il met dans le poullailler. Le vieux va trouver le jeune et lui dit :
» Ah, ok, c’est toi qui est supposé faire mon job ?; hmmm je te propose un truc. Tu vois la barrière au fond du champ ? On fait une course, le premier reste s’occuper des poules. Mais moi, comme je suis plus vieux que toi tu me laisse 10 mètres d’avance, ok ? »
Et les voilà parti, le vieux avec ses dix mêtres d’avances en premier, et le jeune qui suit.
Et le pécore qui passe par là, qui voit ça, sort son fusil et tire sur le jeune ! en disant « putain de bordel de merde, je viens d’acheté un pédé !
Alors donc je me marre.. MLP, elle menace qui ou quoi ? C’est surtout qui elle menace, et ce qui est transformé en quoi qui est intéressant.
Le quoi c’est la forme, les zeures sombres de notre passé, m’ouarffff c’est ça qu’on nous vend.
En revanche le qui, la fond ouille ouille. le fond c’est un parti qui s’invite à patrager le gateau… Ca va pas non ? « Je » suis certainement pas prêt à perdre mes indemnités de maire, conseiller général, député, parlementaire, eh oh faut pas déconner. D’autant que la Marine, elle a commencé à mettre en place des formations pour être un futur élu…. Exit le bas du front néandertalien; bonjour le petit nouveau rompu aux codes de la vie politique.
Et il y a pire pour le bipartisme, MLP a lancé une OPA sur l’UMP; le petit Copé qui s’agite avec pour seul bagage sa langue de bois est fort dépourvu. Le PS fait les comptes…
MPLP, un pavé dans la mare du bipartisme, et c’est que de ça qu’il faut avoir peur pour ceux qui sont directement concernés; Mélenchon dans son genre a tenté le même coup sans succès.
MLP va surfer pendant très longtemps sur l’annulation du traité Européen par Sarko avec la bénédiction du PS.
S’asseoir sur un référendum est la pire faute politique possible. Pour renforcer son positionnement voir un Fabius chantre du non aujourd’hui partie prenante du oui ne peut que renforcer sa dénonciation des tous pourris se mettant dans le sens du vent.
Nos politique font énormément pour la crédibiliser.