Justice pour les animaux- Furtif

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Combien de fois nous l’a-t-il raconté ? Aussi souvent qu’il nous conviait à participer à un de ses jeux favoris : attacher une boite ou un long bout de bois à la queue d’un chat ( n’importe lequel) et lâcher la pauvre bête sous le nez de notre berger allemand. Top départ . La course était lancée. Ça  le faisait tellement rire.

Il se laissait aller alors  à raconter ses meilleurs souvenirs. Le rabotage à la varlope des planchers leur mettait les genoux et le dos en feu, alors, pour se détendre, avant de passer au racloir puis à la cale à poncer … Ils capturait un chat , toujours un chat et…C’était l ‘époque de la colle à chaud l’époque de bien avant la synthétique de bien avant l’agglo et le formica. Quand il y avait un meuble en fabrication, il y avait souvent de la colle à chaud et donc du feu, et des risques de tout renverser . Il fallait donc un plancher parfaitement lisse , un chat , de la colle à chaud et quelques noix. Les yeux plein d’attendrissement, il racontait à ses garçons comme un mère confie à sa fille ses meilleures recettes. L’art consistait à récolter 4 demi coques intactes de les remplir de colle d’y fixer les pattes du chat, de retenir la bête et ses mouvements diaboliques qui tentait de se défaire de la colle brûlante obligeant les officiants à recommencer l’opération. Dans le partage des tâches intervenait alors le partage des grades , il revenait bien sûr au jeune apprenti tout aussi terrorisé que l’animal à le tenir en se protégeant des griffes .Ah l’apprentissage , une grande leçon d’humanité. Ça vous marque un homme  ça vous imprègne le caractère .

Et alors ?

Alors on lâchait le chat sur le plancher glissant. L’animal privé de tous ses repères, fou de peur était incapable de seulement tenir debout. Commandant à ses membres une fuite éperdue , il accentuait ses glissades et augmentait sa propre panique. Il lui aurait suffi de stopper sa course et d’attendre à la contrôler. Mais les spectateurs n’étaient pas la pour ça, c’était le moment du concours de lancer de savate, le seul objet qui ne risquait pas de blesser non pas l ‘animal mais les lattes du plancher . Quand la pauvre bête complètement épuisée ne répondait même plus aux coup de semelles en corde, sonnait la fin de la pause,  il fallait revenir aux genoux brûlants et au reins qui vous vrillent le dos.

Ah l’apprentissage , ses traditions et sa haute culture remontant au moyen âge parfois plus haut encore.Si on ouvre la grande malle des Arts et de la culture qui nous viennent du fond des âges , on risque de tomber sur des usages et des pratiques qui relèvent de tout autre chose que « l’humanité »

Des événements actuels , fraudes et autres mauvais traitements infligés aux animaux pour cause religieuse nous rappellent que depuis toujours les relations homme / animal n’ont pas été ce paradis mythique rêvé par tenants de l’âge d’or. Les sociétés de chasseurs , puis de pasteurs ont légué à nos ancêtres de l’antiquité puis du moyen âge des habitudes et des jeux qui n’ont guère changé quand une idéologie prétendument d’amour et de paix s’est mêlée de régler tout jusque dans le moindre détail. La Barbarie et la cruauté gratuite  ont longtemps conservé une justification jusque dans la transcendance religieuse et les tentatives pacificatrices de la justice humaine. Les notions de bien et de mal appliquées à la Nature n’ont pas forcément   arrangé les choses.

Comme on ne reconnaissait guère l’innocence des êtres humains dans un paradigme de péché originel on n’allait pas l’accorder à des  animaux qui de toute évidence était inspirés par le malin.

Dans les villages de mon enfance , beaucoup plus dans ceux du moyen âge, bêtes et enfants couraient, libres . Il advenait forcément qu’un accident ou un jeu pervers amènent des accidents. Un coup de dent , un coup de sabot, un coup de corne , sans règle et sans système , arrivaient parfois jusqu’au prétoire. Et , selon la coutume le juge du lieu prononçait la sentence. La truie qui avait dévoré un nourrisson  était alors condamnée à jouer son rôle de …..son rôle de coupable quoi . On y ajoutait seulement quelques variantes qui marquait bien sa distinction comme criminelle.

  • -Année 1266. — Pourceau brûlé à Fontenay-au:-Roses, près Paris, pour avoir dévoré un enfant.
  • – Septembre 1394. — Porc pendu à Mortaing, pour avoir tué un enfant de la paroisse de Roumaigne.
  • – Année 1404. — Trois porcs suppliciés à Rouvres, en Bourgogne, pour avoir tué un enfant dans son berceau.
  • – 17 juillet 1408. — Porc pendu à Vaudreuil pour un fait de même nature, conformément à la sentence du bailly de Rouen et des consuls, prononcée aux assises de Pont de-l’Arche tenues le 13 du même mois.
  • – 24 décembre 1414. — Petit pourceau traîné et pendu par les jambes de derrière, pour meurtre d’un enfant, suivant sentence du mayeur et des échevins d’Abbeville.
  • – 14 février 1418. — Autre pourceau coupable du même fait et pendu de la même manière, en vertu d’une sentence du mayeur et des échevins d’Abbeville.

Un juge de Savigny se distingue par le respect qu’il manifeste de la procédure et à l’égard des intérêts de toutes les parties

  • … C’est assavoir que, pour la partie demanderesse, avons cité, requis instamment en cette cause, en présence dudit défendeur présent et non contredisant, pourquoi nous, juge, avons dit, faisons savoir à tous que nous avons instruit et donné notre sentence définitive en la manière qui suit; c’est assavoir que le cas est tel qu’il a été proposé par la partie demanderesse, et duquel appert à suffisance, tant par témoins que autrement. Aussi conseil tenu avec sages et praticiens, et aussi étant considéré en ce cas l’usage et coutume du pays de Bourgogne, ayant Dieu devant les yeux, nous disons et prononçons pour notre sentence définitive et à droit et à icelle notre dite sentence ; déclarons la truie de Jean Bailli, alias (autrement dit) Valot pour raison du meurtre et homicide par icelle truie commis… devoir être pendue par les pieds du derrière à un arbre, etc.

En 1386  un juge condamne une autre truie, qui a tué et déchiré au bras et au visage un enfant, à subir sur la place la même peine mais vêtue d’habit d’homme.

Quand on se penche sur ces affaires:procédures , compétences , juridiction , ressort , partie défenderesse, sentence, …….tout le jargon  judiciaire encombre les archives. On y rencontre aussi les tarifs et évaluations pécuniaires à chaque étape. Des procès verbaux en sont faits très méticuleusement.

Tout est compté , rien n’est oublié.

  • Le coût de l’entretien de l’animal pendant sa captivité précédant le jugement
  • Le salaire du bourreau ( le carnassier) le défraiement pour son déplacement si il vient de loin
  • Le coût de la charette pour mener la bête jusqu’au tribunal
  • Le prix des cordes pour la lier, celui des gants pour le bourreau , nécessaires à la protection de la souillure par l’animal impur..
  • Le coût de la charrette pour être conduite au supplice

On a aussi le rapport fait de la lecture ( sans rire ) de la sentence à la bête dans sa geôle , où il est noté qu’elle a été reçue sans protestation ce qui demeure cohérent avec la remarque que la partie défenderesse était restée sans un mot lors des débats On peut remarquer aussi, que, déjà, les gens de justice ne sont pas de purs esprits et que les querelles qui les animent ne sont pas que théologiques ou philosophiques.

Aux tout débuts du XIVè siècle , ( époque des rois maudits avant la guerre de Cent ans) un taureau  laissé un peu  sans contrôle , blesse et tue un paysan d’un coup de corne, dans un village proche de Crépy en Valois, Moisy le Temple . Aussitôt le comte Charles de Valois donne l’ordre de se saisir de «  la bête meurtrière ». Les gens du comte se rendent sur les lieux procèdent et enquêtent. Le délit est incontestable. Le taureau ne dit rien pour sa défense. La bête est condamnée à la plus infamante des pendaisons. La chose aurait pu finir sur l’exécution aux fourches patibulaires  de Moisy le Temple.( Montigny l’Allier) Mais c’était sans compter  l’esprit de chicane des gens de Moisy. Une exécution qui leur passe sous le nez !!!. À l’occasion du Parlement de  la Chandeleur de 1314 ils firent appel de la sentence. Étions nous devant les premiers balbutiements d’une future SPA?. Pas du tout . C’est au nom du  procureur de l’hôpital de Moisy  que cet appel fut dressé. Le procureur général de l’ordre  s’en mêle et le Parlement est un peu contraint de recevoir la Plainte.

En 1314 , il fallait oser s’attaquer aux Valois. La future dynastie.

Il y eut débat . Le jugement contre le taureau et la sentence prononcée et exécutée furent jugés équitables, mais ….mais mais …..le but de toutes ces protestations était ailleurs. Le Parlement estima que le Comte de Valois n’avait aucun droit de justice sur le territoire de Moisy et par conséquent ses officiers n’avaient aucun droit d’y instrumenter

Les Temps Modernes

Il faudra attendre le XVIè siècle pour voir apparaître les premières protestations contre ces procédures et l’évocation de la notion de responsabilité. Comment pouvait-on condamner un être qui par définition ne pouvait avoir connaissance ni du bien ni du mal. Le supplice ne pouvait avoir aucune influence ni valeur éducative sur ses semblables.

En ces temps là les greffiers juges et autres gens de justice , tout comme le moindre des petits seigneurs attaché à l’exercice de son droit de justice , ou de ce qui lui en restait, ne se posaient pas ce genre de problème moral ou philosophique. En outre ,n’étaient-ils  pas  couverts pas l’usage et la justification religieuse des Saintes Écritures?

(Exode 21,28) «  Si un bœuf encorne un homme ou une femme et cause sa mort, le bœuf sera lapidé et on n’en mangera pas la viande .

Ils étaient trop nombreux à y trouver un intérêt. Toute la création risquait de passer au tribunal. Bœufs ,taureaux,  chevaux, sangsues excommuniées, coqs condamnés, charançons,sauterelles …. On verra même le grand vicaire de Valence  citer les chenilles devant lui et leur donner un défenseur…Au bout du compte elles ne seront condamnées qu’à quitter le diocèse.

Très curieusement ce n’est qu’à la fin du XVIè début du XVIIè siècle que l’on abandonna le supplice pour les bêtes coupables au profit des amendes et dommages et intérêts à la charge du propriétaire de l’animal . On se contenta dès lors d’assommer la bête sans trop chercher à qui revenait la viande. Le progrès en quelque sorte!

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4 Commentaires
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Léon
Léon
22 février 2013 20 h 04 min

Bein alors, pas un commentaire sur cet article pourtant très original ? Pfff… à quoi ça sert que Furtif se décarcasse ?

Je recommande vivement la lecture de ce rapport consacré à un sujet un peu connexe, la souffrance animale

snoopy86
Membre
snoopy86
23 février 2013 14 h 57 min

Je voulais commenter mais Oscar m’a interdit 😆

Causette
Causette
23 février 2013 21 h 10 min

Salut salut Furtif tu veux nous faire faire des cauchemars ou quoi? le procès aux animaux je savais que ça avait existé mais je ne pensais pas qu’il y en avait eu autant. L’ignorance et la peur, voilà les deux pivots de toute religion, disait le baron d’Holbach Paul-Henri. Oui c’est étrange. Des lois pour punir ceux qui font souffrir des animaux et dans le même temps une autorisation spéciale pour l’abattage rituel, où l’animal souffre puisqu’on la saigne. En plus, on a pu voir dans certains abattoirs un manque total d’hygiène. Là encore, pas d’inspection. J’ai commencé à lire ce document, Les animaux dans les procès du Moyen Age à nos jours, où on peut lire: —> Le fait de saisir le tribunal de l’évêque est considéré par les fidèles comme une prière, adressée à Dieu, mais par l’intermédiaire de son représentant sur terre. La peine prononce par le tribunal paraît être la solution miracle. Les procès organisés par les tribunaux ecclésiastiques portent la marque d’un chantage à la dîme (page 34) Les procès étaient donc bel et bien voulus par l’église car ils lui rapportaient… un avantage idéologique + un avantage financier. (plus loin) —> Il est bon qu’une loi française en 1976 ait déclaré sensible l’animal, et c’est encourageant aussi de voir qu’au niveau européen le protocole additionnel n°10 au traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997, porte sur la « protection et le bien-être des animaux » Mais, le protocole qui a « européanisé » l’animal en tant qu’être sensible, comporte néanmoins des limites dans la mesure où la compétence des organismes communautaires en matière de bien-être animal ne concerne que les secteurs de la politique agricole commune, des transports, du marché intérieur et de la recherche. Par ailleurs il est aussi écrit que les « usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux » doivent être « respectés »_ Que peuvent-être les traditions culturelles? Sans doute la chasse et la tauromachie où la mort de l’animal est le but en soi. Que peuvent-être les rites religieux? Sûrement les abattages rituels, qui parfois sont menés en l’absence complète des règles d’hygiène, et dans la négation du respect de l’animal [R3]. – – – Cette photo du supplicié chinois eurk! certains ont parlé « d’esthétisme machin-truc », était-ce pour sublimer leur sado-masochisme? On peut voir des vidéos sur Internet sur le… Lire la suite »