La Poupée Russe inversée de l’imaginaire- Furtif

.

L’article de Xavier a ouvert l’armoire aux souvenirs. Cette boite de Pandore où chaque trouvaille ouvre sur un univers plus grand qui ouvre sur un univers plus grand encore où coule le fleuve de la mémoire .

Il a choisi de commencer son récit  par ce que nous devons aux navigateurs Portugais. Sans s’en douter il a ramené au jour un livre pour enfant « sérieux et rêveur » reçu pour le Noël de mes 7 ou 8 ans. Une histoire de voyages mystérieux ! Un livre petit format à la couverture bleu pétrole pas très engageante, mais on y évoquait Nechao et ses marins Phéniciens, Pytheas le Marseillais, Hannon le Carthaginois , Marco Polo , La Pérouse et Vanikoro . Tout pour rendre addict un enfant sans défense.

Les Portugais, partis dans la conquête des espaces hostiles des routes maritimes d’Afrique de l’Ouest, n’étaient pas les premiers. On les avait précédés dans ces parages. Des noms étaient restés …

Un Égyptien et des Phéniciens

Le premier Nechao, initiateur d’une entreprise à qui il a laissé son nom, nous est resté par Hérodote. Hannon lui , était bien oublié quand l’édition princeps de S. Gelen en 1533 révéla son « périple ». Tout ça traînait dans les greniers ou les archives des bibliothèques , perdu pour les hommes de la vraie vie , celle qui aurait pu profiter de ces enseignements pour s’en servir. De la même manière, les connaissances conservées des implantations Viking au Vatican auraient pu aider Colomb à tracer une route plus au Nord. Mais qui aurait pu connaître le retrait en longitude de l’Amérique centrale. La route choisie le conduisait au creux du creux vers l’ouest, à 70° de longitude. Son erreur d’estimation sur les dimensions terrestres n’y est pas pour grand chose. Il fonçait vers le Rien . Plus au sud il tapait les petites Antilles, plus au Nord les Carolines. Il s’est rallongé de 1000 km, 6400 pour environ 5400 pour les autres routes. Mais avant de se lancer face à l’Ouest en travers de l’Atlantique il fallait apprendre à naviguer le long des côtes inconnues de l’Afrique de l’Ouest.

C’est ce que la légende prétend et dont l’histoire conserve le souvenir écrit.

Nechao à la fin du VIIème siècle avant JC

« ….Nécos, roi d’Égypte, est le premier que nous sachions qui l’ait prouvé. Lorsqu’il eut fait cesser de creuser le canal qui devait conduire les eaux du Nil au golfe Arabique, il fit partir des Phéniciens sur des vaisseaux, avec ordre d’entrer, à leur retour, par les colonnes d’Hercule, dans la mer Septentrionale, et de revenir de cette manière en Égypte. » ….« Les Phéniciens, s’étant donc embarqués sur la mer Érythrée, naviguèrent dans la mer Australe. Quand l’automne était venu, ils abordaient à l’endroit de la Libye où ils se trouvaient, et semaient du blé. Ils attendaient ensuite le temps de la moisson, et, après la récolte, ils se remettaient en mer. Ayant ainsi voyagé pendant deux ans, la troisième année ils doublèrent les colonnes d’Hercule, et revinrent en Égypte. Ils racontèrent, à leur arrivée, que, en faisant voile autour de la Libye, ils avaient eu le soleil à leur droite. Ce fait ne me paraît nullement croyable; mais peut-être le paraîtra-t-il à quelque autre. C’est ainsi que la Libye a été connue pour la première fois. »Hérodote

— Traduction Larcher, Paris, Charpentier, 1850

À voir l’incrédulité d’Hérodote il est avéré que la navigation remontant la côte africaine jusqu’aux colonnes d’Hercule n’était pas coutumière . On s’en doute un peu. Mais rien n’interdit qu’une expédition isolée ait tenté et réussi l’exploit. Notons qu’on part de la mer Rouge , qu’Hérodote valide l’existence d’un canal reliant le Nil à la Mer rouge , et qu’il nomme l’Afrique entière Libye . Par ailleurs il l’envisage la Lybie/Afrique comme beaucoup plus réduite en superficie que la réalité le montrera. ( Beaucoup moins étendue que l’Europe, une sorte de péninsule arabique bis). On dirait que c’est l’Équateur et ses conséquences astronomiques ( levers de soleil à gauche en descendant au Sud puis à droite en remontant au Nord qui invalident aux yeux du Grec la réalité de ce périple. Les zones de l’extrême Sud ne sont-elles pas brûlantes et inhumaines ? Le paradoxe de l’histoire est bien que, pour la même raison, nous pouvons, nous, le croire vrai.

Qu’avaient donc besoin les chroniqueurs de relater un fait aussi peu crédible pour les anciens ?

Mais cette histoire de gauche droite ne suffit pas pour invalider Hérodote, en revanche elle dévoile son manque de connaissances en matière astronomique. Les Égyptiens et mêmes les Lagides fréquentaient couramment les contrées du sud d’Assouan en dessous du Tropique du Cancer. Ils étaient accoutumés au phénomène . Les ombres, au solstice vers midi au 20ème degré de Latitude, se dirigent vers le sud et non vers le Nord . Dans ces conditions les hommes regardant vers le couchant ont bien le soleil à droite à midi. Ce bug d’Hérodote est incompréhensible. Pour avoir naviguer sur le lac Nasser en Juillet , je peux vous assurer qu’on ne regarde pas le soleil , qu’on ne mesure pas l’ombre, mais qu’on la cherche.

Au VIè siècle avant notre ère, Euthymène un Marseillais , déjà, affirme avoir navigué sur l’océan Atlantique et fait, lui aussi, un périple. Il prétend que l’eau de cet Océan est douce et qu’elle abrite une faune semblable à celle du Nil. D’ailleurs c’est bien cet Atlantique là qui alimente le Nil. Dans une vision générale de l’Afrique Libye très réduite cette farce trouve des auditeurs et des colporteurs.

« J’ai navigué, dit-il, sur la mer Atlantique. Elle cause le débordement du Nil, tant que les vents étésiens se soutiennent ; car c’est leur souffle qui alors pousse cette mer hors de son lit. Dès qu’ils tombent, la mer aussi redevient calme, et le Nil à sa descente déploie moins de puissance. Du reste, l’eau de cette mer est douce, et nourrit des animaux semblables à ceux du Nil. » Sénèque

Comme à Roswell rien n’interdit aux escrocs et aux charlatans d’être doués. Avoir eu l’idée de relier le phénomène des marées aux crues du Nil. Il fallait l’inventer; Sa statue serait sur la façade de la Bourse sur la Canebière juste à coté de celle de la sardine géante.

Le périple d’Hannon, lui, a beaucoup plus de chances d’avoir été réel.

Son récit en est beaucoup plus documenté et détaillé. La source de la publication de Gelenus à Bâle daterait du 2è siècle avant notre ère . Ce serait comme beaucoup de textes antiques , une compilation de témoignages plus anciens.

À dire vrai le récit du périple d’Hannon texte phénicien conservé et compilé plus tard en grec pourrait n’être lui même que la compilation de plusieurs récits de voyages « puniques »

Sa date pose problème. VI ème siècle ou IVème siècle ?

Si on suit l’article de Wikipédia, la cohérence imposerait les dates de autour de 425 . Mais là ?

Comment expliquer qu’Hannon ignore l’existence de la cité phénicienne de Lyxos fondée vers – 600 ? L’ignorance complète de l’implantation phénicienne à Mogador interroge aussi. C’est en s’appuyant sur ces omissions que la datation du Périple est remontée toujours plus haut dans le temps. Ces prétentions d’ancienneté ont du mal à coïncider avec les dates d’une apogée de Carthage qu’on ne voyait pas si précoce. Perdu dans la brume du temps nous conservons pourtant un héritage incontestable de Hannon. Lui et ses hommes auraient capturé des femmes sauvages que les traducteurs Grecs nommèrent « Gorilles » dans leur Périple d’Hannon. Deux zoologues américains s’en emparèrent en 1847 pour désigner de grands singes, jusque là inconnus, dont ils avaient fait l’observation au Gabon. Bien plus imprégnée encore dans mon souvenir: une illustration en couleur , la seule de l’ouvrage qui montrait une éruption du Mont Cameroun avec à ses pieds dans une baie, la silhouette du navire phénicien . J’y appris et j’en retins le nom du Mont Cameroun , avant d’apprendre celui du pays de Zacharie Noah .

.

Au delà de l’histoire il aurait fallu que les marins antiques surmontent pas mal d’obstacles naturels et techniques. Ce fut la gloire des portugais, sous l’impulsion de Génois qui traînaient pas là de les résoudre un à un.

Cap Noun, Cap Juby, Cap Blanc, Cap Vert..etc…

La navigation côtière dans ces parages n’a rien d’évident. Le début est assez peu engageant dès le Maroc du Sud. Les côtes sont désolées et inhospitalière. Les ressources en eau et en vivres sont plus que rares. En outre , les vents et les courants permanents orientés  au Sud entre le cap Juby et le Cap Blanc posent le problème de la marche à la voile pour le retour. Avant cela il aura fallu ne pas être victime des coups de vent qui vous drossent à la côte. C’est pourquoi les navigateurs arabes ne se risquaient pas plus bas que le Cap Juby à la hauteur des Canaries.. Au-delà aucun repère aucune tradition orale , le risque absolu. C’est un choix délibéré ou une heureuse tempête qui fit adopter la route ouest pour le retour. Un Ouest franc et massif jusqu’à 30°/40° Ouest loin au-delà . Oui mais ce choix fut autorisé par la boussole. Qu’avait donc les Antiques pour remonter au vent. La force des rames sous des températures brûlantes ? Douteux.

Une meilleure carte peut toujours servir
/

Lectures :10199
10 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments
Lapa
Administrateur
Lapa
14 janvier 2013 10 h 24 min

intéressant. j’avais toujours imaginé que Naviguer près des côtes pour les suivre étaient d’une facilité déconcertante.

Xavier
Membre
Xavier
14 janvier 2013 21 h 00 min

Salut Furtif,

La Pérouse, Vanikoro, c’est mon père qui m’en a parlé le premier quand j’étais tout petiot.

Sous-off dans la Marine Nationale à l’époque, il avait servit sur la Dunkerquoise de 1963 à 65 et participé à l’expédition de 1964 à Vanikoro.

http://www.letelegramme.com/local/finistere-sud/quimper/ville/locale/vanikoro-ne-pas-oublier-les-premiers-decouvreurs-20080919-3815903_1465039.php

Ses récits de voyages étaient passionnants, un seul truc m’avait un peu traumatisé, les cannibales de Vanikoro. Quand tu entends ça gamin ça laisse des traces, j’avais donc bien enregistré : « toujours éviter Vanikoro ! »

La Dunkerquoise :

http://perso.numericable.fr/la.dunkerquoise/

Léon
Léon
14 janvier 2013 22 h 48 min

Tsss, Furtif… les virgules, les virgules ! Je me suis demandé un moment d’où tu sortais que les Vikings s’étaient implantés au Vatican : « De la même manière les connaissances conservées des implantations Viking au Vatican auraient pu aider…. » 😆
Très intéressant et j’ignorais tout de la matière de ce nartic.
Bonne nuit, j’ai « La guerre d’Indochine » par L. Bodard à me taper.

Causette
Causette
15 janvier 2013 15 h 40 min
Reply to  D. Furtif

Pfff! j’chuis sûre qu’en cherchant bien il doit y avoir encore quelques Vikings au Vatican.

Lecture, j’en suis au début du roman de Arturo Pérez-Reverte La peau du tambour (édité en 1979).
« Le pirate se faufila dans le système informatique central du Vatican à minuit moins onze…
Une église qui tue pour se défendre… »
L’enquêteur est un prêtre envoyé par J.Paul II

Pour revenir au sujet le même auteur a écrit: Le cimetière des bateaux sans nom

et d’autres romans comme Corsaires du levant
Extrait: Méditerranée début de XVIIe siècle
« La chasse poursuite est une longue chasse et, par la barbe du Christ, celle-là ne l’avait été que trop : une après-midi, une nuit de lune et une matinée entière à courir derrière notre proie par une mer diffi cile, dont les coups faisaient parfois trembler la coque fragile de notre galère, n’avaient rien fait pour nous mettre de bonne humeur. Les deux voiles tendues comme des cimeterres, les rames remontées, et les galériens, les gens de mer et ceux de guerre s’abritant comme ils le pouvaient du vent et des embruns, La Mulâtre, galère de vingt-quatre bancs, avait parcouru presque trente lieues à la poursuite de cette galiote barbaresque que nous tenions enfin à portée de tir. »

Celui-ci je vais essayer de le trouver

Causette
Causette
15 janvier 2013 13 h 09 min

Les hommes de la mer étaient réputés pour être les plus superstitieux qui puisse exister
http://www.pirates-corsaires.com/superstitions.htm

Pas de femmes sur les bâteaux ça porte malheur 😆 par contre l’âne était de bon augure pour les malouins (les gens habitant la ville corsaire Saint-Malo) de voir un âne avant de prendre la mer, car l’animal était réputé bête, borné, mais courageux

« Ce sont les voiliers qui ont découvert le monde, et ils charrient dans leur sillage bien des légendes. »
Olivier de Kersauson