Suite de quelques réflexions sur la science dans notre société.
Les études kézako?
Pour déterminer des phénomènes et comprendre les relations de causalité, le scientifique possède trois outils majeurs:
- soit il utilise la prédiction, non dans le marc de café, mais par la programmation d’algorithmes qui sont traités par ordinateur et qui englobent de nombreuses statistiques. On en a d’ailleurs parlé précédemment dans cet article.
- soit il utilise l’outil mathématique pour décrire et confirmer ces phénomènes, qu’il appliquera à la physique ou à la chimie par exemple (1).
- soit il effectue des démarches expérimentales répétées suivant un protocole permettant de valider ou non des hypothèses.
Dans ce dernier cas, il est courant d’appeler cette démarche « étude ». Que n’a-t-on pas entendu parler d’études « éminentes » ou « américaines » qui auraient découvert que blablabla…
Nous y sommes donc. Quelles sont les différentes sortes d’études et quels sont leur référentiel de validité, leurs avantages et leurs inconvénients?
Les études in vitro
En toxicologie, les études in-vitro sont effectuées pour tester et évaluer un certain nombre de matières premières ou d’interactions possibles. Ces études sont une première démarche nécessaire avant la mise en œuvre d’essais sur le vivant.
Ainsi on peut analyser des effets, des réactions, on peut effectuer des tests d’efficacité… Pour cela on va travailler directement sur des portions limitées de tissu animal ou végétal. Par exemple on fera des tests sur de la membrane chorio-allantoïdienne d’oeuf de poule, ou d’autres sur des extraits de cellules d’ortie… On travaille au niveau des molécules et des cellules, en laboratoire dans des zones parfaitement contrôlées.
L’avantage est de mettre à jour les mécanismes d’interaction. En les reproduisant on peut en tirer une « loi ». Il est également très facile de faire varier certains paramètres tout en maîtrisant l’étude puisque celle-ci se situe en milieu contrôlé.
L’inconvénient principal reste d’extrapoler des résultats sur des portions d’éléments à l’élément entier, bien plus complexe (ex: le corps humain). De même, si le mécanisme direct peut ainsi être appréhendé, il est compliqué de le relier à une pathologie plus globale. Par exemple un principe facile à mettre en évidence est l’échauffement et la polarisation des cellules soumises à un champ électromagnétique, par contre aucune étude in vitro ne permet de mettre ceci en relation avec des troubles du sommeil ou de l’appétit, car ce n’est plus son domaine.
Les études in-vivo
Elles se font sur des cobayes, principalement de type rongeurs mais de ce point de vu là, tout animal est susceptible, suivant son intérêt, de servir de sujet d’étude. Elles se font aussi sur l’être humain (on appelle cela des essais cliniques). Le principe est d’effectuer des tests sur les organismes complets vivant avec leur métabolisme de base. Ainsi par exemple on va soumettre une souris à un parcours particulier dans un labyrinthe pour aller chercher du fromage et puis on va augmenter régulièrement son exposition aux ondes radiofréquences. Le parcours est chronométré, le comportement étudié. A partir d’un moment la souris va mettre plus de temps à s’orienter dans ledit labyrinthe et va avoir un comportement perturbé. On note la valeur de déclenchement. Bien sûr l’expérience est répétée et reproduite (on en parlera au prochain épisode). Cette valeur, une fois confortée par d’autres équipes, sera donc considérée comme la valeur de déclenchement des effets indésirables immédiats d’exposition. On peut ainsi regarder l’apparition ou non de symptômes ou pathologies (ex: cataracte chez le lapin…).
Pour l’Homme, il y a différentes façon normalisées de mener les essais. On entend par exemple parler d’essai en simple aveugle ou en double aveugle. Dans le premier cas, le cobaye ignore s’il se situe dans le groupe témoin. Dans le deuxième cas, l’expérimentateur également ignore l’appartenance du sujet à un groupe particulier. Tout cela évidemment pour éradiquer les biais liés à l’intime conviction des protagonistes.
L’avantage de ces études in vivo est qu’on arrive bien à mettre en relation des mécanismes plus complexes et globaux (comme des pathologies) avec des conditions de traitement des organismes complets. Cependant ce système possède plusieurs limites:
- d’abord la procédure sur les animaux est parfois difficilement extrapolable à l’Homme (rapport de taille, constitution corporelle, mécanismes physiologiques, métabolismes…) et il n’est pas question évidemment de rechercher des effets mortels sur des cobayes humains.
- ensuite ces études nécessitent une grande maîtrise opératoire et des constitutions de groupes permettant une minimisation optimale de l’incertitude statistique. En effet ne travaillant que sur des échantillons de population, l’extrapolation statistique est primordiale.
- enfin ces études, pour des principes d’espérance de vie, de coût et de maîtrise complète, sont difficiles à mettre en place pour les aspects liés au long terme (> 2 ans par exemple)
Études épidémiologiques
Les études épidémiologiques permettent de chercher la corrélation entre certains paramètres, ou agents, et l’apparition de pathologies dans la population.
Le principe est de sélectionner deux échantillons de population dont un paramètre unique diffère (comme par exemple: boire du coca-cola 5 fois par jour) et de consolider les données qu’on veut étudier (espérance de vie, taux d’ulcères, taux de redoublement en 4ème ou que sais-je encore…).
On doit donc procéder de façon protocolaire et suivant les règles connues à un choix d’échantillon , un recueil des données et une analyse de celles-ci. Une fois les données recueillies, il sera possible d’établir ou non des liens, de tendances entre l’agent et une pathologie particulière.
Un exemple facile est celui des conséquences du tabagisme:
La Société de cancérologie américaine à Atlanta ont donc mené une étude incluant 138.307 hommes, pour les uns fumeurs ou ex-fumeurs exclusifs de pipes (15.263), pour les autres non-fumeurs (123.044). Au cours de l’étude, qui a duré 18 ans, 23.589 participants sont décédés.
Par rapport aux non-fumeurs, les fumeurs de pipes avaient un risque 5 fois plus élevé de décéder d’un cancer du poumon, près de 4 fois plus important de mourir d’un cancer oropharyngé et 2,44 fois plus grand de mourir d’un cancer de l’œsophage. Leur risque de décéder d’un cancer colorectal, d’un cancer du pancréas et d’un cancer du larynx était également beaucoup plus élevé, tout comme celui de mourir de pathologies coronariennes (+30%), d’une maladie cérébrovasculaire (+27%) ou d’une bronchopneumopathie chronique obstructive (risque triplé).
Selon les auteurs, ces risques étaient néanmoins inférieurs à ceux conférés par la consommation de cigarettes, mais similaires ou supérieures à ceux associées à la consommation de cigares.
De plus, le risque relatif de cancer du poumon était proportionnel au nombre de pipes fumées chaque jour, au nombre d’années de tabagisme et à la profondeur de l’inhalation.
Tous les types de pipes (traditionnelles, narguilés) engendrent les effets nocifs décrits par les chercheurs, soulignent ces derniers. (2)
L’avantage des études épidémiologiques est de pouvoir lier ou non l’implication de certains agents dans les pathologies. C’est un outil important des politiques de
santé publiques. De même, l’étude peut se faire sur des échantillons importants de personnes et sur une longue durée. Elle est donc particulièrement appropriée pour tous les effets à long terme.
Les inconvénients de ce genre d’étude restent le fait que la méthodologie pour exclure tout biais statistique et obtenir des résultats représentatif se doit d’être exemplaire (ce qui est difficile à maîtriser). Cela explique en partie que certaines études épidémiologiques semblent se contredire, ou ont du mal à voir leurs résultats reproduits. D’autre part, si une certaine corrélation peut être mise en avant, ce type d’étude ne permet pas de comprendre et décrire le mécanisme de causalité, ce qui laisse toujours la place aux interrogations et aux doutes (mécanisme, prévention, traitement…).
En conclusion
Ces trois méthodes d’études sont parfaitement complémentaires pour faire progresser le savoir scientifique. Une donnée parfaitement maîtrisée (par exemple la
dangerosité du tabac), pourra se voir confirmer avec chacune des trois méthodes qui permettront de déterminer avec précision les risques, de connaître parfaitement les effets et mécanismes d’action permettant d’appréhender parfaitement le phénomène.
Malheureusement tout n’est pas aussi simple quand les résultats sont moins probants, surtout sans la description complète d’un mécanisme de causalité reproductible, on en revient au fameux: comment prouver que quelque chose n’existe pas?
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(1) C’est ainsi qu’on découvrit la planète Neptune à la position (à 1° près) indiquée par les calculs de Le Verrier.
(2) http://sante-guerir.notrefamille.com/sante-a-z/fumer-la-pipe-expose-a-un-risque-eleve-de-cancers-o60400.html
Salut Lapa, est-ce que l’affiche du chat de Schrödinger est un pont pour inaugurer une nouvelle série ? si c’est le cas, je suis preneur 😉
oupla non! L’illustration provient du taulier, mais est excellente pour illustrer la difficulté de passer de la théorie particulaire à la macroscopie expérimentale! Et en plus j’y connais rien en physique quantique. Je pourrai demander à une connaissance mais bon…
Astier par exemple ? 😆
J’ai trouvé que le minou de Schrödingmachin collait bien avec la dernière phrase du Nartic.
C’est pas qu’il n’existe pas Furtif, il est à la fois intact et désintégré.
Tiens, j’y pense « on » en connait quelqu’uns qui sont à la fois intact et désintégrés 😆 😆