Canal du Midi, chef d’oeuvre en grand péril.

Des entreprises de travaux publics gigantesques, il y en a eu au cours de l’histoire, des pyramides d’Egypte au tunnel sous la manche, en passant par le canal de Suez ou le viaduc de Millau.

Mais j’avoue avoir un faible pour le canal du Midi.

Son histoire n’est pas banale, à la fois exaltante et démesurée ; triste aussi puisque son créateur, Paul Riquet est mort avant de l’avoir vu en eau entièrement. Monument exceptionnel par sa beauté, par la qualité de ses ouvrages et par son rôle, devenu touristique. A la fois voie d’eau navigable pour les plaisanciers et magnifique lieu de promenade sur ses berges, il est en grand péril, car on ne trouve pas assez d’argent pour l’entretenir convenablement, d’autant que ses platanes sont malades et doivent tous être abattus et remplacés.

Tout commence par une évidence : si l’on parvenait à relier la Méditerranée à l’Atlantique par une voie d’eau navigable, cela éviterait d’avoir à descendre et contourner toute la péninsule ibérique, d’autant qu’à certains moments de l’Histoire les guerres entre la France et l’Espagne ou la présence de pirates barbaresques rendait ce voyage peu sûr.

Un rêve donc, relier le Rhône à la Garonne, Aigues-Mortes à Bordeaux, à vol d’oiseau 500 km. En réalité, le canal du Midi construit par Paul Riquet ira d’abord de Sète à Toulouse, ( plus tard le canal latéral à la Garonne le continuera ensuite jusqu’à Bordeaux, formant le canal de l’entre-deux mers et sera prolongé aussi vers l’Est, reliant le Rhône).

Tout de même, cela représente 241 km à creuser aménager, équiper. Pour mémoire, le canal de Suez, construit deux siècles plus tard c’est 160 km (ou 190 si l’on compte les chenaux d’accès), celui de Panama, 77 km. Le nombre d’écluses : Panama : 7 (en trois groupes), dénivelé maximum 26 m. Suez, écluses zéro, dénivelé zéro. Canal du Midi, dénivelé 190 m, écluses, 65 et 7 ponts-canaux. Matériel utilisé au XVIIe siecle : des paniers, des pelles et des pioches… Incontestablement ce fut le chantier le plus gigantesque du siècle.

L’idée était ancienne, les Romains y avaient déjà pensé, mais c’est au cours des XVIe, XVIIe siècles que l’on commence à s’en préoccuper plus sérieusement. Plusieurs projets seront proposés et abandonnés, soit par manque de moyens financiers, soit pour des raisons techniques.

En réalité, tous buttent sur le même problème, celui de l’alimentation en eau du canal. La ligne de partage des eaux était connue dès le XVIe, restait à trouver le seuil, le plus bas possible sur cette ligne, et surtout trouver le moyen d’y amener de l’eau en quantité suffisante.

Le projet de Riquet, que celui-ci présenta au jeune roi Louis XIV, alors âgé de 23 ans, reposait sur le choix du seuil de Narouze, situé à 190 m au-dessus du niveau de la mer, sur la ligne de partage des eaux et sur l’idée de réservoirs qui seraient alimentés par les centaines de ruisseaux, les rivières du proche massif de la Montagne Noire, qui culmine à 1200 m, captés et amenés par des rigoles. Après avoir été autorisé à démontrer ( avec succès) qu’il était possible de le faire avec une rigole, le projet fut adopté et lancé.

Lorsque l’on regarde la carte de ces adductions d’eau, passant même parfois d’un versant l’autre, on est bouleversé par sa complexité…

On ne racontera pas l’histoire de ce canal, tout est dans le superbe site donné en fin d’article, y compris les photos de ses ouvrages remarquables. Il faut avoir passé en bateau la cascade d’ écluses de Fonserrane, à Béziers, pour saisir le côté unique de cet ouvrage, l’émotion étrange qu’il dégage, faite de classicisme et de technologie mécanique ancienne.

Un truc marrant , appris récemment: on n’a pas transporté que des marchandises sur ce canal. Des voyageurs aussi, mais ils descendaient à chaque écluse et montaient dans un nouveau bateau qui les attendait au pied de l’écluse, et ainsi de suite sur chaque bief. On gagnait du temps et, surtout, on économisait de l’eau en n’ouvrant pas les écluses.

La Gazette de Montpellier dans son numéro 1264 de début septembre tire la sonnette d’alarme. Le canal du Midi est en grand danger, la situation est même telle qu’il risque de perdre son classement au patrimoine de l’UNESCO.

Faute d’argent il n’est quasiment plus entretenu: berges effondrées, maisons éclusières à l’abandon, signalisation obsolète et, catastrophe des catastrophes, ses magnifiques platanes meurent du chancre rouge, un champignon importé par un américain en 1944 dans les planches d’une caisse de munitions en platane infecté. Un truc infâme qui bloque tous les vaisseaux conducteurs de sève, contre lequel il n’y a aucun remède chimique et qui reste dans le système racinaire de l’arbre abattu et dévitalisé pendant six ans ! La solution a été trouvée, une variété de platane inventée par l’INRA de Montpellier, résistante au champignon. Mais qui coûte entre quatre cents et mille euros pièce… et y en a 40 000 à remplacer au bas mot ! Cela et le reste, personne ne veut payer, surtout par ces temps de crise: ni l’Etat qui en est propriétaire à travers les VNF (voies navigables de France) , ni les collectivités locales qui aimeraient bien mais sont à court également. Une première estimation de la rénovation du canal mettant en effet a facture à plus de 200 millions d’euros…

Le précédent gouvernement avait confié au sénateur de la Haute-Garonne, Alain Chatillon, une mission de rédiger un rapport sur le financement possible de l’opération. Il avait conclu à un tiers l’Etat, un tiers les Régions et le reste par du mécénat, une augmentation des droits de navigation et de séjour, et le rachat par un opérateur de la taxe carbone liée à la replantation des arbres.

La nouvelle ministre de l’environnement ne semble pas s’être encore exprimée sur la question.

On trouvera tout, mais alors absolument tout sur le canal du midi ici. Un Site web exceptionnel.

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Lapa
Administrateur
Lapa
23 octobre 2012 16 h 40 min

Il me semble que nombre de nos canaux construits au XIXème l’ont été par les forçats et autres « bagnards ». Qu’en-est-il du Canal du Midi?

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
23 octobre 2012 18 h 50 min

Bonsoir Lapa
Pour ceux que ça intéresse : cette histoire de chantiers utilisant des bagnards ❓ ❓ ❓
Encore une des nombreuses impasses de mes études.
Je sors pour me fouetter un peu.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
23 octobre 2012 19 h 03 min

Je n’ai pas eu à chercher longtemps
Lapa a raison.
Qui aurait pu en douter?

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
25 octobre 2012 15 h 05 min

En supplément de l’article de Léon on peut aussi aller visiter ce site , en attendant d’aller sur place

Causette
Causette
25 octobre 2012 17 h 52 min
Reply to  D. Furtif

Bonjour

Ah oui les forçats, la Guerre d’indépendance des États-Unis 1775 à 1783, puis les Guerres révolutionnaires et napoléoniennes, vont contraindre la France à un effort très important, pour concurrencer la flotte britannique. La création des arsenaux et bagnes de Toulon, Cherbourg, Brest, Rochefort sont directement liés à un besoin de main d’œuvre pour construire la flotte française en utilisant le travail forcé.
Un livre de Yves Murie raconte le bagne de Cherbourg: Les enfermés de Cherbourg : Chouans, babouvistes, bagnards, prisonniers de guerre, quarante-huitards et communards dans les geôles cherbourgeoises.

J’ai trouvé cette page « L’éclusière de l’Océan », Alice Olivier raconte son métier.

« Le rôle de l’éclusière » explique-t-elle « est d’abord de faire passer les bateaux, veiller au bon fonctionnement de l’écluse ainsi qu’à la sécurité des usagers de la voie d’eau, entretenir et graisser tous les organes de manoeuvres (vannes, crémaillères, …) et maintenir un cadre agréable autour de l’écluse ».