Les Mille et Une nuisent à l’islamisme

Dernière nouvelle ubuesque en provenance de l’islamoland hypocrite et pudibond : un groupe islamiste égyptien appelé “Avocats sans frontières” (sauf celles du Dar al-Islam ?) en appelle à l’interdiction des Mille et une Nuits suite à la récente réédition de ces contes décidée par l’Etat égyptien. La cause de cette crise de prurit islamique : les contes seraient“pornographiques”.

Ces islamistes n’ont pas tout-à-fait tort : en effet, dans leur version “originale”(si l’on peut dire) non-expurgée, les Mille et une Nuits contiennent nombre de textes mettant en scène une sexualité débridée qui jamais n’apparaissaient dans les versions édulcorées que nous lisions quand nous étions enfants. La belle Shéhérazade ne se contentait pas de raconter des histoires à Haroun el Rachid pour sauver sa peau : elle mettait aussi ardemment à contribution son sexe, son cul, sa bouche et ses mains pour accomplir son œuvre salvatrice.

“On raconte qu’une nuit Haroun Al-Rachid s’étant couché entre deux belles adolescentes qu’il aimait également, dont l’une était de Médine et l’autre de Koufa, ne voulut pas exprimer sa préférence, quant à la terminaison finale, spécialement à l’une au détriment de l’autre. Le prix devait donc revenir à celle qui le mériterait le mieux. Aussi l’esclave de Médine commença par lui prendre les mains et se mit à les caresser gentiment, tandis que celle de Koufa, couchée un peu plus bas, lui massait les pieds et en profitait pour glisser sa main jusqu’à la marchandise du haut et la soupeser de temps en temps. Sous l’influence de ce soupèsement délicat, la marchandise se mit soudain à augmenter de poids considérablement. Alors l’esclave de Koufa se hâta de s’en emparer et de la cacher dans le creux de ses mains ; mais l’esclave de Médine lui dit : « Je vois que tu gardes le capital pour toi seule, et tu ne songes même pas à m’abandonner les intérêts ! » Elle repoussa sa rivale et s’empara du capital à son tour en le serrant soigneusement dans ses deux mains. Alors l’esclave ainsi frustrée, qui était fort versée dans la connaissance des traditions du Prophète, dit : « C’est moi qui doit avoir droit au capital, en vertu de ces paroles du Prophète : « Celui qui fait revivre une terre morte en devient le seul propriétaire ! » Mais l’esclave de Médine, qui ne lâchait pas la marchandise, n’était pas moins versée dans la Sunna que sa rivale et lui répondit : « Le capital m’appartient en vertu de ces paroles du Prophète : « Le gibier appartient, non point à celui qui le lève, mais à celui qui le prend ! » Lorsque le Khalifat eut entendu ces citations, il les trouva si justes qu’il satisfit également les deux adolescentes cette nuit-là”.

Hou là ! C’est effectivement très chaud, un calife qui se tape deux lolitas branleuses expertes en exégèse coranique ! A la décharge (si l’on peut dire) de ces avocats islamistes qui n’ont rien de mieux à… foutre, il faut reconnaître que les textes qui ont été recueillis sous le titre des Mille et une nuits sont anté-islamiques et que, dans leurs versions originales probablement venues d’Inde ou de Perse, il n’y avait donc aucune mention du prophète de l’Islam et du Coran, et donc que ces textes, même après rajout de personnages et mentions musulmanes, ne sauraient être considérés comme hallal. Lequel prophète était certes très branché cul, mais avec beaucoup moins de poésie puisqu’une des sourates stipule que“Vos femmes sont pour vous un champ de labour : allez à votre champ comme vous le voudrez”. Là, c’est de la pure pornographie sexiste et machiste qui ne dérange en rien les avocats islamistes…

Le Cantique des cantiques et les Mille et une Nuits

Comme celle du Cantique des cantiques (que j’avais relatée dans cet article à l’occasion de la mort d’Alain Bashung), l’origine des Mille et une Nuits est donc probablement indienne et/ou persane. Etant donné que ces contes ont été transmis oralement pendant des siècles avant l’apparition de l’Islam, il est difficile, voire impossible de les dater. On sait que le Cantique des cantiques a longtemps posé problème aux autorités judaïques puis chrétiennes en raison de la sensualité torride et du peu de mentions au Dieu unique qu’ils contiennent. Ce texte érotique, qui fait désormais partie de la Bible, a bien failli en être éliminé. On ne sait pas trop pour quelles obscures déraisons théologiques il ne l’a pas été. Peut-être tout simplement à cause de sa pure beauté ?

Les Mille et une Nuits, qui n’ont été mis par écrit qu’au XIIIe siècle, donc après l’âge d’or de l’Islam, ont connu sensiblement le même sort, même si, contrairement au Cantique des cantiques dont le corpus est très homogène, ils apparaissent comme la fusion-compilation de nombreuses traditions à la fois islamiques et pré-islamiques, arabes et non-arabes. De ce fait les Mille et une Nuits n’ont jamais été considérés comme vraiment “hallal” ni comme appartenant aux belles lettres de la littérature arabe. Ces contes auraient même sombré dans l’oubli sous la chape de plomb du puritanisme islamique si des Occidentaux n’avaient pas entrepris leur traduction à partir du XVIIIe siècle. C’est d’ailleurs par l’intermédiaire de ces traductions qu’ils ont été réintroduits et redécouverts dans les pays islamiques. De là à penser que c’était un complot de l’Occident dévergondé contre le rigorisme musulman, il n’y a qu’un pas que les avocats islamistes, qui demandent qu’on “en finisse une fois pour toute avec cette affaire”, semblent avoir franchi.

Contrairement au Judaïsme et au Christianisme, l’Islam du temps de sa très relative splendeur (jusqu’au XIIe siècle ap. JC donc) n’hésitait pas à évoquer ouvertement la sexualité et à la glorifier pourvu qu’elle soit hétérosexuelle et donc consommée dans les liens du mariage. Après quelques siècles de pudibonderie islamique, il semblerait que ça redevienne à la mode ces temps-çi.

Abou Nawas, le poète ivrogne et pédé

Dans la même veine érotico-islamique, mais version homosexuelle (argl ! encore moins hallal !), il faut aussi mentionner l’existence au VIIIe siècle ap. JC du grand poète arabo-iranien Abou Nawas, qui vivait au temps du califat des Abbassides, lesquels n’étaient pas particulièrement des rigolos tolérants. Pourquoi lui ? Parce qu’il a eu affaire à Haroun-el-Rachid, le calife des Mille et une Nuits. En effet, ce débauché notoire qu’était Abou Nawas fricotait avec les Barmécides, une famille religieuse ayant des racines bouddhistes puis zoroastriennes avant de se convertir à l’Islam. Pas très catholiques donc, ces Barmécides. En plus, ils pratiquaient un mécénat plutôt éclairé et tolérant dont profitait Abou Nawas, ce qui irritait au plus haut point Haroun qui masquait ses turpitudes en faisant assaut de moralisme. Cela d’autant plus que Abou avait des talents de satiriste et se moquait ouvertement de la Cour du calife.

Grand buveur de ces excellents vins perses avant que l’Islam n’en éradique vicieusement les vignes, grand baiseur et laboureur, non pas de sexes de femmes, mais de culs d’hommes, auteur d’innombrables poèmes et textes grivois ou ironiques sur l’amour, la chasse, la sodomie et la masturbation, ce pas très pieux musulman (en fait, probablement un athée) détonnait en son temps. Mais faut dire qu’à cette époque l’Islam ne s’était pas encore figé (il n’en était qu’à ses tout débuts) et qu’on pouvait encore comme Abou écrire des trucs comme ça (traduction libre et adaptée) :

“Blasphème
Ibrahim an-Nazzam, nous tient de vrais propos blasphématoires.
Il me surpasse en athéisme et son hérésie est notoire.
Lui dit-on : « Que bois-tu ?», il répond : « Dans mon verre ! »
Lui dit-on : « Qu’aimes-tu ? », il répond : « Par-derrière ! »
« Et que délaisses-tu ?» réponse : « La prière ! »
On lui dit : « Que crains-tu ? » il dit : « Rien que la mer ! »
On lui dit : « Que dis-tu ? » il dit : « Ce qui est mal ! »
Puisse Dieu le brûler dans le feu infernal !”

De quoi rendre fous les avocats islamistes sans frontières du Caire… Par sa liberté de ton, Abou Nawas fait penser à Omar Khayyam (XIe siècle ap. JC), lui aussi d’origine islamo-persane et grand picoleur  devant l’Eternel mais hétérosexuel. Voici ce qu’osait écrire ce débauché :

« Au printemps, je vais quelquefois m’asseoir à la lisière d’un champ fleuri.
Lorsqu’une belle jeune fille m’apporte une coupe de vin, je ne pense guère à mon salut.
Si j’avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu’un chien ».
Et même :
« Autrefois, quand je fréquentais les mosquées,
je n’y prononçais aucune prière,
mais j’en revenais riche d’espoir.
Je vais toujours m’asseoir dans les mosquées,
où l’ombre est propice au sommeil ».

Que les avocats islamistes sans frontières du Caire s’endorment d’un sommeil éternel dans leurs mosquées et qu’ils foutent la paix à Shéhérazade et Aladin ! Aux dernières nouvelles, leur demande a été rejetée par la justice égyptienne. Mais ce n’est probablement que partie remise, tant l’islamisme est ennemi de la poésie


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19 Commentaires
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Ph. Renève
Ph. Renève
18 juin 2010 7 h 44 min

Merci Marsupilami pour ces révélations spirituelles.

A une époque en Europe, on corrigeait les tableaux et les sculptures où le corps du Christ ou de saintes femmes était représenté de façon un peu trop réaliste…
Quand les religieux fondamentalistes se mêlent vraiment de régir les actes et les pensées, tout est possible, et surtout les censures les plus stupides.

Léon
Léon
18 juin 2010 9 h 20 min

Un article bien intéressant. A conseiller à Popaul….

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
18 juin 2010 9 h 37 min

Bonjour Marsu

Il n’y a rien à espérer des religieux et de la religion. Déjà il y mille ans les mollahs pourrissaient la vie d’Omar Khayyam par simple rage de tant de liberté.Il ne faut pas hésiter à lire le bouquin d’Amin Maalouf : Samarkande.
Ton texte est d’une beauté à crever les yeux des cuistres : bélître, cafard, calomniateur, lourdaud, magister, mouchard, pédagogue, pédant……et autres shérifs et manieur de métonymies

rocla
rocla
18 juin 2010 10 h 10 min

Sacré Emile …

Finalement le Karl Marx a fait un plagiat .

Le capital existait bien avant lui ….

Le gibier appartient, non point à celui qui le lève, mais à celui qui le prend ! » Lorsque le Khalifat eut entendu ces citations, il les trouva si justes qu’il satisfit également les deux adolescentes cette nuit-là”.

L’ exploitation de l’ homme par la femme commença ce jour là ….

Emile Red
Emile Red
18 juin 2010 10 h 28 min
Reply to  rocla

Koi K’il n’a encore fait le Nemile ?

rocla
rocla
18 juin 2010 14 h 40 min
Reply to  Emile Red

C ‘est le conte d’ Emile qui évite l’ ennui …. 😉

Léon
Léon
18 juin 2010 10 h 15 min

Sine, désolé, je viens de vérifier, nous n’avons aucun message de votre part sur César aux dates que vous indiquez. Ni d’ailleurs à aucune autre date. Si vous les avez encore repostez-les et prévenez-nous ici.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
18 juin 2010 10 h 20 min
Reply to  Léon

Nabsolument mon léon!
Un mail de Sine je l’aurais encadré!

Si il y a preneur j’échange 5 mails de Gary Coupeur contre un seul de Sine

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
18 juin 2010 10 h 54 min

Et personne pour féliciter Léon qui vient de niquer l’obstacle à Vignettes?!

sandro
sandro
18 juin 2010 10 h 59 min

Salut Marsu.
J’aime bien quand on parle de religion comme ça.
Ca rentre mieux dans mon cerveau reptilien que les anathèmes des forts en thèmes…

Léon
Léon
18 juin 2010 10 h 59 min

Non, hélas, Furtif, je n’ai toujours pas réussi. Pour obtenir ça je suis obligé de prendre les cadres d’articles anciens qui acceptaient la vignette et d’en remplacer le texte, le titre, effacer les commentaires etc… J’utilise donc ce truc avec parcimonie et de temps en temps pour égayer .

sandro
sandro
18 juin 2010 11 h 11 min

@ Léon
Puisqu’on en est aux messages personnels, je vous ai envoyé un petit truc humoristique sur la débacle d’hier soir.
Je ne sais si « César » marche bien.

Léon
Léon
18 juin 2010 11 h 19 min

On l’a, Sandro.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
18 juin 2010 11 h 28 min

Pour Sine

Je vous réponds par mail dans la journée. Merci pour vos renseignements.
DDA Le Furtif

Léon
Léon
18 juin 2010 15 h 52 min

Pourquoi donc ces religions nous interdisent-elles toujours ce qui est agréable, de rire, de chanter, de boire, de fumer, de faire de la musique, de nous adonner au sexe, à la bonne bouffe ?

Ph. Renève
Ph. Renève
18 juin 2010 16 h 07 min
Reply to  Léon

Pour avoir du pouvoir sur les esprits: c’est le vieux truc du « repens-toi, pauvre pécheur ».
Interdiction des plaisirs et punition de ne pas la respecter sont les deux mamelles spirituelles des religions, mon bon monsieur…

Marsupilami
Marsupilami
18 juin 2010 16 h 23 min
Reply to  Léon

C’est surtout que si on vivait tous le paradis sur Terre en se faisant plaisir, les religions n’auraient plus leur camelote céleste à refourguer !

A propos de sexe et de Mille et une Nuits, je suis tombé sur cette affligeante information. A dégoûter du sexe…

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
19 juin 2010 21 h 46 min

Il aura fallu cet article pour apprendre les noms de Galland et Mardrus, j’en étais resté à Richard Burton.C’est ainsi que je me racontais que l’homme qui n’avait pas trouvé les sources du Nil avait trouvé celles du plaisir et de la culture.
Sans vérifier , il fut le premier Européen à pénétrer dans La Mecque .

L’article offre aussi l’occasion de rendre un hommage à Pasolini , l’immense artiste qui eut à souffrir non pas de la réjouissante condamnation de tous les puritains de droite mais du désaveu offusqué de la gauche officielle tenante de l’art engagé.

Marsupilami
Marsupilami
20 juin 2010 15 h 25 min

Sur le même sujet mais concernant une autre religion, l’hindouïsme : The Independent publie un article à propos d’une récente biographie de Gandhi l’accusant d’avoir été un vieux cochon et un obsédé sexuel. Pour avoir beaucoup étudié le personnage, j’avais finir par aboutir à une conclusion identique en m’intéressant aux non-dits, dissimulations et understatements de ses divers biographes. Décidément toutes les religions ont de gros problèmes avec le sexe !