Une petite légende toujours vivace, hélas

Un siècle après la victoire de la bataille du Bach Dang contre les Mongols ( Yuan) le Vietnam était soumis à l’oppression de leurs successeurs les Mings.

Au commencement était le fleuve…

Gia Long, le dragon était amoureux d’une nymphe des montagnes. Ils furent heureux, elle lui donna le peuple vietnamien pour enfants. Le dragon était heureux, il donna la pluie.
L’eau partout, les marécages, les lacs et les rivières et le fleuve. Le bienfaisant Gia Long avait bien travaillé.
Un triste jour de soleil brûlant, venue  du Nord , une horde d’envahisseurs se déchaina sur la Terre sacrée . Ils obéissaient à un empereur cruel de la dynastie chinoise des Ming. Ils ravageaient  les moulins et les murets des rizières, pillaient les greniers et emmenaient  très loin les filles des villages pour en faire des concubines du Grand Ming. Les impôts étaient de plus en plus lourds et les corvées chaque jour plus insupportables. La misère se transforma en une famine si dure que le désespoir poussa la population à se révolter.

Un Homme nommé Lê Loi, de la province de Tanh Hoà ( sud d’Hanoï), les conduisait. Affaiblis et affamés ils manquaient de tout, même d’armes, les troupes implacables du Grand Ming leur infligeaient défaite sur défaite. Voyant cela l’Empereur du Royaume  des Eaux : Lac Long Quân,  de la famille céleste de Gia Long , se dit que ça ne pouvait plus durer comme ça. Il eut   pitié du pauvre peuple affamé et accablé de malheur. Il prit une décision.

À la même époque, au bord d’un petit lac Lê Thanh un pauvre pêcheur était comme tous les jours affairé à remonter son filet.
Comme il était lourd aujourd’hui !
Serait-ce une anguille enfin ?
Hélas ce n’était qu’une barre de fer sans intérêt. Il la rejeta dans l’eau et relança son filet. Encore une fois la même barre de fer vint se prendre dans le filet comme pour se moquer du pêcheur. Dépité il la lança très loin. Quand il la remonta pour la troisième fois  le pauvre pêcheur la regarda de plus près.
«  Bouddha  miséricordieux ! »
Ce n’était pas une barre de fer mais une épée ! Une véritable et magnifique épée …mais «  où est la poignée » ?
Ne pouvant s’en servir, il la ramena et la rangea dans sa cabane. Les jours passèrent, Lê Thanh rejoignit les rangs des rebelles de Lê Loi.. La bande au grand complet passa un jour par la cabane du pêcheur pour se désaltérer et se reposer un instant à l’ombre des banians . Le soleil est souvent si brûlant et si impitoyable  pour tout ce qui vit sous son feu. Pénétrant par hasard dans le hutte de son nouveau soldat, Lê Loi eut son regard attiré par un objet très brillant.
« Oh Lê Thanh, comment une telle épée peut-elle se trouver chez toi ? »
Comment en effet une telle épée , digne d’un roi , pouvait-elle se trouver dans la cabane misérable d’un pauvre pêcheur ? Lê Thanh lui conta les péripéties de sa trouvaille et son échec à retrouver la poignée.
Quel dommage une si belle pépée sans poignée pour s’en servir !

Lê Loi et ses compagnons repartirent combattre avec toujours  aussi peu de succès.
Un peu désespéré, le chef, quelques jours plus tard, éprouva le besoin de se retrouver seul pour réfléchir. S’enfonçant dans la forêt, les pas de son cheval  le guidèrent vers la maison du pêcheur. N’y avaient-ils  tous vécu des instants de repos qui leur avaient fait oublier les désastres répétés que l’Empereur et son armée sanguinaires leur infligeaient. ?
Tout à coup au plus épais des feuillages une lueur attira son regard. Plus il s’approchait et plus cette lueur l’aveuglait. Il ne pouvait pas la manquer. À la cime d’un arbre il reconnut l’objet luisant : une poignée d’épée ciselée comme une pièce d’orfèvrerie.
Mais où ai-je bien pu voir l’épée qui justement irait bien avec cette poignée sans lame ?
Mais mais mais , justement dans la cabane du pauvre pêcheur Lê Thanh vers laquelle je me dirige depuis un moment !
«  Oh Seigneur Lê Loi , s’écria le pêcheur , c’est  le Ciel qui nous envoie cette épée prodigieuse. On ne peut en douter. »
Effectivement, muni de cette épée magique Lê Loi courut de victoire en victoire. La chance était  enfin du côté des pauvres et des rebelles. Il devint le roi d’un pays désormais libre.

Des mois passèrent, le nouveau souverain vivait désormais dans son palais au cœur de la capitale, Hanoï. Pour se détendre il retournait souvent chez le pêcheur auprès du lac . Un jour, monté dans une barque glissant sur le miroir des eaux, il vit émerger devant lui une tortue géante qui s’adressa à lui dans le langage des hommes.
«  Lê Loi , mon maitre Lac Long Quân te prie de bien vouloir lui rendre son épée magique. Tu n’en as plus besoin puisque la paix et l’ordre règnent désormais dans le pays tout entier ».
Alors Lê Loi entra en lui-même et réfléchit. Il comprit et reconnut qui lui était venu en aide quand il en avait eu besoin. Le souverain du royaume des eaux en personne.
Il ôta l’épée du fourreau et la tendit à la tortue qui la prit dans son bec et s’enfonça dans les profondeurs du lac.

Depuis ce temps-là  le lac où le pauvre pêcheur lançait son filet se trouve toujours à la même place , la ville d’Hanoï  a grandi tout autour , le lac de l’épée restituée est l’objet d’une grande vénération de la part du peuple vietnamien .
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Depuis la très ancienne époque du XVème siècle, Jeanne d’Arc pour nous, cette histoire a connu bien des hauts et des bas. Il faut dire qu’elle est restée  sans trop faire parler d’elle au milieu des tourments traversés par le peuple vietnamien. Episodiquement  la légende  ressurgit ou les pouvoirs officiels la réaniment selon les besoins de la politique internationale.
Il faut dire que l’espèce très rare de cette tortue Rafetus swinhoei est pratiquement éteinte. On en trouva une  dépouille en 1968  que l’on fit naturaliser. On l’installa au centre du petit lac d’Hanoï .Le souvenir s’estompait peu à peu  jusqu’à ce que des  témoignages  de plus en plus fréquents et concordants viennent rappeler qu’une Tortue de ce genre s’ébattait dans les eaux du lac en plein centre ville. Ce n’est pas que le peuple vietnamien  manque de Pucelle avide de bagarre, aimant monter à cheval en portant une quarantaine de kilos de ferraille. Comme pour tous les peuples agriculteurs, les légendes vietnamiennes fourmillent de vierges sauveuses. Mais cette fois-ci le hasard voulut que le peuple se sente bouleversé par cette histoire de tortue mâtinée d’Excalibur, de combats et de lac.

Ce n’est pas une pucelle qui sauva le royaume mais un tortue, elles eurent le même effet dans la constitution de la légende nationale.
Comme chez nous, ils la ressortent quand ils en ont besoin.

Elle servit beaucoup à l’occasion d’une agression chinoise  en 1979.

Le conflit était ancien et dépassait largement le cadre du seul Viet Nam englué dans le sang de son propre conflit avec la France,  d’abord,  puis avec les USA. Cette fois –ci les divergences idéologiques, politiques et militaires opposant la Chine et l’URSS, depuis la rupture officielle du XXème congrès de 1956, furent une des causes d’une énième invasion chinoise.
Les deux géants russes et chinois s’étaient heurtés dans un affrontement bref et sanglant sur le fleuve Oussouri au Nord-est de la Mandchourie en 1969.
L’ouverture d’une base navale  russe au Viet Nam  en 1975, d’une deuxième en 1979, l’intervention au Cambodge de l’armée Vietnamienne, de supposés mauvais traitements infligés aux ressortissants chinois  constituaient des prétexte suffisants pour déclencher l’agression chinoise. 7 000 tués et de double de blessés furent le prix exigé par la Chine pour faire comprendre au Monde et aux Vietnamiens en premier leurs prétentions  en Mer de chine du Sud
Nul doute que la montée en puissance de l’armée populaire, accompagnant un développement considérable de sa marine  ne conduise le peuple Vietnamien à un affermissement de la ferveur et du culte national à cette tortue d’un genre tout à fait national. La direction politique de ce pays pourrait prendre l’initiative de faire nettoyer ce lac, véritable cloaque,  pour offrir des conditions plus favorables au dernier spécimen qui y vit encore et, qui sait , y retrouver l’épée ?

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Lapa
Administrateur
Lapa
16 janvier 2012 10 h 55 min

hum la tortue était-elle vierge?
En tout cas une histoire que je ne connaissais pas, à la lecture agréable. (comme d’hab^^)

snoopy86
Membre
snoopy86
16 janvier 2012 11 h 13 min

J’ai beau chercher, je ne trouve pas les romains 😆

Léon
Léon
16 janvier 2012 13 h 46 min

Où va-t-il donc chercher tout ça ? 😆

Léon
Léon
16 janvier 2012 15 h 16 min

Est-ce une idée idiote, où dans les différents endroits où la colonisation française s’est exercée, l’Indochine n’occupe-t-elle pas une place particulière, et unique ?
Tous les témoignages que j’ai pu lire, romancés ou pas, montrent un attachement spécifique, véritable et profond des colons vis à vis de ce pays et de sa population. Je ne vois pas l’équivalent ailleurs ( afrique noire, mahgreb…)

COLRE
COLRE
16 janvier 2012 16 h 54 min
Reply to  Léon

Peut-être l’Algérie, d’une certaine façon, s’en rapproche.

Léon
Léon
16 janvier 2012 17 h 35 min
Reply to  COLRE

Bonjour Colre, j’y ai pensé évidemment, mais je ne trouve pas. Les pieds-noirs ont aimé le pays. Mais ont-ils aimé la population indigène de la même manière ? je n’en sais trop rien évidemment, c’est juste une impression.

COLRE
COLRE
16 janvier 2012 18 h 37 min
Reply to  Léon

Sans doute, Léon, mais il y eut de nombreux entrecroisements émotionnels, historiques, politiques, linguistiques, ethniques, affectifs, entre toutes les populations qui vivaient en Algérie pendant la présence française :

– chrétiens / musulmans / juifs,
– Arabes / berbères,
– autochtones / allochtones,
– français / pas français,
– riches / pas riches,
– grands colons / grandes familles arabes / petites gens des deux côtés,
– de souche / pas de souche…

Toutes ces catégories ne se superposaient pas absolument, elle se recoupaient en partie, étaient mêlées, sans que la porosité n’allât jusqu’à une réelle mixité sociale.
Mais l’entente amicale entre les peuples étaient réelle, distanciée mais réelle, avec le sentiment d’une différence culturelle infranchissable, mais des liens solides et affectifs (je parle bien sûr d’avant 1954…), sur un fond de peur, de rejet et de racisme, c’est sûr aussi…

snoopy86
Membre
snoopy86
16 janvier 2012 15 h 57 min

@ Fufu

As tu trouvé des choses intéréssantes dans les revues de l’ANAI ?

snoopy86
Membre
snoopy86
16 janvier 2012 17 h 57 min

@ Léon

Mon père, qui comme beaucoup avait toujours gardé la nostalgie de ses deux séjours là-bas, m’a raconté qu’il y avait à Saïgon en 1945 une petite colonie de russes blancs réfugiés depuis http://fr.wikipedia.org/wiki/La_longue_marche_dans_les_glaces_de_Sib%C3%A9rie ou simplement partis de vladivostok avec nos armées …

A l’en croire, les métisses russo-indochinoises étaient parmi les plus belles femmes qu’il ait jamais croisé …

Il est peut-être possible d’en retrouver la trace sur l’internet russophone…

Léon
Léon
16 janvier 2012 18 h 20 min

Je découvre cette histoire, que je ne connaissais pas.

Léon
Léon
16 janvier 2012 18 h 22 min

Il y a l’histoire de ce Monsieur…

snoopy86
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snoopy86
16 janvier 2012 18 h 32 min
Reply to  Léon

Un de ses descendants intervenait sur Maboul sous le pseudo dalat 1945

asinus
Membre
asinus
16 janvier 2012 18 h 49 min

yep bonjour , pour les russes blancs passés par la Chine il y a une histoire de cadres russes de la division sauvage de Sémenov et du baron Ungern qui s’etait installé à Ourga en mongolie apres reflux vers la chine .

@snoopy
le vieux c’est tapé la RC4 mais avait une vieille photo d’une jolie Con gai on a pas beaucoup causé nous deux mais je crois qu’il a aimé l’indochine plus que le coin de france ou il a fint ses jours ce pays les prenait aux tripes je crois .

snoopy86
Membre
snoopy86
16 janvier 2012 18 h 57 min
Reply to  asinus

L’expression « prendre aux tripes » est-elle à prendre au sens propre ?

Parce que quand le paternel avait encore, 25 ans aprés, sa crise quasi-annuelle de palu c’était impressionnant :mrgreen:

Blague à part, il fallait les écouter en parler …

snoopy86
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snoopy86
16 janvier 2012 19 h 01 min
Reply to  snoopy86

J’en ai aussi connu quelques uns qui te racontaient l’Indo façon singe en hiver 😆

Causette
Causette
17 janvier 2012 16 h 34 min

Les 54 ethnies (reconnues par l’Etat) qui représentent 10 millions de personnes prêtent-elles aussi à cette légende?

D’après wiki 80,8% des habitants du Vietnam n’ont aucune religion. Rien trouvé sur les tortues… par contre j’ai trouvé ce film-documentaire (59 minutes) Vietnam Hoang Sa réalisé par André Menras sur la vie des pêcheurs du centre Vietnam.