Je tiens d’abord à préciser que le jugement dont on va rendre compte dans cet article n’est pas une blague, il a été rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 01 juin 2011 au cours d’une audience en référé [1] par le Vice- Président, Joël BOYER avec pour greffier Karella LEMEE.
Voici l’extrait principal du jugement (on a juste enlevé le début qui concerne la procédure ainsi que le détail de la conclusion, pour se limiter à la partie concernant les faits. ). A part les NDLR destinées à éclaircir certains termes ou arguments juridiques, on n’a touché à rien, sinon la mise en caractères gras de certaines phrases et l’insertion de « M » ou « Mlle » pour la compréhension des aventures de E… et L….
[….]
Motifs de la décision :
E… et L… sont deux intrépides aventuriers de la médiatisation télévisée ayant illustré les meilleures heures du programme de téléréalité intitulé par anti-phrase « Secret Story » (saison 3) où il n’y a ni secret ni histoire, mais, cependant une observation des faits et gestes des jeunes gens qui y participent sous l’œil des caméras, où le téléspectateur finit par s’attacher aux créatures qu’il contemple, comme l’entomologiste à l’insecte, l’émission ne cessant que lorsque l’ennui l’emporte, ce qui advient inéluctablement, comme une audience qui baisse.
Mais « un seul être vous manque et tout est dépeuplé », alors, sevrés du programme télé qui s’achève, les aficionados se ruent sur les gazettes, sûrs qu’ils sauront entretenir aussi durablement que possible le feuilleton du rien, passion toujours inassouvie des sociétés contemporaines. Les cobayes, trop heureux de voir quelques flashs qui crépitent encore , et désormais adeptes de l’exposition de soi, courent de l’une à l’autre, comme un canard sans tête, accordant interviews ou posant pour des photos.
L’indignation fut à son comble.
Mais l’affaire ne devait pas en rester là.
J…, journaliste spécialisé dans le potin télé, comme le coucou dans le nid des autres, invita successivement sur la chaîne Direct 8, Mlle E… appelée avec délicatesse à s’expliquer sur les faits révélés par Entrevue ; laquelle pleura et s’en vint, puis M. L… qui nia se trouver à l’origine de la vilenie mais resta.
J…, rédacteur d’articles pour le magazine Entrevue assura en effet sur la chaîne NRJ12 que le mensuel, avait acheté la vidéo, qui tire son nom commun de sa nature même, « sex-tape» pour la bagatelle de 5000 euros à un personnage qu’il devina l’ami de M. L…, lequel avait entre temps engagé un procès civil à la société éditrice d’Entrevue en ne réclamant rien d’autre que le prix de l’honneur, soit un sou de l’Europe que la rumeur tint pour le denier de Judas.
Mlle E… invoque, dans le cadre de la présente instance, l’atteinte à la vie privée et son droit à l’image que caractérise une telle reproduction, dans le magazine OOPS, de la double page d’Entrevue, ne se plaignant de rien d’autre.
La société défenderesse [NDLR: ici, le magazine OOPS] invoque encore l’illustration légitime d’un fait d’actualité, mais ce moyen [NDLR : cet argument ], aussi exquis soit-il, ne saurait tout à fait emporter la conviction du juge de l’évidence, s’agissant de photographies de cette nature , dont la publication par le magazine Entrevue avait été sanctionnée civilement comme caractérisant une atteinte à la vie privée et au droit à l’image, ce dont une mesure de publication judiciaire spécialement ordonnée a précisément informé le public en octobre 2010, soit cinq mois avant la publication litigieuse, car il est vrai – et le fait mérite d’être noté- que l’intrigue demeure, près d’un semestre plus tard, toujours entretenue.
C’est vainement enfin que la société éditrice plaide la délicatesse au motif que le petit format de la reproduction de la double page d’Entrevue ne permettrait à quiconque de reconnaître Mlle E… dont le visage a été légèrement flouté sur les deux vignettes la montrant pratiquant une fellation, son identité étant livrée au public, les photographies la rendant parfaitement reconnaissable, y compris les deux clichés au flou hamiltonien, où on la devine face à la caméra. [4]
Le préjudice est généralement, en cette matière inhérent aux atteintes ; encore doit-il s’apprécier au regard du prix que les demandeurs paraissent attacher, non à la publicité qu’ils recherchent, mais aux valeurs que le droit protège.
– Mlle E.. aurait vendu un sujet dit « arrangé » au même magazine OOPS, paru dans le numéro 40, sous le titre « E… trompée par L… », ce qui convainc qu’elle ne craint nullement la publicité faite à un coup du sort relevant ordinairement de la sphère protégée de la vie privée.
Le juge ne l’est pas plus à l’égard d’aucune d’entre elles, mais il a un exigeant métier qui le retient quelquefois à de plus amples tâches.
Il réparera ce qui est réparable en allouant à Mlle E… un euro à titre de dommage et intérêts et, s’agissant de l’indemnité sollicitée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, conviendra humblement que les considérations d’équité ne lui commandent rien qui vaille.
Juste une question, Paul Villach est-il partie « prenante » de cette affaire ?
ahah énorme!
Excellent !
Merci Léon pour cet insolite.