Une inconséquence de Catherine Kintzler sur la laïcité.

J’ai toujours autant de problèmes vis à vis de ces spécialistes qui, du haut de leur chaire universitaire, juristes, sociologues ou philosophes, continuent de nous expliquer que la laïcité n’est pas l’antireligion mais au contraire la garantie de la liberté de conscience et du culte, associée à une neutralité de l’Etat vis à vis des religions.

La dernière en date à s’exprimer sur la question est Catherine Kintzler, dans une interview sur Causeur.

Mon problème, celui dont je voudrais parler ici, c’est que, si je m’en tiens à la lettre de ce qu’elle dit, sur le fond  je ne puis qu’être d’accord. Entièrement  d’accord, quasiment avec la totalité du contenu de l’interview, à l’exception peut-être de l’explication de la montée des communautarismes religieux par le seul recul de l’investissement de l’Etat dans ses services publics, qui me semble un peu simple —  qui demanderait, en tous cas, à être sérieusement développée et évaluée.

Par exemple, certes je suis athée, mais je ne suis en rien partisan d’éradiquer les religions. D’abord c’est tout simplement impossible, l’Histoire a montré qu’un très grand nombre d’êtres humains est incapable de vivre sans cette béquille morale et intellectuelle et surtout dans la mesure où ils ne pourrissent pas la vie des autres, leur interdire de croire serait une atteinte à leur liberté de penser et leur liberté individuelle tout court. Je n’ai pas de respect particulier pour les religions, mais pas non plus de rejet inconditionnel : celles-ci n’ont pas que de mauvais côtés, et sont souvent  porteuses de morales avec lesquelles même un incroyant peut être d’accord.

J’admets donc et accepte, tout à fait comme Catherine Kintzler, que la laïcité n’est en rien l’interdiction du culte ni de la croyance. (Ni, non plus l’interdiction de l’athéisme et de la libre-pensée, faut-il le rappeler ?…).

Mais…

… car il y a un « mais » .
Je ne suis pas d’accord avec sa présentation de ce qu’elle appelle les « dérives » symétriques de la laïcité, celle qui consiste d’une part à la détruire en l’affublant d’un certain nombre d’adjectifs, comme « ouverte » , « positive », et d’autre part ce qu’elle appelle un « extrémisme laïc ». Elle a raison dans l’explication de la concomitance des deux phénomènes mais tort, à mon avis,  sur le plan politique.

Il faut rappeler avec force que l’attitude laïcarde extrémiste dirigée principalement contre l’islamisme  parce que c’est lui qui est actuellement le plus préoccupant, est une réaction à un ensemble de dérives qui ne sont pas de son  fait. Autrement dit ce ne sont pas les « laïcards », même les plus athées d’entre eux  qui ont cherché, dans la période récente à supprimer ou interdire les religions, mais bien des croyants qui ont commencé à pervertir le concept de laïcité en lui ajoutant ces adjectifs divers et variés et à tenter une reconquête de l’espace public .

Depuis le milieu du XXe siècle un équilibre satisfaisant s’était établi et c’est sa rupture par l’islamisme [1] , avec l’appui plus ou moins avoué des autres religions, qui a provoqué l’apparition de cette crispation laïciste, jusqu’à un extrémisme qui peut pousser à de l’islamophobie caractérisée et souvent revendiquée, voire des dérives racistes envers les populations qui baignent dans cette culture. Cette crispation, que les bonnes âmes donneuses de leçons de civisme et de démocratie se permettent de dénoncer de toutes les manières et (parfois jusqu’au ridicule tellement cela devient incohérent avec l’athéisme et le rationalisme dominant dans la pensée de gauche ), a donc une origine tout à fait contingente et dépasse largement le cercle des bouffeurs habituels de curés.

Mais n’en déplaise à ceux qui tiennent toujours les mêmes discours irénistes, apaisants et théoriques (et je ne parle ici que de ceux qui sont sincèrement et réellement attachés à la laïcité) , à une force qui attaque la laïcité il n’y a pas d’autre solution que d’opposer une contre-force laïcarde de même intensité au moins. Ah, c’est sûr, ce ne sont pas les Catherine Kintzler qui se mettront les mains dans le cambouis à faire des apéros saucisson-pinard, à caricaturer le Prophète, à défendre Fanny Truchelut, à prendre le risque de se faire traiter de facho, d’identitaire, de suppôts du FN, d’être obligé de se justifier en permanence de ne pas être d’extrême-droite, de donner des preuves qu’on n’est pas raciste ou « intolérant »… C’est tellement plus facile et intellectuellement bien moins risqué de jouer les édredons munichois que de dire frontalement : l’ennemi principal de la laïcité aujourd’hui c’est l’islamisme et si on est un militant laïc on est obligé d’être contre lui. Et être contre lui, c’est le combattre — en tant que religion, pas en tant que culture ou marqueur identitaire. Pour cette raison  il est impossible de faire une soi-disant distinction entre islamisme radical et islamisme modéré. Cette argutie  n’existe que dans la tête de ceux qui veulent absolument trouver un prétexte pour fuir un combat dans lequel il n’y a que des coups à prendre. On ne peut en effet juger d’une pratique religieuse sans en évaluer la source, tant l’une est la conséquence de l’autre.
C’est le paradoxe du défenseur de la laïcité, du partisan de la neutralité de l’Etat envers les religions, que de devoir pourtant exiger de l’Etat qu’il les combatte lorsque cela s’avère nécessaire. Toute autre attitude est un piège sans issue.

La seule victoire toute récente et spectaculaire de la laïcité contre une intrusion de la religion dans l’espace public a été la fin des prières de musulmans dans la rue. Or elle a été obtenue contre l’islamisme  par des gens que les défenseurs « républicains », « démocrates »  et « modérés » de la laïcité passent leur temps à stigmatiser comme étant des extrémistes.

Donc ces universitaires généralement, (mais pas toujours), de gauche,  sont bien gentils avec leur voie moyenne, « équilibrée »  et centriste ; même si elle est juste sur le fond, elle fait totalement abstraction des moyens pour la rendre réelle. Leur efficacité seule doit être prise en compte et l’extrémisme laïc est parfois  indispensable.

Si vis pacem para bellum. (« Si tu veux la paix, prépare la guerre », adage romain.)

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[1] Je précise une fois de plus que, comme Iskender,  je n’utiliserai plus jamais le terme « Islam » qui est une victoire sémantique du système mahométan et un abus de langage, alors que l’on utilise, à juste titre, pour toutes les autres religions le suffixe –isme désignant un système de pensée mobilisateur: bouddhisme, judaïsme, christianisme, hindouisme etc  .

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ranta
ranta
21 novembre 2011 19 h 55 min

 » contre les mauvaises chutes et les fâcheuses glissades à distance sous influences malveillantes »

Furtif, c’est pas beau de mentir et de dire que tu l’as pas fait : moi, je l’aurais fait. :mrgreen:

Tout au plus tu pourrait faire preuve de charité Chrétienne et le sortir de la mare de boue dans laquelle tu l’as, grâce à tes pouvoir, poussé; visiblement il y a pris goût et s’y complaît.

PS : je te soupçonne d’avoir poussé tous les TIEBIEG dedans 😈