Un dimanche matin au siècle dernier. Neuf heures, j’achève mon sac; dans une heure et demie je rejoindrai le point de rendez-vous. J’irai m’asseoir dans la salle du foyer et j’entendrai sans l’écouter le coach dévoiler – en fait il ne dévoilera rien du tout, puisque la mise en place de l’équipe et les options tactiques retenues auront été travaillées l’avant veille, lors du dernier entraînement- le plan de jeu du jour, le rappel des consignes et de l’objectif.
Il y aura aussi le couplet sur les valeurs morales qui nous incombent et celui sur notre statut de vitrine du club, à mettre en perspective avec ceux de l’arrière-boutique qui composent l’équipe réserve et les soutiers des équipes trois ou quatre.
C’est un show. J’en prendrai toute la mesure plus tard lorsque j’endosserai le costume de coach : c’est un rôle de théâtre. Plusieurs rôles à jouer selon les besoins du moment, et souvent même plusieurs en un seul : la colère, l’empathie, la désillusion, la joie, le dépit, l’incompréhension, la satisfaction, sont à interpréter avec le ton, les effets de manche, le langage corporel idoines. Qui croit vraiment que j’ai envie de tuer mes joueurs, que je leur en veux à mort, lorsque je joue la scène de « la remontée de cales » à la mi-temps dans les vestiaires ? Et que penser lorsqu’après une prestation particulièrement nullissime je les emmène vers le tas de gravier derrière les vestiaires ___ qui a toujours été là sans qu’on sache pourquoi, sauf peut-être destiné à servir d’accessoire à mon ire__ – et que d’un geste dont je mesure l’effet, les sourcils froncés, les yeux noirs, je puise une poignée et qu’ énonçant un à un le nombre de graviers je symbolise la punition, 78 graviers, 78 tours de terrain ? Non, pendant qu’un coach d’une main tapote affectueusement sur le crane de ses joueurs de l’autre il leur fait les poches; enfin pas à tous…
Bon, pour l’heure je n’en suis pas là, je suis la vitrine du club et il faut qu’elle reste propre, je suis aussi dans la vitrine du plus haut niveau régional et faudrait voir ne à pas le perdre de vue et penser à y rester. Tout ce discours se concluant sur le non moins sempiternel rappel que « au club, on est tous une grande famille ». Une grande famille de plus de 250 licenciés, de 4 équipes seniors, une de vétérans et des équipes de jeunes. Une si grande famille dont je ne connais, et mes coéquipiers aussi, que mes partenaires d’équipe première et de à peine la moitié de l’équipe réserve et dont je me fous totalement de faire la connaissance; véhiculant ce dédain affiché qui sied aux seigneurs du club lorsque au détour d’un lever de rideau de la 3 ou de la 4 je me retrouve, fortuitement, à suivre leurs pénibles tentatives d’approcher un tant soi peu de ce que l’on nomme football. Jeune et con quoi ! Mais ça va changer, du moins en partie, chaque jour qui passe m’éloigne de ma jeunesse.
Ensuite je prendrai place dans le bus pour rejoindre le stade de l’adversaire. En route on s’arrêtera dans une des ces infâmes gargotes, dont seul le club connaît l’adresse, pour le traditionnel carottes râpées sans sauce mais avec une pincée de persil, le steak/pâtes ____ pour les sucres lents, je n’ai jamais compris pourquoi des sucres lents __ qui par définitions sont lents à se diffuser dans l’organisme . Pourquoi étaient-ils nécessaires trois heures avant un match sachant que la digestion prend une dizaine d’heures. Et le yaourt nature. Ceux de l’arrière-boutique et les soutiers ne connaissent pas leur bonheur de pouvoir se taper un poulet/frites ou une choucroute chez eux. Ça, aucun de la vitrine ne leur avouera. Dans le bus, comme dans les vestiaires, comme dans la gargote, il y a une hiérarchie à respecter quant à l’occupation des places et des tables :
– les cadors,
– les petits protégés des cadors,
– les seconds couteaux
– et les sous fifres.
En somme, les mâles alpha, les aspirants alpha, les bêta et les oméga .
À de rares exceptions tout un chacun commence oméga: souffre douleur. Situation cruelle mais ô combien vitale qui permet l’évacuation des rancœurs et des frustrations. Pendant une période variable, qui peut aller de quelques mois à une ou deux saisons, destinée à te jauger. Soit un des cadors prendra sous son aile un des omégas, soit il sera définitivement promu au rang de seconds couteaux ou impitoyablement rejeté dans l’arrière-boutique, voire à la cave. Il faut considérer que cette hiérarchie ne correspond en rien aux regards extérieurs . Il s’agit seulement d’un mode d’organisation interne propre à l’équipe. Ainsi, un cador ne sera pas obligatoirement flamboyant, pas le meilleur, pas le plus élégant sur le terrain, à l’inverse d’un second couteau ou d’un sous fifre qui, eux, peuvent être meneur de jeu, attaquant vedette, ou défenseur charismatique. En revanche, il sera nécessairement plus malin, plus intelligent, plus calculateur. Il n’est pas rare que sur le terrain il se mette totalement au service, non seulement de l’équipe, mais plus particulièrement d’un jeune oméga ou d’un second couteau favorisant ainsi l’émergence de la ou des coqueluches de supporters.
C’est qu’être pris en charge par un des cadors ça change ta vie, tu accèdes indirectement à leurs privilèges. Lors des séances physiques le coach ne manque pas, plusieurs fois par séance, de s’enquérir de l’état de santé de ses cadres
– Et ta pointe Zinezinedadine, ça va ? Force pas trop, cooool garçon, cooool, je préfère que tu coupes si besoin hein ! –
En revanche pour les autres membres ce n’est pas la même chanson – Oh, Ranta… tes miches tu te les bouges oui ou merde ! – – Oh Ranta, tu veux jouer au con avec moi ! – – Oh Ranta, j’ai dis d’arrêter ? »-
Mais le jour où Zinezinedadine se fend d’un » c’est bon coach, je m’en occupe » on sait qu’on vient d’accéder, soit dans l’antichambre d’un fauteuil d’académicien du foot au sein du FC Gloriole, soit dans l’antichambre d’un magistral coup de pied au cul. On est vite fixé, tout de suite même.
Si on dit – petit, reste avec moi et fais comme moi – c’est le graal, sinon, bééééé…
Si tu es adoubé ça signifie que désormais tu vas t’entraîner au rythme de ton alpha, si il a un début de pointe au mollet, t’as un début de pointe au mollet; si il a mal à la tête t’as mal à la tête, si il veut forcer, tu forces. Tout en savourant les – Oh Kudjatt, tes miches tu te les bouges oui ou merde ! – sachant que plus jamais le coach ne te parlera comme ça. Parce que le coach, il n’existe que grâce à ses cadors, rien ne se fait, rien ne se décide sans qu’eux aient donné leur aval. La moindre réflexion du coach est soumise à l’approbation des trois ou quatre alphas, et principalement au chef, le capo des tutti cadori. Pour toi, sortir le matériel d’entraînement, le ranger, chercher les bouteilles de flotte, gonfler les ballons, passer un coup de balai dans les vestiaires c’est du passé. Tu sais que tu évolues le jour où « on » t’envoie répondre aux journaliste des canards locaux et régionaux, à l’animateur de « radio Ragots FM » en direct live du bord du terrain, le jour où le coach te demande – Et ta pointe Ranta, ça le fait ? cooool fils, cooool, force pas hein- le jour où le coach te prend à part et te demande
-T’en penses quoi Ranta si…
-Là tu sais que tu es devenu un alpha, et avec un peu chance, selon les circonstances un jour tu seras peut-être le » capo des tutti cadori ».
Dès à présent tu es un joueur important, tu as le pouvoir de faire ou défaire un coach. Il le sait, tu le sais, c’est la règle du jeu. Tu as besoin de lui mais il a encore plus besoin de toi. C’est pas pour rien que tu vas saluer les supporters, ces fameux supporters dont tu as, toi aussi, besoin mais qui t’emmerdent. Pas pour rien que tu effleures les têtes blondes des jeunes de l’école de foot ou que tu serres la main des ados des équipes de jeunes avant le match ou après. Pas pour rien que tu sacrifies six ou sept samedis par an à aller les voir jouer, eux qui toutes les trente secondes jettent un œil vers toi en quête de ton approbation à ce qu’ils viennent de faire. Pas pour rien non plus que tu causes pour ne rien dire aux quatre ou cinq journalistes que tu connais. E t puis arriva le jour où le coach ne te dira plus –
– Dis donc, Ranta t’en penses quoi si… »-
Mais
– Heu Ranta, faudrait que je te parle –
C’est le signal, dans son bureau de coach tu trouveras le président, le directeur sportif lorsqu’il y en a un, et tu sais qu’on va te demander de trouver le chemin du cimetière des éléphants. Oh, ce n’est pas brutal non, non ! Ils le font avec égards te laissant le temps d’accepter. Tu te verras proposer soit une fonction dans le club, soit un bon de sortie. Et suprême honneur à la fin de l’entretien tu trouveras un « pistolet avec une cartouche » : Ils te laisseront le choix, le moment et la manière d’annoncer toi même que tu mets ou vas mettre un terme à ta carrière. Voilà pourquoi tel coach va réussir à un endroit et échouer ailleurs. Ses propres qualités, le talent de ses joueurs, ne suffisent pas. Ils ne sont qu’un des ingrédients de la recette. Il ne réussira que si les rôles ont été bien définis. Ne voyez pas autre chose dans la pathétique image de la France en coupe du monde, ni dans les difficultés qu’elle rencontre aujourd’hui. Et qu’advient-il lors d’un changement de coach, la hiérarchie est-elle remise en cause ? Pas vraiment, car les cadors le sont aussi dans leurs rapport avec le président et le bureau. Si ils peuvent volontairement et délibérément flinguer un coach ils sont aussi associés à la venue du suivant.
Et les coachs ne sont pas fous, ils savent exactement ce qu’ils vont trouver, sur qui s’appuyer.
Si en bouclant mon sac en ce dimanche du siècle dernier je suis moins jeune que la veille, je suis encore un peu con. Si j’ai bien conscience d’être un des alpha, je suis encore loin d’avoir tout compris. Mais ma chère moitié va s’en charger de me faire réfléchir. Le foot et elle c’est pas ça, pas du tout même. Elle s’y intéresse comme moi je suis passionné par les orchidées. Elle, tout ce qu’elle voit : c’est des sorties le samedi soir, des repas de famille le dimanche et des visites de musées … pour les autres, pas pour nous. Je la sens derrière moi, et je sais que ça va encore être la soupe à la grimace, comme tous les dimanches matins. Ça va venir, ça ne peut que venir, et ça vient – « tu penses arrêter un jour ton jeu de guéguerre à la con ? » –
Gné ? Ké guéguerre à la con ? – j’aime bien Gné, ça signifie que j’ai plusieurs degrés, plusieurs couches d’incompréhension. Que ça me ravale au rang du plus primate des primates, jaloux du QI d’un chimpanzé-
– Eh, ho, tu vas pas nier, fais pas ton niais ! Parfaitement ta guéguerre à la con. Celle qui vous permet d’évacuer vos frustrations de la semaine. On dirait une bande de Neandertals auxquels on a prescrit des règles, qu’elle s’empresse de transgresser, pour lui éviter de se battre à coups de gourdins, ou de fourches, ou de je ne sais quoi ! Et tout ça avec le soutien de 500 abrutis agglutinés autour d’une barrière au nom d’un esprit de clocher, de défense de couleurs et d’honneur !-
Re Gné.
– Et le tout sublimé par des vertus guerrières… Comme si c’était une vertu de foutre des baffes à ton voisin-
Re, re Gné.
–« Allez, va. Tu t’écoutes pas, vous ne vous écoutez pas. C’est comme si l’adversaire venait chez vous pour vous confisquer votre territoire, voler votre gibier et enlever les femelles de votre tribu »
Gné 10 puissance x (x étant le plus grand nombre auquel vous n’avez jamais pensé) -M’enfin… c’est du sport, rien d’autre –
- – Ah, tu appelles ça du sport. Laisse moi te mettre les points sur le I mon ranta chéri. Ce que vous nommez votre rectangle vert est une zone où vous permettez tout et n’importe quoi. Tu en connais beaucoup des endroits où tu files des coups de savates, des coups de coudes, où tu craches sur quelqu’un, où tu l’insultes, où ça finit presque à chaque fois en échauffourée sans conséquences autres qu’un coup de sifflet et parfois un carton jaune, ou rouge si tu es bien parvenu à découper en morceau le pauvre gus en face de toi ? Le dit gus valant pas mieux que toi, soit dit en passant. Tu fais ça dans la rue mon ranta chéri ? Tu crois que les jeux Olympiques de l’antiquité étaient du sport ? Que les mecs, leur seul souci était d’avoir des abdos plaquettes de chocolat, bien mis en valeur par leur lycra hyper cintré de l’époque ? Non, c’était une démonstration de leur entrainement guerrier destiné à défendre leurs cités. Alors oui mon ranta chéri, des Néandertals, voilà ce que vous êtes, et votre terrain, votre rectangle vert, n’est ni plus ni moins que le symbole d’un territoire à défendre ou à conquérir. Et votre ballon une proie, du gibier. Ballon confisqué par l’adversaire, gibier perdu. Pas de gibier tu ne manges pas. Tu ne manges pas tu meurs. C’est bien ça non, si en fin de saison tu t’es fait confisquer ton gibier, tu descends non? Et si c’est toi qui l’a confisqué tu montes ? Tu peux remplacer gibier par femelles, si ça te chante, c’est du pareil au même. Pas de femelles, pas de descendance. Pas de descendance et ta tribu elle meurt. Bon rentre pas trop tard-
Je suis dans le bus, à ma place habituelle. Normalement on ne devrait pas tarder à raconter aux jeunes la légende de l’adversaire du jour. Légende qu’ils connaissent mais que certains vont découvrir en vrai pour la première fois. Là bas, le tarif c’est trois zéro si tu veux rentrer chez toi entier. Un club de quartier Lyonnais, à moins que ce soit un de Grenoble. C’est les mêmes, un meltingpot de toutes les nationalités, et si ce n’est pas franchement l’esprit de clocher qui les anime mais plutôt celui du minaret, ce qui est du pareil au même, on va décrire aux oméga l’enfer qui nous attend. Les deux cars de flics qui sont de service à chaque match, la dizaine d’abrutis de supporters pendue au tunnel grillagé qui mène des vestaires au terrain et qui te crachent dessus au passage en t’insultant. Les coups de pieds que vu vas recevoir dans l’enceinte des vestiaires. On va glorifier la légende pour conclure que nous non, la seule chose dont on ait peur c’est d’avoir peur. Mais j’ai pas le goût, je pense, je réfléchis…
-He coach, t’en penses quoi des néandertals qui viennent nous piquer nos femelles ?-
-Gné, ranta ?-
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Quel désarroi, quelle amertume 😥
J’ai bien rigolé, gné!
Dis donc Ranta, pour être en forme sur le terrain, t’es au régime toute l’année ou quoi? carottes râpées sans sauce/yaourts sans sucre…
Mais je ne joue plus Causette.
Salut Ranta
Ton ex ça serait pas Albert Jacquard ?
Pf, ça aurait pu
Ranta,
Si tu souhaites enfin commencer à t’intéresser aux orchidées, à apprendre à les aimer, à savoir où et comment les trouver, à reconnaître les multiples variétés… j’ai trouvé par hasard un blogueur qui pourrait t’aider.
Veinard, De longues et belles heures de découvertes prodigieuses en perspective !
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Ce site là sans aucun doute , c’est le top pour les orchidées
A tout te dire j’avais d’abord écrit : point de croix 😆 Puis je me suis dit « bah, noooooonnnn ranta, tu vas tout de même pas tacler Léon.
Alors quitte à tacler,j’ai fait un petit clin d’oeil.
HGeuuuu Ranta
La dernière ligne de Buster est un peu de moi, si tu vois ce que je veux dire…….
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Ce n’est pas pour troller mais juste pour rigoler un bon coup
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Le vénérable n’ayant plus la Shawshotte pour des entretiens hautement philosophiques a trouvé un nouveau partenaire à son hauteur: la représentante de la scientologie sur Maboul, .Pas plus pas moins .
Un vrai truffier au sens propre ce vénérable , il a le don.
Je vois bien 😆
Je viens d’ailleurs d’envoyer un mail furibond pour m’insurger contre de telles pratiques.
Et moi qui n’avait aucune arrière pensée, Pfff 🙁
Je poursuis mon commentaire plus haut
On peut constater que le patrouilleur vénérable continue à jouer les recruteurs pour dévoiler les opposants de sa majesté. L’opposition officielle celle qui ne dérange pas et qui sert de pilier à la Fondation Maboul
Quand je pense que je suis venu sur Disoons pour l’article XXXXXXX sur les orchidées et Remi Souche.
C’est quand même vachard, là.
NDLR Qu’est-ce qui est vachard Monsieur le Neuneu?
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Monsieur le Neuneu un bref rappel
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Buster aura eu l’extrême obligeance de donner l’occasion et le chemin d’une redirection. A consommer sans modération si besoin.
Quand il furibonde le Buster , il furibonde
Alors oui mon ranta chéri, des Néandertals, voilà ce que vous êtes 🙄
L’homme de Néandertal avait un cerveau volumineux, leur capacité crânienne était supérieur à celle de l’homo-sapiens. Et toc!
🙄 T’es jamais rentrée dans un vestiaire toi !