César a reçu une proposition de publication de ce texte, destiné à l’origine à une conférence pour un colloque de SOS racisme, que nous avons trouvé très intéressant. L’article étant un peu long, nous l’avons scindé en deux parties.Bonne lecture.
César———————————————————————————————————–
Ma démarche m’oblige à me présenter tout d’abord, pour légitimer ma présence ici: je ne suis ni sociologue ni politologue, et je ne peux me pas targuer d’être un spécialiste de la Turquie contemporaine dans son ensemble. Je suis historien, et donc habitué au recul plutôt qu’à l’immédiat. Je suis spécialisé dans l’étude de l’Anatolie gréco-romaine, soit la Turquie antique. Je vais donc dans ce pays, régulièrement, depuis 20 ans. A partir de 1997, plus précisément, mon travail de doctorat m’a poussé à visiter le pays jusque dans ses campagnes, ses villages et petites villes, délaissant ainsi les zones touristiques et Istanbul.
Les occasions de rencontres avec la jeunesse du pays ont donc été nombreuses, assorties de conversations parfois longues et sincères de part et d’autres, après la mise en confiance indispensable et souvent, la consommation d’innombrables bières, parfois mêlées de mauvaise vodka. Peu à peu, à côté de mon travail universitaire officiel, je me suis investi dans un autre type d’enquête, informelle celle-ci, qui avait pour but de me faire une idée des idées, de la vie, des aspirations de cette jeunesse turque, et pas seulement celle des zones occidentalisées d’Istanbul. Cela m’était facile, étant étranger, donc neutre, un peu plus âgé chaque fois que mes interlocuteurs, et professeur, dans un pays où le savoir est encore considéré avec déférence. […] Je vous livre ici un témoignage de synthèse, subjectif et émotif, pour la première fois. Je ne parlerai pas au nom de La jeunesse, mais de certains jeunes (qui d’ailleurs maintenant ne le sont même plus). Mon expérience personnelle permettra peut-être de présenter une situation rarement évoquée, et qui peut servir d’élément de comparaison avec l’évolution de la jeunesse arabe.
Je développerai l’exposé en trois parties très inégales:
1-La Turquie présente t-elle les conditions d’un « printemps » turc?
2-En rassemblant mes impressions, souvenirs et expériences, j’essayerai de présenter ce que peuvent être les motivations et aspirations de la jeunesse actuelle, ou celle de la décennie passée.
3-Je voudrai enfin m’interroger sur le statut que certains voudraient attribuer à la Turquie d’Erdogan et de l’AKP, celui d’un modèle pour les révolutions arabes, d’une synthèse réussie et pacifiée entre la démocratie et l’islam, la modernité et les « traditions ».
1. Une révolution turque?
Disons immédiatement l’essentiel: non.
Oui, il existe des points communs entre les pays arabes et la situation en Turquie, mais qui sont largement dépassés par les différences. Les points communs peuvent se composer de ceci, et je vais le dire avec une certaine brutalité, mais qui est saine: la proportion de jeunes dans la population totale, la ségrégation normale et quotidienne entre hommes et femmes, la même religion (quoique pratiquée par des moyens différents), les contraintes sociales et religieuses, le poids de l’armée et de la police, le blocage politique, la difficulté à concevoir le pluralisme et la notion d’individu.
Les différences sont d’un niveau très supérieur: il n’existe d’abord aucun problème alimentaire en Turquie. Ceci est essentiel. Les pays arabes sont déficitaires et dépendants. La Turquie connait un essor économique considérable depuis une dizaine d’années; la fameuse phase de décollage. Elle donne du travail à beaucoup de jeunes et l’atmosphère est à l’optimiste, voire à l’orgueil. Quand le décollage cessera, ce sera l’heure de vérité (tout comme le prochain séisme à Istanbul, qui sera une immense catastrophe).
Il existe aussi là-bas une vraie vie démocratique, même si elle est très imparfaite et très conflictuelle. Mais qui peut se prétendre une démocratie parfaite et pacifiée?
Des étudiants, quelques jeunes très politisés, dans les centres universitaires, se révoltent régulièrement, mais cela n’aboutit pas à une remise en cause générale.
Ainsi, la situation n’est pas aussi verrouillée et insatisfaisante, ou même humiliante que dans les pays arabes. Le désespoir y est moins fort et visible, la prospérité le disperse.
Pour finir, un autre caractère qui, de manière traditionnelle, voire historique, distingue la Turquie ou même l’empire ottoman des pays arabes: la culture de l’obéissance, l’idée que la langue turque, comme on disait, sert à donner des ordres. Cela se résume à la formule, encore quelquefois entendue, du « baş üstüne », mot-à-mot, « Sur la tête », voulant dire « A vos ordres ». Il n’est donc guère difficile de mettre des Turcs en rangs, sauf dans un stade de foot. Il suffit de disposer un drapeau devant eux.
Ceci vaut pour la zone occidentale du territoire turc. Passé l’Euphrate, dans la zone de peuplement kurde, c’est un peu plus le Far-West, si j’ose dire, et il n’est pas rare de s’y recevoir des pierres sur la tête…
2. Les aspirations, la respiration…
Il m’était très facile de faire connaissance et de lier conversation, comme jeune professeur, avec des étudiants et des collègues. Certes, l’accès aux hommes était bien plus aisé qu’aux femmes, et ceci est déjà une clé du problème.
J’ai mené cette enquête, sans véritable méthodologie, mais avec constance, pour comprendre cette population qui représente l’évolution future de leur pays, et par voie de conséquence, l’évolution du monde musulman et, bien entendu, de l’Europe.
À la lumière de ces rencontres, que voulaient les jeunes que j’ai rencontrés?
Je mets de côté la question d’abord de la consommation et du confort matériel. Elle est très légitime, mais ne mérite pas débat, puisqu’ils votent là-dessus avec leur carte bleue: la société de consommation est un modèle accepté, jusque dans ses outrances, et comme annexe, certes mal comprise et partielle, l’occidentalisation. Chaque année dans les villages, je pouvais voir les nouvelles technologies s’imposer et les paysages changer. L’implantation de supermarchés, voire d’hypermarchés est le sceau définitif du changement. La destruction du tissu des petits commerces, peuplés de pieux assoupis est encore un facteur d’évolution irréductible.
La première demande véritable concerne une valeur ici considérée comme évidente: l’individualisme, qui a l’ –isme des idéologies… Là-bas, au delà du Bosphore, et même un peu avant, le statut de l’individu face au groupe n’a rien d’évident et fait toujours l’objet d’affrontements. La société reste encore foncièrement traditionnelle, c’est-à-dire qu’elle est fondée sur la domination du groupe sur l’individu, du vieux sur le jeune, de l’homme sur la femme, du riche sur le pauvre. Internet a paru une révolution étrange, qui permettait soudain à n’importe qui de s’exprimer sous un masque. La graine va donner des fruits. Hier, une très grande manifestation, essentiellement de jeunes, a eu lieu à Istanbul, pour protester contre les tentatives gouvernementales de brider internet, de le censurer, à partir de mots-clés souvent ridicules. 50 000 personnes, c’est beaucoup dans ce pays, sans mot d’ordre nationaliste ou kémaliste.
Dans un domaine, en particulier, l’autonomie est réclamée— en sourdine, qu’on se rassure: le domaine affectif et sexuel. Un ordre moral presque séculaire s’est abattu depuis longtemps sur la péninsule. La religion, au sens large, en est responsable. Mais aussi la République: le régime a quelque chose de pétainiste en ceci qu’il a été fondé sur une défaite, et qu’il s’est aussitôt militarisé. Je suis pour ma part un ferme partisan de la République, et un admirateur profond d’Atatürk, mais sur ce point, l’évolution a été néfaste. La frustration qui en découle n’est pas un phénomène secondaire. Elle crée des tensions considérables, un malaise constant, et l’exercice astucieux d’une hypocrisie interminable.
Il y a un mois, dans un tramway d’Istanbul, un couple se faisait de chastes bisous; il a été débarqué par un chauffeur tartuffe; peu après, plusieurs couples se sont rassemblés, pour protester et faire ensemble un « tramway des bisous ». Cela n’a l’air de rien, tellement futile. Mais il s’agit d’une petite révolution, et l’une des innombrables preuves d’un affrontement constant, dans la société turque, de forces contraires.
Quand je discutais avec les garçons, une des questions qui m’étaient le plus souvent posées était celle-ci: « Comment fais-tu pour faire des propositions aux filles? » Je ne suis pas le mieux placé pour répondre et ils attendaient en réalité plutôt une réponse culturelle, englobant les usages libéraux et européens en la matière, plutôt que des conseils techniques de ma part. L’impression, selon eux, était qu’en Europe, la promiscuité régnait entre les sexes et qu’il était très habituel d’avoir des rapports sexuels avec une multitude de partenaires, et ceci à volonté. Les jeunes hommes l’imaginaient volontiers pour eux-mêmes, sans pour autant penser que l’équivalent puisse exister pour les jeunes filles. J’avais autrefois organisé une rencontre entre mes étudiants de l’université François Rabelais de Tours et ceux de la faculté francophone de Marmara, à Istanbul. Mes étudiants ont été fort surpris de constater que les jeunes Turcs se ruaient sur leurs copines, mais qu’en revanche, il leur était très difficile d’avoir accès, en tout bien tout honneur, à des représentantes féminines de la jeunesse turque. Mes élèves découvraient, un peu amers, que dans les relations culturelles, les codes diffèrent et que l’égalité de traitement existe rarement. Ils ont appris une belle leçon. Plus largement, ce que j’ai pu constater aussi du côté des femmes, continent, certes, que je ne pouvais accoster qu’avec difficulté et rareté, c’est la grande angoisse réciproque qui animait les deux sexes. La peur touchait aussi les garçons, et la misogynie se constituait plus de crainte que de haine pour le « beau sexe ». La situation que je décris est peut-être celle d’il n’y a que 5 ans. Les choses changent vite cependant, favorisées par les nouvelles technologies, qui permettent de créer des espaces de rencontres et de relations, virtuels ou discrets.
Je voudrais parler d’un corollaire significatif de l’expansion du concept d’individu, un indice qui me touche tout particulièrement, puisqu’il touche à ce que je sais de la civilisation hellénistique: je distingue ainsi une preuve majeure et irréversible de la volonté de développement personnel à travers le rapport au corps. Autrefois, le sport était vu à travers l’idée de compétition collective et de force brutale: le foot, la lutte, l’haltérophilie. De nos jours, des gymnases, des clubs de mise en forme fleurissent un peu partout. La pratique d’une activité physique personnelle, dans le seul but d’être en forme, est une nouveauté absolue. J’ai même pu observer la mixité de certains de ces endroits et leur ouverture vers l’extérieur, bien loin de la poisseuse promiscuité des hammams de province.
Je voudrais maintenant aborder une autre question, un point important et clairement tabou: la religion, et en l’occurence, l’islam, ou les islams turcs. […]
De la part de ces jeunes, qui sont ceux, je le rappelle, avec qui j’ai eu contact, j’ai pu observer, hommes ou femmes, une grande et certaine indifférence pour les questions religieuses. La gamme est large des comportements et des sentiments. Cela va jusqu’à l’athéisme avoué, avec prudence et après une longue mise en confiance. Je me rappelle d’une institutrice, Hikmet, qui m’avait avoué son incroyance, juste entre deux villages, après avoir vérifié d’un côté et de l’autre de la route que personne ne pouvait l’écouter sauf moi. Ceci suffira à rappeler qu’il n’existe aucune liberté de conscience en Turquie de nos jours. Celui ou celle qui se déclarera athée sera au mieux considéré avec étrangeté et écarté, au pire, sera persécuté voire assassiné. Quiconque ose se démarquer de la voie normale prend un risque et il est très remarquable que dans ces conditions, l’Etat turc, pourtant si puissant, ne garantit pas sa sécurité. Je rappelle qu’en 1990, un personnage exceptionnel, Duran Tursun, a été tué en bas de chez lui et sa bibliothèque incendiée, parce qu’il avait confessé son athéisme, ayant été auparavant un mufti très apprécié qui, au nom de la science, s’était mis à contester le dogme islamique. Il y a un mois, un artiste et militant laïque a été poignardé à la sortie d’un colloque comme celui-ci, à Istanbul. L’attitude de la plupart ne va pas jusque là: elle se résume à une ignorance totale du dogme et des pratiques, ou bien à un vague déisme, ou une doctrine bricolée à usage personnel. La théologie se résume bien souvent à la question de l’au-delà, même plus à l’idée de fin des temps, qui pourtant est centrale, normalement. Le Coran, les textes doctrinaux ne sont jamais lus ou feuilletés par cette jeunesse et la langue arabe est inconnue. Quoi qu’il en soit, le refus de s’y intéresser, de s’impliquer est manifeste, alors même que l’enseignement public dispense des cours d’éduction religieuse obligatoire. J’ai pu observé, souvent, que les filles refusaient même d’aborder le sujet, en prétendant leur désintérêt pour le sujet.
Bien évidemment, vivre ce type de conviction, ou d’absence de conviction, n’est pas simple et provoque des difficultés face à un conformisme social et religieux qui cherche à englober les individus. Ceci est l’origine d’une multitude de silences, d’incidents et d’arrangements. Combien de fois découvre-t-on des gens se cacher pour boire et manger en plein ramadan… J’en ai surpris dévorant leurs pizzas sous leur bureau et m’en proposant une partie en riant, dans une administration… Plus d’une fois.
Quelle serait donc la proportion de ces indifférents dont personne n’entend jamais parler? Il n’existe bien entendu aucune statistique possible, véritable tabou et, de toute manière, personne ne pourrait se signaler de cette manière. Il existe quelques sondages internet, sous couvert d’anonymat. J’ai parlé de cela, à une soirée très animée dans une « Maison de professeurs » de la ville de Polatlı: il m’a été répondu que 30% de la population peut être considérée comme athée, soit, disons, ceux qui ont une sensibilité de gauche, ou très républicaine. Le pourcentage risque d’être plus élevé dans les jeunes générations.
Le reflux de la sensibilité religieuse se manifeste de nombreuses façons. J’en mentionnerai deux: le rejet des obligations rituelles comme le ramadan, plus ou moins exprimé. Et j’ai particulièrement remarqué la disparition des prénoms religieux et arabes pour les enfants: les innombrables Mehmet, Ahmet, Mustapha, Ayşe, Fadime etc… sont écartés au profit de noms turcs anciens ou reconstitués, souvent totémiques. Ceci se vérifie par exemple avec l’examen des listes de candidats reçus aux concours, affichés en grand sur les façades d’immeubles.
Selon moi, cette partie de la population jeune (pour ne pas dire « jeunesse ») représente une tendance irrépressible, qui constitue le modèle: ils ont l’argent et le savoir, pas encore le pouvoir réel.
Ainsi, selon moi, la laïcisation de la Turquie adviendra sans doute, mais pas par l’adaptation de l’islam à la modernité, mais plutôt par un processus de désislamisation, similaire à la déchristianisation qui a touché l’Europe, mais en plus rapide sans doute. Les religions naissent, vivent, se transfoment, vieillissent et meurent, et comme les civilisations, elles sont mortelles. Mais ceci n’est qu’une prophétie… Mais il serait idiot de ne pas la considérer, au moment de réfléchir à l’intégration à l’Europe.
Mais il n’y a pas que des questions religieuses qui posent difficulté. Ou bien s’agit-il d’une autre forme de nationalisme, le culte de la Nation, qui fait que le nationalisme est une référence absolue, peut-être même avant la religion ? Ce degré extrême d’adhésion à la nation turque est la conséquence de l’Histoire récente et agitée du pays. Un conditionnement obstiné par l’éducation assure l’acceptation généralisée du nationalisme: un manuel d’éducation civique pour petit enfant commence par ces mots: « Je suis turc, mon papa est turc, ma maman est turque ». Tout le monde le récite, même les Kurdes, bien sûr.
Le pays étant toujours en guerre (ne l’oublions pas non plus), celui-ci se perpétue, se revivifie par période, au gré des tensions internes et régionales. L’affaire du Mavi Marmara est à cet égard remarquable. J’étais à Istanbul, dans le quartier de Fatih, quand fut organisée la flottille pour Gaza, dans l’indifférence générale, sinon dans ce quartier islamiste. L’émotion populaire a déferlé quand des Turcs ont été tués et là, la fibre ultranationaliste a vibré. Un film ridicule a été produit depuis en réaction à l’affaire : Kurtlar Vadisi, La Vallée des Loups, allusion au berceau mythique du peuple turc, en Sibérie méridionale…
Il serait aussi assez sage de prendre en compte le sentiment ultranationaliste turc, qui couvre tout le spectre politique, même à gauche, quand sera discutée la question de l’intégration européenne. Le fantasme historique le plus prégnant et le plus efficace à l’égard de l’Europe reste celui de la conquête. Tel ou tel club de foot participant à la coupe d’Europe est appelé sur les affiches « Avrupa Fatih! »: « conquérant de l’Europe! ».
En même temps, et quoique cela paraisse contradictoire, l’attirance à l’égard de l’Europe est manifeste. Il m’est arrivé d’entendre des professions de foi envers la patrie, suivies peu après de demandes de conseils sur les modalités d’émigration en Europe. L’attrait est lié aux médias, au contact avec les touristes. Parfois même, après le vernis de la proclamation nationaliste, se dessinait un véritable rejet du pays lui-même.
Voici, à mon avis, et à mon avis seulement, les grandes tendances touchant la jeunesse. J’ai cru déceler quelques domaines qui sont porteurs d’espoirs, et que les jeunesses arabes seraient bien inspirées d’imiter pour ne pas se retrouver dans l’ornière. Dans le domaine culturel et universitaire, depuis une dizaine d’années, il m’a semblé discerner trois signes: le niveau général de l’enseignement supérieur s’est accru, et les exigences ont augmenté, à l’évidence sous l’influence de modèles extérieurs, anglo-saxons, allemands et encore français. Un effet néfaste pour nous est la mise à l’écart progressive des autorisations de fouille dans le pays. L’exubérance nationaliste en est la cause, mais aussi le fait que les Turcs eux-mêmes se sentent capables de s’en charger. Il est évident que c’est par la confrontation avec d’autres modèles qu’ils y parviennent.
J’ai pu remarquer, en parallèle, un intérêt croissant pour les civilisations non turques qui ont prospéré en Anatolie. Ainsi, la jeunesse ne se sent plus forcément et exclusivement assimilé à une dimension turque. La curiosité est une clé, et l’intérêt pour autrui, l’altérité. Elle peut même s’exercer, ô ironie, à l’égard de la Grèce antique ou de Byzance.
Enfin, ce qui pour moi est un ferment, une levure essentielle pour l’avenir: un effort considérable est fait pour développer l’édition, édition savante, exigente, « intellectuelle », comme on dit là-bas. L’effort se double de celui de la traduction en turc de toute la littérature mondiale, sans vraie censure. Un mécénat éclairé, de banques par exemple, soutient le mouvement. Il est à parier que le nombre de livres traduits en turc est bien supérieur au nombre de livres traduits en arabe. À partir de là, les élites se forment et pensent, se construisent une réflexion, et je vais oser dire que si personne n’a accès à Platon ou à Aristote, à Montesquieu ou même Marx, personne ne peut mener à bien une vraie révolution aboutissant à une démocratie. Il serait donc bon qu’un effort semblable soit accompli dans les pays arabes, et que l’édition ne se limite pas à la littérature prosélyte et/ou antisioniste.
Ainsi donc, l’édition turque, ou une partie du moins, se dessine comme un modèle d’ouverture intellectuelle.
Certes, à côté, les succès littéraires restent des titres de politique-fiction prédisant l’invasion de Berlin par les troupes turques, la littérature allemande étant toujours représentée par Kavgam, Mein Kampf, souvent mis en vitrine. Désolé de finir sur une touche nauséabonde, mais elle indique qu’une société ne va pas toute entière ni du même pas, ni dans la même direction.
Je ne sais ce que les disonneurs vont en penser, mais perso, je trouve ce témoignage passionnant.
idem
Bonjour,
Bon témoignage. Moi j’ai l’impression que la laïcité en Turquie perd du terrain au profit des islamistes.
Le président actuel, ex-vice président d’un parti politique islamiste (Parti du Bien-être dissout en 98) crée en 99 le Parti de la vertu, encore un parti islamiste (qui sera interdit en 2001 par la cour constitutionnelle car menant des activités islamistes). Puis il adhère à l’Akp, parti qui a failli être dissout, les partis laïcs lui reprochant de comploter contre la laïcité turque.
Coup de bol pour les islamistes: la cour ne prononcera pas la dissolution, les Etats-Unis et l’Union européenne s’opposant à cette interdiction!
très, très intéressant!
Ce rapport fourmille d’informations, mais plus encore il suscite une foule de questions.
Celle de la scolarisation des filles en est une.
Malgré un islam toujours prégnant elle ne m’a pas parue remise en cause quand par deux fois je suis allé en Turquie.