Créé en 1830, le titre de peintre de la marine est attribué par le ministre de la défense, sur avis d’un jury d’officiers de marine, à des artistes qui consacrent leurs talents principalement à la mer, aux gens de mer et plus généralement au monde maritime.
Ces artistes sont classés en deux catégories. La première, les peintres agréés, sont nommés pour trois ans et se voient attribuer d’office le grade de lieutenant de vaisseau. La deuxième, les peintres titulaires, comprend les peintres agréés qui ont été reconduits au moins quatre fois consécutivement. Ils prennent alors le grade de capitaine de corvette, ce qui n’est pas rien !
Cette distinction ne leur procure aucune rétribution. Ils ne bénéficient d’aucune commande préférentielle. Par contre, ils se voient octroyer quelques menus avantages, comme celui de pouvoir embarquer sur les navires de la Marine Nationale selon leur gré, de porter l’uniforme et surtout de faire suivre leur signature d’une ancre de marine sur leurs travaux. Signe de reconnaissance.
En 2003, à l’initiative de J.F. Deniau, l’association des écrivains de marine a été créée.
Dans le but de rédiger un billet pour Disons.fr, je me mets en quête de références. Et voilà que pour l’association des-dits écrivains de marine, auprès de noms respectables, je tombe sur un certain PPDA. Après tout, pourquoi pas ? Si ça leur fait plaisir ! Mais tout de même accoler le nom de Tabarly à ça ! Non je ne peux pas ! Bon je laisse tomber.
J’attaque alors l’ « Académie » des Peintres Officiels de Marine , cette institution inspirant le plus grand respect, ne serait-ce que par sa tradition et la qualité de ses membres. Alors là ! Mais alors là ! Quelle claque !
Aux cotés des Mauffra, Méheut, Quillevic, Marin Marie… je découvre le nom de Yann Arthus Bertrand ! YAB pour les intimes, ce velu télévisuel, lieutenant de vaisseau, peintre officiel de la marine ! Comme le disait le capitaine de frégate Tabarly : « … …. … … I am a little disappointed »
Non, décidément, quelque chose ne tourne plus rond dans ce monde ! De dépit, je me suis replongé dans mes archives et ai retrouvé les notes de voyage d’un peintre méconnu, M. Danguy.
Ce dernier embarque à Brest le 28 août 1855 à bord de la frégate la Persévérante en partance pour le Chili. En voici quelques extraits[1] :
Nous partons, tirés par le Souffleur, bateau à vapeur qui nous remorquera par-delà Ouessant. Il fait gros temps, les vents sont contraires, Brest disparaît… La patrie, au moment où on la quitte, hélas ! n’en devient que plus chère.
Ma chambre, à bord, a 2,10 m de largeur sur 2,35 m de profondeur. J’ai deux lits dont un hamac, une commode formant bureau et secrétaire, une armoire et une toilette. Comme la chambre n’est guère au-dessus de la ligne de flottaison, elle est éclairée par une lentille […] . Ce qui me plait le plus, c’est qu’elle est une des plus éloignées de la cuisine et est séparée de celle-ci par le carré […]. Mon matériel est au complet, mes huiles n’ont pas bougé […] . J’ai fait mes achats pour la traversée, deux couverts en ruolz, des objets de toilette, un chapeau de paille à large bord, une chemise de laine épaisse, des souliers de toile, de caoutchouc, etc. […] . J’emporte de la bougie, du sucre, du rhum, du cognac, du thé […] . J’ai un mousse pour domestique.
A bord, l’ordinaire est excellent. On sert deux repas par jour. A déjeuner : poisson, côtelettes, oeufs, dessert et café. A diner : potage, trois entrées, deux rôtis, deux entremets, dessert et café. Au deux repas : vins de Bordeaux pour l’ordinaire, petits vins et Madère ; le soir, en plus : du champagne !
La frégate est un excellent marcheur, et, en raison même du proverbe : « bon marcheur, grand rouleur », elle roule avec un craquement insupportable, tellement fort qu’on croirait à chaque instant que tout va se briser […] . Le commandant a été assez aimable pour mettre à ma disposition deux petites pièces du logement de l’amiral, ayant chacune une fenêtre sur la mer par lesquelles je pourrai faire des marines d’après nature.[…]
Le coup de vent nous a pris tout d’un coup, à cinq heure du matin, toutes voiles dessus, et est arrivé avec une violence qui, à peine, a permis de serrer toutes les voiles. La mer s’est couverte d’une écume folle que chaque rafale arrachait et la lame est venue emporter notre navire qui, toutes les voiles carguées, excepté le petit foc et la voile de cape, fuyait avec une vitesse de quatre lieues à l’heure. Le vent a ainsi augmenté jusqu’à six heures, et pendant dix minutes, il a soufflé avec une violence telle qu’on s’attendait à chaque instant à voir tomber les mâts de perroquet et de hune.[…]
27 novembre. Nous ne sommes plus qu’à cinquante lieues du cap Horn. Nous y serons demain, juste trois mois après notre départ de Brest. Nous avons du mauvais temps depuis hier soir, une rafale du sud-ouest. Il vente très fort, la mer est grosse, les vagues énormes, le navire est à la cape depuis vingt-quatre heures, nous roulons toujours d’une manière exagérée. […] . Les mers du cap Horn commencent, elles sont vraiment effrayantes.
Mercredi 12 décembre. Nous sommes enfin de l’autre côté du cap Horn. Nous l’avons doublé depuis hier ; nous sommes dans les heureux, nous n’avons mis que quinze jours à faire ces terribles cent cinquante lieues. […] . Après une nuit fort mauvaise où nous avons failli aller à la côte , la brise mollissant, le commandant fit reconnaître la pointe voisine de la terre des Etats. A peine eûmes-nous dépassé la limite extrême de la côte, nous fûmes assaillis par un coup de vent terrible, d’une force inouïe. La mer se creusa. Ce ne furent plus des vagues, ce furent littéralement des montagnes d’eau. […] .
Je ne m’étais pas fait une idée trop inexacte de ces tempêtes. Ce sont des sifflements, des chaos, des bruits sans nom, continus, pas un instant de repos. Il y avait des moments où notre brave Persévérante ne savait où se fourrer à sec de toile, comme disent les marins, elle se mit à fuir devant le temps, emportée par la tempête. Tout était clos, cacheté et arrimé à bord. Nous étions tourmentés par des coups de roulis tellement forts que des embarcations à trente pieds du niveau de la mer ont été soulevées, nos ancres de l’avant ont été enlevées par un coup de mer qui les a fait sortir de leurs attaches ; ces ancres pèsent quatre mille kilos, nous faisons l’eau de partout.
On ne dort pas bien dans ces moments et on n’a pas grand-faim ; on fatigue beaucoup, personne ne peut rester assis, on mange comme on peut et ce qu’on a. Et puis le bâtiment fatigue tellement que, dans l’intérieur, on croit que tout va se disjoindre, ce sont des craquements de bois, des crépitations, à fatiguer l’oreille la moins musicale. La frégate s’est admirablement comportée, malgré ses soixante pièces de canons et ses mâts démesurés. Nous n’avons pas souffert la moitié de ce que nous aurions eu à supporter sur tout autre bâtiment par un temps semblable… Le baromètre est resté constamment pendant tout ce temps au-dessous de toutes les graduations. On ne voyait plus le mercure, il était à plusieurs centimètres au-dessous de « tempête ».
Le 28 décembre de la même année et après quatre mois de voyage, la Persévérante est sur rade à Valparaiso. M. Danguy débarque, s’installe, vadrouille en Amérique du sud. Il sera de retour à Paris quatre ans plus tard.
Lieutenant de vaisseau, le YAB, quelle misère !
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[1] « Hommes et navires au cap Horn » du Cdt Jean Randier aux éditions Hachette
Lectures :16096
Hé oui… Le fiston au marchand de médaille est partout.
A rajouter aux peintres de marine actuels = Philip Plisson
C’est un peu hors sujet mais de peinture et cela sent le sel marin, bref, la belle peinture de marine : He HIUFU
Un cadeau obligé pour l’auteur et pour tous ceux qui croiseront par là.
Si vous avez l’occasion ne laissez pas passer l’occasion d’entrer à la Tate Gallery
Bonsoir Furtif
Pour la biblio de Disons.fr, il faudrait rajouter comme référence : « Des hommes et des navires au cap Horn » dont je cite un extrait dans le billet.
Une somme pour les gens passionnés par l’histoire maritime.
http://t1.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTVkPjp-5jHrQ77XsvsUYsBRqjOy8B1pKHpPWAdfAqcnXtg6sAOWg…….
je voulais évoquer les oeuvres d’Eugène Boudin,ses toiles sont exposées à Honfleur,Deauville …… superbes marines et tableaux impressionnistes à découvrir.
pas de pot,ça veut pas !…je vous invite à aller faire un tour sur Wiki !
Bonsoir Maxime
C’était peut-être ça ton lien ?
Autrement, de Boudin ce ne sont pas les marines qui manquent, au choix ici.
Les articles de Xavier, décidément je ne m’en lasse pas… La mer et la navigation ont toujours été pour moi des fantasmes inaboutis, aussi lire toutes ces informations et ces récits, c’est pour moi un vrai bonheur.
Euh, le YAB, kesako ?
Léon, sako ke :
Yann Arthus Bertrand
Aaaaaaah, Y’a bon Bertrand ?
Bonsoir AGNNP et Léon
Je pense, mais je m’avance peut-être de trop, que le service public a voulu trouver un équivalent à Hulot qui cartonnent depuis des années sur Tf1.
Les deux se valant au niveau tartufferies.
yep merci à l’auteur je fais les vide greniers parfois je tombe sur des numero du » chasse marée »
avec des illustrations comme celles des peintre de la marine yep
Bonsoir Asinus
Le « Chasse-marée » oui excellente revue d’anthropologie maritime. J’y ai pensé en rédigeant ce billet et puis je me suis dit que peut-être il serait intéressant de raconter son histoire sur Disons plus tard.
Absolument : nous attendons cette histoire avec impatience .
Au passage pour les amateurs de bons récits d’histoire et de marine, cet ouvrage m’avait été conseillé par le petit fils de l’auteur = Un régal et une histoire peu ordinnaire, un destin particulier.
et comme après une recherche vite fait, il sur la baie je vous le soumet :
Un Alsacien avec les corsaires du Kaiser
A tire indicatif, je suis pas le vendeur.
Merci Xavier pour cet article. J’ai à ce point aimé les histoires de Cap-Horn(iers) que je suis même allée travailler par là-bas et j’ai failli être cap-hornière (en zodiac ! ). Un pays magnifique, la mer partout au milieu des îles et des archipels.
J’étais aussi une fana de Chasse-Marée.
Je vous trouve dur avec YAB, ce n’est pas un homme de la mer, mais c’est un homme passionné qui sort de l’ordinaire…
Et Titouan Lamazou ? j’ai souvenir de magnifiques illustrations dans Chasse-Marée… J’aime son style pictural.
Bonsoir COLRE,
Merci de votre visite. Je n’ai pas eu votre chance de fréquenter ces endroits exceptionnels, et même en zodiac je donnerais n’importe quoi pour le passer ce fameux cap. Bien sûr que ces histoires de cap-horniers nous fascinent et nous obligent au plus grand respect. Obnubilés que nous sommes la plupart du temps par les récits de passage du Horn, nous oublions bien souvent la richesse et l’extraordinaire beauté des canaux de Patagonie. Le premier à avoir attirer mon attention à ce sujet fut Patrick Van God, disparu en mer lors de la première mini-transat si mes souvenirs sont corrects.
Si un jour vous trouvez le temps pour nous relater quelques uns de vos souvenirs dans ces contrées lointaines …. Ne vous gênez surtout pas, SVP !
Je ne pense pas avoir été dur avec YAB, c’est surtout sa posture et celle des éco-tartuffes qui m’insupportent. Je veux bien reconnaître que dans cette catégorie il n’est pas le pire mais ils ne se rendent pas compte du mal qu’ils font et tout ça pour leur petit byzness minable qui fait la joie des multinationales et Cie…
Lamazou, oui, je partage votre appréciation et au-delà de son style pictural sa démarche, humaniste ?, me plaît bien. Et puis un Vendée globe au compteur, ça ne se trouve pas dans une pochette surprise.
Vous parlez du « Chasse-marée » à l’imparfait ?
@Colre ; la Poste a edité une belle serie de femme dessinée par T Lamazou « femmes du monde »
il y avait un chouette carnet de croquis avec
Et oui, Colre. Vous en avez trop dit ou pas assez là… On veut-des-détails, on-veut-des-détails ! 😆
Mon grand père adorait la mer, mais comme il était natif du centre Bretagne profond, il en rêvait plus qu’autre chose. En fait, il ne l’avait que très rarement vue de près. Alors, pour se rattraper, il écoutait chaque soir la météo marine sur France Inter, en collant son oreille sur l’oeil bleu du poste pour ne pas en louper une miette. Scrouuiiichtt, zouiiiichhh ! ah la météo marine, elle a bercé mon enfance et mes vacances ! vents mollissants sur Molène….. Peintre de la marine ? je ne sais pas pourquoi, mais ça me fait penser à mon grand père. Thks Xavier 😉
Ne pas oublier que la Marine nationale caracole en tête de la course à la présidentielle, soit la plus prestigieuse de nos régates électorales ÷»
Merci Xavier pour la vidéo des éco-tartuffes. Votre article m’a beaucoup plu et m’a rappelé des souvenirs. En région parisienne je suis loin de la ville portuaire où je suis née. Je ne peux plus y aller pour raison de santé. Figurez-vous qu’au début des années 60 des ingénieurs envoyés par je ne sais quel ministère sont venus reconnaître le terrain pour y implanter une usine plastique ou de casseroles. Quelques temps plus tard c’est la construction d’un usine atomique qui est décidé sans la moindre information des élus du coin ni des habitants, « secret défense ». A partir de 62 les landes ont été achetés par la CEA à des prix très élevés pour la région, et les quelques 150 propriétaires ont pu négocier un travail dans l’usine ainsi que leurs enfants.
Port Racine le plus petit port de France, où nous allions te temps en temps. Sinon j’aime beaucoup entre autres ce tableau de Gustave Courbet.
Je m’intéresse un peu à l’histoire du XVIIe siècle, et je lis que la peinture marine est apparu à cette époque en Italie et aux Pays-Bas. Malgré un peu de retard en la matière, la France aura deux artistes célèbres: Claude Lorrain (1600-1682) et Joseph Vernet (1714-1789). A lire sur Peinture de Marine.
Joseph Vernet Intérieur du port de Marseille (1754) superbe!
bonsoir Causette les puzzles sont une de mes marottes je l ai 3000pieces dans une boite bien rangée
pour ma retraite …..
Bonsoir Asinus tenez cette belle bataille navale russo-turque de Sinop de Ivan Konstantinovitch Aïvazovski 😆 un puzzle de 220×331 ça le fait!