Nous avons déjà abondamment évoqué les différents problèmes politiques et philosophiques posés à la fois par le virage pris par Riposte laïque et la tenue récente des Assises contre l’islamisation.Si des féministes se sont retrouvées à y participer, c’est bien évidemment qu’elles jugent l’islam d’une extrême dangerosité pour la liberté et la dignité des femmes et qu’elles craignent de voir remises en cause des conquêtes difficilement acquises dans les démocraties occidentales.Toutefois, ces choix assez radicaux, notamment au niveau des alliances avec les identitaires ne sont pas appréciés, ni d’une partie de la gauche, ni d’un partie des féministes, notamment celles qui sont regroupées sous la bannière de proChoix avec à leur tête Caroline Fourest. Le numéro 54 de la revue : Alliances extrêmes contre « l‘islamisation » se livre à un attaque en règle essentiellement contre Anne Zelensky et ses choix, (avec, d’ailleurs, des arguments parfois très, très bizarres…)La LIDF a tenu à y répondre, voici une partie du texte qui montre que le féminisme a déjà été confronté à des choix de ce genre au cours de son histoire. On peut le trouver en entier ici.
Un bégaiement de l’Histoire.
La première concerne les « alliances douteuses ».
En 1865, au lendemain de la guerre de Sécession, les féministes jusque-là fidèles alliées des abolitionnistes, se voient signifier par leurs anciens amis, que la priorité est l’obtention du droit de vote pour les Noirs (les hommes, s’entend…), et que le suffrage féminin devra attendre. Elizabeth Stanton et Susan Antony qui avaient milité pour le droit de vote universel se rebiffent et décident alors de poursuivre leur combat, mais en plaidant pour un vote « éduqué » des hommes ou des femmes. Sans moyens, abandonnées par les libéraux, elles accepteront le soutien de Georges Francis Train, personnage flamboyant et conservateur, qui n’est pas partisan du vote des Noirs mais soutient celui des femmes. Alliance contre nature, s’écrièrent leurs amis les plus proches « tous nos amis, à quelques exceptions près sont sûrs que nous avons tort. Seul le temps dira » écrit Elizabeth Stanton, avec philosophie.
Elizabeth Stanton a 80 ans lorsqu’elle décide, malgré les mises en garde de son amie Susan Anthony, d’écrire ce qu’elle a sur le cœur depuis longtemps sur le contenu misogyne de la Bible. Le livre, «The Women’s Bible », va déclencher des torrents d’indignation quasi hystérique. À la convention annuelle de l’association qu’elles ont cofondée, une résolution est votée pour rejeter le discours « sectaire » d’Elizabeth Stanton, leur ancienne présidente, et prôner le respect de toutes les sensibilités religieuses. Bref, un terrible « vote de censure contre celle qui pendant un demi siècle avait joué un rôle de leader d’une pensée progressiste », comme le dira avec amertume Susan Antony à l’adresse des congressistes.
L’Histoire est sans doute un éternel recommencement.
Annie Sugier, Linda Weil Curiel ,Ligue du Droit International des Femmes
Lectures :7647
Je trouve ce rappel tout à fait passionnant et oblige à se poser la question de la hiérarchisation des causes. A cela il y a tout de même plusieurs réponses, et qui ne sont pas de même nature.
Il y a la question du possible : lorsqu’il est facile d’agir en faveur d’une cause légitime et très difficile d’agir en faveur d’une autre tout aussi légitime, la cause facile passe obligatoirement en premier par souci d’efficacité. Ca c’est pour ceux qui disent que la burqua c’est moins important que le chômage.
Il y a la question du plus grand nombre: la cause du grand nombre passe avant la cause d’une petite minorité. Cela peut être un argument : il y a plus de femmes que de noirs dans le monde.
Mais l’argument a aussi des limites : celles de la gravité de la discrimination ou de la souffrance. La très grande souffrance d’un petit nombre passe peut-être avant la petite souffrance d’un grand nombre…
Je ne suis pas convaincue par votre tentative (louable 😉 ) de chercher une explication rationnelle à la discrimination éternelle des femmes.
Les féministes vous diront « toutes » la même chose : quel que soit le sujet, la question des femmes n’est JAMAIS prioritaire, ce n’est JAMAIS urgent, ce n’est JAMAIS le moment, cela peut TOUJOURS attendre…
Ce n’est ni une question de cause facile, ou de plus grand nombre, ou de plus grande souffrance, non : c’est tout simplement qu’il s’agit de femmes…
@Colre
Je co-signe ce commentaire, ô combien.
Signé une représentante du « sexe faible »
J’aurais des dizaines et des dizaines d’exemples à vous donner de ce remarquable phénomène : pour les femmes, ce n’est jamais le moment, il y a toujours plus important ou plus urgent à faire…
Regardez, grâce à votre premier papier sur Annie Sugier, je suis allée regarder ses écrits sur le Qatar et le sport, et bien c’est pareil, amusons-nous :
Bruno Rebelle contre le choix du Qatar se récrie sur 2 points : d’abord la question écologique largement détaillée (c’est l’essentiel de son papier), mais au pire, il lâche :
« Mais surtout, on peut craindre que l’énorme chantier ne change pas grand-chose aux pratiques sociales dans les pays du Golfe… » là, on se dit, quand même, il va avoir un mot sur le traitement fait aux femmes… mais non, bien sûr ! voici la suite de sa phrase :
« …où la main-d’œuvre pakistanaise, indienne ou chinoise est surexploitée : salaires de misère, logements dans des conteneurs métalliques, véritables fours posés en périphérie des villes, négations des droits élémentaires. »
Quel tour de passe-passe extraordinaire de la part de cet homme, ce « penseur » qui a un angle mort dans l’oeil (les femmes…), aïe, ce qui doit être la raison de sa cécité… 8)
Colre, dans mon idée il ne s’agissait pas d’expliquer pourquoi la cause des femmes passait toujours après, mais plutôt au contraire de montrer que quels que soient les critères que l’on prenne, il n’y avait pas d’argument pour attendre. Bien vu pour Bruno Rebelle.
Bien sûr Léon 😉 , j’avais bien compris… L’explication a posteriori pour justifier que « ce n’est pas important et que ça peut attendre » est toujours pour moi une source de fascination à l’égard, au choix : de la connerie humaine ou de la mauvaise foi la plus crasse… (voire, des 2 en même temps !)
Encore un cas que je viens de lire, rigolo lui aussi tellement la technique anti-féministe est répétitive et sans imagination. Lisez le premier commentaire sur l’article du Monde par Annie Sugier (Non, le voile ou la polygamie ne sont pas des problèmes secondaires !).
Si l’on fait un article pour contester le voile ou la polygamie, que répond cette personne ? Je vous le donne en mille :
« Et pendant ce temps, la planète agonise »… 😀
On continue à s’amuser ?… 😀
Un autre exemple tout chaud… cela intéressera le Furtif, il y est question de la Tunisie. Il s’agit d’un long témoignage d’une féministe tunisienne, Neila Jrad. Elle rappelle :
Et pourquoi une telle mise à l’écart des femmes tunisiennes, malgré « leurs luttes, leur présence sur la scène politique, leur courage et leur combativité » ?
Eh, bien, là voili la voilà, l’explication : « parce que »…
Puisqu’on vous dit que ce n’est pas le moment… 8) 8)
Bien vu Colre
C’est le fil à plomb de l’histoire. Là où la situation des femmes n’avance pas c’est la démocratie qui se tire un balle dans le pied
Oui, Furtif, un autre témoignage sur la grande journée de manifestation des femmes en Tunisie qui montre que rien n’est jamais gagné dans le domaine de lutte des femmes pour leurs droits.
Cela me rappelle les immenses manifestations de femmes algériennes à la fin des années 80, encadrées par des foules d’hommes vociférants, injuriant et menaçants… Quand je pense à cet incroyable courage de ces femmes, au milieu du danger, et tant d’elles ont perdu la vie, ont été assassinées, violées, massacrées par les Islamistes dans les années 90… et que je vois ces pseudo-féministes à la Française, féministes en peau de lapin chez qui la lâcheté le dispute à la bêtise…
Cela me révolte.
Léon, je découvre ces textes sur Prochoix… 😯 je suis effondrée.
Comment ne pas ressentir une terrible lassitude face à l’avilissement permanent qu’on inflige aux valeurs féministes…
Ces valeurs qui devraient être portées en priorité par l’ensemble de la classe pensante ! cette classe intellectuelle et moraliste qui professe l’universalisme des droits de la personne humaine, à tous les niveaux du Droit international. Tous les pays, peu ou prou, ont signé au moins un traité, une charte, une déclaration qui donnent corps aux obligations juridiques d’un principe d’universalité.… TOUS.
Comment ne pas se récrier face à une hypocrisie planétaire à l’égard des droits des femmes qu’on agite d’une main, mais que de l’autre on bafoue, on discrédite, on raille.
Comment une féministe qui se déclare telle, quelle qu’elle soit, à gauche, à droite, en haut, en bas, d’ici, d’ailleurs… une féministe digne de ce nom, donc, n’inscrit-elle pas au premier chef de ses priorités et de ses combats sa dénonciation d’une discrimination qui va jusqu’à équivaloir à un esclavage des femmes ?!
Je ne comprends pas…
Ils sont surtout (presque) tous lamentables sur le fond. Bonjour le niveau des attaques. Et moi qui sait, en outre, de qui viennent certaines…
Oui… c’est dé-plo-rable… Quand je pense d’où vient Fourrest… 😯 je suis vraiment effondrée, presque découragée… tu quoque mi fili…
Les attaques basses sur les intentions cachées psychologisantes sont à gerber. Mais comment peut-on tomber aussi bas ?
J’appelle cela, non pas seulement de l’irresponsabilité et une abyssale connerie, mais de la trahison… 👿
Bah, pour ce qui concerne Anne Zelensky, elle en a vu d’autres et a le cuir épais. Je ne connais pas votre âge, Colre, mais dans les années 70 les empoignades au sein du mouvement féministe étaient terribles. Pensez quand même qu’Antoinette Fouque a déposé à l’INPI, en son nom la propriété du signe MLF, ce qui lui permettait d’en interdire l’usage par toute autre « tendance « que la sienne (« psychépo »)! Ca rigolait pas à l’époque…
J’ai un peu connu, mais les « empoignades », comme vous dites, n’étaient pas de ce niveau, c’était des querelles d’ego, des finasseries tactiques, des discussions – déjà – sur les « alliés objectifs », mais c’était surtout un mouvement pionnier, avec des ratés, c’est normal, et l’ensemble de la société « contre » le MLF et le tournant en dérision.
Il fallait avoir le feu sacré.
Là, aujourd’hui, on est sur-informé(e)s, il n’y a aucune excuse à trahir la « cause des femmes » quand on se prétend « féministe ». Ou alors, le mot est vidé de son sens… C’est la mode, vous me direz. Il faut se dire schtroumpf, ce sera plus clair…
Quand on pense que le foot, la télé, la coupe du monde, les chips et la bière, on été inventé pour les zhommes foutent un peu la paix aux femmes.
Quelle ingratitude.
Howard Zinn, dans son livre Une histoire populaire des Etats-Unis rappelait que dans l’Histoire de ce pays les femmes noires américaines étaient doublement victimes: du racisme et de la violence de leurs hommes. Dans une assemblée où les hommes prennent la parole pour dénoncer la ségrégation dont ils sont victimes, une femme se lève et les interpelle pour dénoncer les violences faites aux femmes dans leur communauté. (j’ai prêté ce livre, et ne peut pour l’instant retrouver ce passage).
Et que voyons-nous actuellement? Des gens se plaindre du racisme dont ils seraient victimes et dans le même temps prônait le port d’un voile/niqab et autres signes bien voyants pour leurs femmes pour bien les distinguer des autres femmes de la société dans laquelle ils vivent. Interdire à ses filles de fréquenter des hommes qui ne seraient pas de leur religion, n’est-pas une certaine forme de racisme? Je n’ai que mépris pour ces élus et autres personnalités de notre pays qui savent très bien que des religieux s’activent pour détruire petit à petit les principes de la laïcité et remettre en cause l’égalité homme/femme mais préfèrent faire l’autruche pour séduire d’éventuels électeurs. Et encore une fois je suis sidérée de voir que la gauche est à la ramasse, décidément ils n’apprendront jamais. Ou trop tard.
Bonsoir Causette
Excellente référence , j’ouvre au hasard et je tombe sur un des premiers combats de la ligue des institutrices
La lutte contre le licenciement pour cause de grossesse.
Si ce n’est pas là de l’oppression sexiste!
Page 385
À un congrès d’un syndicat de Tonneliers un délégué déclara que les femmes perdraient leur féminité en gagnant le droit de vote. Rose Schneiderman sut le remettre à sa place
page 391
Bonsoir Furtif, il faut que je relise ce livre. J’ai un doute, c’est peut-être dans l’autre livre: Le XXe siècle américain.
Au fait, puis-je suggérer qu’il y ait deux ou trois femmes écrivains dans le panthéon de Si nous lisions. Je n’ai cité que Louise Ackermann dans ma liste à offrir, mais je verrais bien aussi Hannah Arendt, Gisèle Halimi, Emly Brontë… pour celles dont les ouvrages ont retenu toute mon attention.
B’soir Causette, je crains d’être beaucoup trop vieux pour relire mes livres…Mais qui sait , il est peut-être urgent de m’y mettre.
Bonne nuit à tous.