Les 35 heures, faut-il le répéter, ne sont que la durée légale du travail, c’est-à-dire celle qui, lorsqu’elle est dépassée, déclenche le paiement des heures supplémentaires à des tarifs majorés.
Rappelons deux-trois petites choses à ce propos :
- La durée hebdomadaire réelle du travail calculée sur un an est, en France dans la moyenne européenne, pas spécialement plus courte qu’ailleurs sauf pour les pays les plus pauvres d’Europe. ( 38 h en France, mais 35,7 h en Allemagne ou 42,5 h en Grèce, mais 33,7h au Danemark.
- La question des 35 heures a, en France, deux implications : le coût du travail pour les finances publiques puisque ces 35 heures et les heures supplémentaires gérées par la loi TEPA sont subventionnées. Au total, en additionnant l’effet des deux, les allégements de charges se monteraient à 26, 5 milliards d’euros environ.
La deuxième implication concerne le coût du travail pour les entreprises: si l’on venait à ne plus le subventionner il augmenterait (toutes autres choses restant égales par ailleurs), du montant exact des subventions qui disparaîtraient.
De deux chose l’une, ou elles pourront le supporter au détriment de leurs marges bénéficiaires ( ce qui est globalement très peu probable) ou elles se verront dans l’obligation de réduire les salaires chargés d’autant. En gros, ceux qui travaillent 39 heures perdront la majoration de 4 heures supplémentaires par semaine, et ceux qui travaillaient au-delà des 39 heures les surmajorations qui y correspondaient.
Quant à ceux qui travaillaient 35 heures effectivement, va-t-on leur demander de travailler 39 heures pour le prix de 35, en s’asseyant notamment sur les RTT lorsqu’il y en a ? Il y a à l’évidence du côté de certains hommes politiques de droite [1] un côté provocation manifeste, purement idéologique, dans cette proposition. On a envie de leur dire : chiche ?
Quant à supprimer carrément la durée légale du travail et laisser les branches ou les entreprises le négocier, ou cela a été déjà fait sur la base des 35 heures en application des lois Aubry et restera donc sans changement, ou ces accords font référence non pas aux 35 h mais à la « durée légale du travail » et là on vous garantit du sport dans les entreprises. Il est d’ailleurs assez significatif de voir que ni les patrons de PME (s’exprimant par leurs organisations syndicales), ni les syndicats de salariés ne veulent en entendre parler.
Les employeurs sont, dans l’ensemble, bien conscients qu’en échange des 35h, les entreprises avaient obtenu des concessions comme l’annualisation du temps de travail, par exemple, sur lesquelles ils n’ont aucune envie de devoir renégocier…
Bref, on va nous amuser avec ça un certain temps et en pure perte !
En revanche j’aurais bien aimé que cette histoire des 35 heures, parce que leur mise en place n’a pas été étrangère à ce qui va suivre, débouche sur une réflexion qui me semble totalement absente du débat :
Lorsque l’on calcule la productivité horaire des Français (PIB annuel / nombre total annuel d’heures travaillées ) on obtient selon l’OCDE l’une des productivités les plus élevées du monde, elle serait en 5e position derrière la Norvège, l’Irlande, la Belgique et les Pays Bas.
Mais… C’est à mettre aussi en face : notre record mondial de consommations d’anxiolitiques, antidépresseurs et psychotropes divers.
Pourquoi personne ne s’est penché sur la question de savoir dans quelle mesure il pourrait y avoir un rapport entre les deux?
La productivité, en effet, est liée à trois facteurs principaux, les outils que l’on utilise, le niveau de formation, mais aussi l’intensité du travail, l’équivalent des cadences en milieu ouvrier.
Sans exclure les deux premiers facteurs, la productivité française ne serait-elle pas liée, ou moins partiellement, à une plus grande intensité du travail avec le stress qui lui est associé ?
Incontestablement, lors de la mise en place des 35 heures c’est bien ce qui s’est passé dans toutes les entreprises où on n’a pas embauché de travailleurs supplémentaires : de diverses manières on a obligé ceux qui étaient là à travailler plus vite et plus intensément, et ce rythme de travail est devenu une nouvelle norme.
La question de l’allongement de la durée du travail et de l’amélioration des autres facteurs de productivité se poserait alors dans des termes différents du point de vue de la santé publique. Et une diminution du temps de travail qui se traduit par une élévation morbide du stress et de la fatigue n’est pas non plus un progrès social…
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[1 ] ( Ne parlons pas du malheureux Manuel Valls dont le naufrage idéologique s’accélère de jour en jour…)
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Quelle belle colère !
Et même pour les amoureux de la calculette, qui va calculer le gain des activités économiques développées par ce « temps » gagné et dépensé, les entreprises qui marchent et se développent sur tous ces créneaux, avec effet boule de neige sur les secteurs en chaîne, et les nouveaux métiers, les embauches, la TVA qui rentre, les indemnités de chômage qui baissent, sans parler de l’espérance qui renaît et de l’optimisme qui conduit à la dépense, qui vide les bas de laine… ?
COLRE : Que penses-tu du sondage plaçant les français en tête : Champions du monde du pessimisme !
« On est les champions, on est les champions, on est, on est, on est les champions ! »
Bien joli de se foutre de la calculette, du déficit et des intérêts de la dette.
Creusons, creusons mes frères.
Ne regardons pas du côté de l’Allemagne qui fait de la rigueur budgétaire le fer de lance de sa conduite économique depuis des lustres, et qui bizarrement s’en sort bien mieux que nous. Allemagne devrait même payer pour tous les déficits des cigales qui l’entourent. Solidaires, nous dépensons à eux de payer.
Il y a bien une ENORME différence d’appréciation entre ceux qui se foutent de la calculette (facile) et ceux qui s’inquiètent des conséquences que les actions de tous ceux qui s’en foutent nous laissent.
Mon cher Buster, 🙂
Je n’ai aucunement envie de m’engueuler avec toi que j’aime bien…
La discussion est impossible, on n’est pas sur la même planète, on dirait. Tu défends la « rigueur budgétaire » et je te réponds qu‘elle n’existe pas pour les vrais privilégiés avec des tas de zéros (sauf sur leurs déclarations fiscales…)
« Que penses-tu du sondage plaçant les français en tête : Champions du monde du pessimisme ! »
Eh bien justement, c’est de cela aussi que je parle… l’irresponsabilité des politiques actuelles n’y est pas étrangère…
Mais bon, inutile d’en discuter en qques lignes : le désaccord est trop profond. 😉
Buster : je veux bien que l’on prenne l’exemple sur l’Allemagne, mais alors prenons-le sur tout et pas seulement sur ce qui arrange les idéologues de la droite actuelle dans leur démonstration : prenons par exemple leur taux de syndicalisation, le taux d’emploi des femmes, l’absence de crèches, le « multikulti », leur durée réelle du travail, leur TVA sociale, leur pratique du recyclage etc.
En outre, malheureusement, Buster, tu t’illusionnes en croyant que la calculette est un outil qui te permette de guider des choix politiques. Dabord parce qu’il y a toujours des ambiguïtés entre le court terme et le long terme, ensuite parce que, comme je l’ai dit à Colre, une partie de l’amélioration des conditions de vie échappe à la calculette. Et qu’en plus, il vaut peut-être mieux léguer à nos enfants un patrimoine collectif (dont ils seront souvent les premiers bénéficiaires) et des dettes, que pas de dettes et pas de patrimoine.
La question de la dette est complexe et ne peut être traitée comme ça en un ou deux slogans simples.
Qui parle de s’engueuler COLRE. Pas moi, jamais non plus avec toi, sauf pour te faire « marcher » de temps en temps. 😉
Au contraire il s’agit de comprendre les positions et de saisir ce qui les différencie.
L’approche « comptable » ou pragmatico-réaliste que je revendique et que j’assume parfaitement fait-elle de moi un insensible, un droitiste obsédé par l’appât du gain ?
Cette approche fait-elle que je ne tienne aucun compte des notions de justice, de qualité de la vie, de l’importance des loisirs, de la culture…
Je pense bien que tu ne soutiendrais pas cela.
Cette vision, que j’ai, me semble diablement plus inconfortable, plus désagréable à entendre, plus difficile à exprimer, que la vision idéaliste de certains qui voudraient éluder purement et simplement ces questions bassement matérielles.
Notre objectif est le même, pouvoir améliorer la qualité de vie, le niveau de vie, le plaisir de travailler ou de se distraire. Notre analyse des moyens pour y parvenir est TRES différente.
Bonjour Colre,
merci de ce commentaire, qui au dela des batailles de chiffres, de calculs de rendement, de productivité, etc…pose la question existentielle de savoir :
« comment tout cela se calcule -t’-il le long d’une vie humaine entre la naissance et la mort »
Je suis désormais sorti du monde du travail,et il est pour moi certain que la qualité de vie,le temps donné aux autres,celui que j’ai pour m’occuper de tant de choses
dont je n’avais pas le temps, est essentiel et au dessus des considérations de fric.Pour rejoindre ta réflexion je pose souvent la question dans ce petit village que j’habite,de savoir
comment se calcule,la paix,la tranquilité,le silence,la convivialité,le bien vivre avec ses voisins,les échanges de services en fonction des capacités de chacun sans que cela
ne soit monnayé…et tout cela je le vis comme un rêve, mais parfaitement éveillé 😉
Bonjour Lorenzo, 🙂
Non, tout cela ne se « calcule » pas, en tout cas pas avec les calculettes des économistes formatés.
Car bien sûr que le bien-être se mesure, et même en termes économiques ! mais il faut des clefs adaptées.
Quelle est la « productivité » d’une aide à domicile, par exemple, payée en partie par la Sécu ? quel doit être son « rendement » ? combien de temps doit-elle passer chez sa/son patient(e) ? combien de « patients », d’ailleurs, par jour ? combien de temps dans les transports ? pour quel salaire ?…
Qui peut me répondre en termes de productivité ?
Colre,
Un exemple pour illustrer ton propos.L’unique médecin du village ici est un fonctionnaire payé par l’état.Il consulte au cabinet, puis se rends au chevet de ceux qui ne peuvent se déplacer.Le nombre de patients est variable chaque jour, et il adapte le temps qu’il consacre á chacun en fonction de la gravité des problémes de santé á traiter.Pour avoir souvent discuté avec lui, il m’a expliqué qu’il avait le temps de faire de la pédagogie et de la médecine qu’il qualifie de préventive en prenant le temps d’expliquer comment on peut éviter de possibles problémes de santé, au cas par cas. Il a définitivement un rôle éducatif, et considére que ce rôle est aussi important, sinon plus que de délivrer des ordonnaces á but curatif.
Finalement n’est t’il pas plus éfficace sur la santé de ses patients á long terme, en ne se préocupant pas du rapport temps/patient qui voudrait qu’il traite
chaque personne dans un souci de productivité ❓ 😉
Avec quelle calculette peut on quantifier le rapport de confiance qu’il a établi avec l’ensemble des habitants du village ❓ 🙂
Très bon exemple, Lorenzo !
Mais une étude complète pourrait mesurer l’efficacité globale de ce médecin…
La bonne santé (à long terme) de la population, qui rejaillit sur les comptes public de la Sécurité, qui rejaillit sur d’autres secteurs mieux remboursables, qui rejaillit sur les budgets des familles, qui rejaillit sur de moindres absences en journées-maladie, qui rejaillit donc sur les jours travaillés, qui rejaillit sur la bonne marche des entreprises qui ont moins d’absentéisme, qui rejaillit sur la confiance des gens, plus optimistes, qui dépensent plus, qui font tourner l’argent, qui produisent alors des surplus de taxes à chaque déplacement d’un euro, qui rejaillit donc sur les comptes publics, qui rejaillit enfin sur le bien-être, la solidarité, sur l’exemple éducatif de la parole et de l’explication, qui rejaillit sur la qualité d’instruction des futurs adultes, qui… qui… qui…
C’est cette longue chaîne (vertueuse) des actions et réactions bénéfiques qui doit être MESURÉE, et non les sempiternelles formules (slogans, dit Léon) censées expliquer la dure loi des caisses vides et des déficits…
Colre,
c’est exactement cela que je voulais induire avec cet exemple 😉 de son action découle cette suite de véritables bénéfices en cascade qui rejaillissent á tous les
niveaux de la chaîne que tu décris 🙂
» Le déficit c’est de l’investissement à crédit » écrit Philippe
Il y a belle lurette que les déficits sont trés supérieurs aux dépenses d’investissement. Les pays comme la France s’endettent aujourd’hui pour couvrir leurs dépenses courantes et le remboursement de la dette antérieure. Comment pouvez vous imaginer que cela soit sans fin alors que nous sommes en plein dans la spirale du « revolving » ? Un jour ou l’autre, comme la Grèce nous ne trouverons plus personne pour nous prêter. Ce n’est pas là une considération de droite ou de gauche..
Je rigole d’ailleurs doucement à l’idée que cette épouvantable » logique comptable » va bientôt nous être imposée par D.S.K. 😆
Oui Snoopy, mais l’endettement est un choix de financement et non un choix de dépenses ! les gouvernements qui ont choisi de financer par l’emprunt au lieu de le faire par l’impôt en portent la totale responsabilité et ce sont plutôt des gouvernements de droite : le choix du financement par l’emprunt libère de l’épargne qui permet d’assurer à ces épargnants une rente sur l’Etat sans grand risque et souvent bien rémunérée.
Mais oui, on risque bien d’y avoir droit.
Nous sommes bien d’accord Léon 😆 et la politique des gouvernements de droite en la matière a largement contribué au problème. Ce qui est grotesque c’est d’accuser son banquier quand on a vécu au dessus de ses moyens et qu’on ne peut pas rembourser son crédit-revolving 👿
La rente « sans risque » , pas si sûr …. Actuellement, investiriez-vous vos économies en bons d’Etat grecs ou portuguais ? Moi pas …
Que le maître d’oeuvre soit de gauche ou de droite on s’oriente inéluctablement vers la réduction des dépenses publiques ( y compris les dépenses sociales ) et la hausse de la fiscalité . C’est sur ce dernier point et celui-là seul que se trouvera la différence entre une politique de droite et une politique de gauche : comment sera réparti l’effort ?
Comme d’habitude chacun, moi le premier, trouvera plus juste de faire payer le voisin 😆
Et puis, qu’est-ce donc que l’investissement ? C’est un acte qui portera ses effets dans l’avenir et non dans le présent.
Alors dans les comptes de la nation, qu’est-ce qui est fonctionnement et qu’est-ce qui est investissement ?
Les dépenses d’éducation, les dépenses de santé, la recherche scientifique et le développement et même les dépenses militaires ou l’aménagement du territoire n’ont-ils pas des effets dans l’avenir plutôt que dans le présent ?
Ces chiffres de déficit des comptes publics, qui additionnent choux de fonctionnement et carottes d’investissement, ne sont que des trompe-l’œil commodes, qui ne sont mis en avant que pour justifier la politique néolibérale de réduction des dépenses publiques pour des motifs idéologiques et politiques.
Je sais Philippe, l’argent existe il suffit de le prendre là où il est 😆 😆
A votre âge vous y croyez encore ?
Tout faux Philippe.
Au contraire.
A l’inverse.
Les motifs idéologiques et politiques sont des leurres (Oops Pardon, certains mots deviennent difficiles d’emploi !) que vous brandissez avec maestria et dextérité.
Je suis pour ma part persuadé, convaincu, que l’approche pragmatique et réaliste (financière, comptable, budgétaire…) est la seule qui pourra permettre de continuer des avancées sociales. Il m’est donc assez désagréable de voir toujours les mêmes prôner de beaux montages parfaitement idéalistes et utopiques, ne pouvant conduire qu’à déconvenues, désillusions et déceptions (quand ce n’est pas à clivages violents et artificiels)
Soyons polémiques :
Vous me faites penser à ceux que vous décriez par ailleurs et sur d’autres sujets, des Cabanel … (c’est violent, je sais). Vous acceptez de vous aveugler sur les réalités au nom d’une idéologie égalitariste qui revient à préfèrer que tout le monde soit dans la peine plutôt que d’accepter comme bénefique que le niveau général progresse, y compris avec certaines inégalités (régulées et bornées).
Les meilleurs défenseurs du pouvoir d’achat et des avnacées sociales sont ceux qui savent compter, qui ne dépensent pas avant d’avoir budgété, qui ne confondent pas investissements et charges récurrentes.
Bref la gauche est un leurre pour gogos, la droite bling-bling et ultra capitaliste est une aberration désastreuse.
Comme toujours la vérité est quelque part au milieu.
Buster,
Mon approche ci-dessus (post de 13h30) est strictement économique et comptable (au sens de la comptabilité nationale). Il s’agit d’une remarque technique, dans un domaine que je crois connaître pour le pratiquer depuis quarante ans.
Trouvez-moi UN argument sérieux qui contredise mon raisonnement, et nous parlerons ensuite politique !
Les charges liées aux 35 heures ne peuvent absolument pas et au grand jamais être prises pour des investissements.
Elles sont des charges croissantes, à tendance exponentielle quand les déficits atteignent les niveaux où nous sommes et que la seule charge du paiement des intérêts de la dette nous pose des problèmes.
Sans même en arriver à envisager le remboursement de la dette elle-même.
Seulement essayer difficilement d’en réduire le montant en étalant l’abaissement du déficit sur des années pour éviter de trop forts soubresauts.
« Les charges liées aux 35 heures ne peuvent absolument pas et au grand jamais être prises pour des investissements. »
Où ai-je dit ça ? Bien sûr que non ! 😀
Mais « croissance exponentielle« … vous faites de l’économétrie ? 😀
J’ai remonté le fil pour rechercher, j’étais persuadé que l’un ou l’autre l’avait dit, erreur. Dont acte.
Mais tu dis :
Un déficit est un pari sur l’avenir, un investissement à crédit…
Or cela revient un peu au même quand on sait que ces charges participent pour une part non négligeable à ce déficit .
Si le déficit français n’était qu’un investissement, et pour réserve qu’il ait été judicieusement choisi et correctement estimé, tout irait à peu près bien.
Mais nous n’en sommes plus là depuis belle lurette.
Nous finançons depuis des années, par le déficit, des dépenses structurelles et des charges récurrentes. Cela n’est pas sain, c’est même suicidaire et nous ne sommes plus très loin du moment où une nouvelle mesure de ce genre (du genre des 35 h en terme de coût pour l’économie) équivaudra à envoyer un valser le tabouret sur lequel nous sommes grimpés, avec la corde autour du cou.
Dépense publique en France en 2010: 56% du PIB
Qui peut croire un instant qu’on ne va pas être contraints à la réduire ?