A l’instar des vieux ports en déshérence, Douarnenez est une ville qui n’a pas cédé grand chose au modernisme, sauf à son mauvais goût.
Il y a 86 ans, c’était une fière cité ouvrière qui vivait presque exclusivement de la sardine, et plus généralement de la transformation des produits de la mer. Les sardineries régnaient en maître au côté des ferblantiers.
En 1924, un mouvement de grève voit les ouvrières de l’usine Carnaud lâcher le turbin en plein milieu de la journée pour revendiquer 1,25 franc de l’heure au lieu de 80 centimes.
Les patrons qui n’ont rien vu venir malgré les revendications récurrentes jouent le pourrissement du mouvement. Les sardinières décident d’installer sous les Halles une cantine ouvrière improvisée.
Le maire de l’époque, Sébastien Velly est communiste, ce qui est déjà en soi un exploit puisqu’il s’agit du premier. Élu en 1920, c’est fort logiquement qu’il soutient ce mouvement social.
Un Comité de grève, mené par Charles Tillon et Daniel le Flanchec, se monte et presque quotidiennement, des manifestations sillonnent les artères de la Ville au chant de l’internationale.
Face aux gendarmes qui n’hésiteront pas à charger à certains endroits, les ouvrières des sardineries font front et ne désarment pas. Quarante jours de harcèlement pour arracher quelques maigres avancées.
Le déclin de Douarnenez a commencé au milieu des années soixante, avec le recul de la pêche hauturière qui voit les premiers désarmements de thoniers et de langoustiers.
L’industrie sardinière continue cependant de porter l’économie de la ville jusqu’au seuil des années 80.
La crise frappe là ensuite plus qu’ailleurs, et faute d’avoir su se reconvertir, Douarnenez choisit de prendre le train de sénateur, laissant le vent et l’humidité faire subir les derniers outrages aux carcasses de langoustiers engluées dans ses vasières.
Pour ne rien arranger, le taux de croissance de ses emplois est le plus faible de l’ouest et sa population y est plus vieillissante qu’ailleurs en Bretagne.
Malgré ce sombre tableau, je ne crains jamais de revenir à Douarnenez à chaque fois que cela m‘est possible, ne serait-ce que pour revoir sa plage de sable blanc ou pour traîner du côté des conserveries, faire le plein d’oméga 3.
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Merci Yohan pour cet article.
Des passés comme ceux de Douarnenez nous rappellent qu’il a fallu des combats durs et longs pour que les salariés arrachent aux patrons ce que ceux-ci et leurs marionnettes politiques appellent maintenant avec dédain des « acquis ».
yep Yohan , yep
Ce qui fut fait à ceux des miens
Qui fut exigé de leurs mains
Du dos cassé ,des reins vrillés
Vieille à trente ans, morte à vingt ans
Quand le regard avait pour age
L’age qu’on a pour vivre clair
Ce qui fut fait à ceux des miens
Pas de terre assez pour manger
Pas de temps assez pour chanter
Et c’est la terre ou c’est la mer
Le travail qui n’est pas pour soi
La maison qui n’est pas pour toi
Quatorze pour les rassembler
L’armistice pour les pleurer
L’alcool vendu pour les calmer
Un peu d’amour pour commencer
Quelques années pour s’etonner
Quelques années pour supporter
je ne peux le pardonner
e guillevic
ah que de romantisme le soir quand dans le lit conjugal se retrouvaient le pêcheur et la sardinière,que de senteurs marines mêlées à celles du poiscaille ,elle qui rêvait de maquereaux et lui de moules pour changer du quotidien !
Merci Yohan
C’est l’histoire que tu racontes celle du sang et des larmes pour gagner le droit à la survie que d’aucuns moqueront en parlant des Zaquissociaux.
Sardinière ?
Le mot évoquait surtout pour moi un plat en faïence, un objet publicitaire d’époque (vers 1900) que je conserve précieusement (un héritage) en souvenir de ma grand-mère qui y tenait « comme à la prunelle de ses yeux ».
Le petit poème qui y était inscrit me ravissait :
» Il pourrait arriver qu’en cette sardinière
On servit sans façon le poisson d’un confrère,
Mais pour les délicats point n’est besoin des yeux,
Ils goutent : ce n’est pas du vrai « FRERES AMIEUX » »
Sardinières ?
C’est bien autre chose !