LA CLASSE VERTE de Benjamin Pitchal
C’est le premier livre d’un jeune écrivain trentenaire.
J’ai lu avec un grand intérêt et beaucoup d’émotion le texte dense, riche en témoignages sur « la génération Y » avec le basculement d’une grande partie des adolescents dans l’addiction, avec toutes les difficultés qu’ils ont eu à se construire malgré les combats et les victoires héritées de la génération de leurs parents.
Je m’interroge tout d’abord sur le choix du titre. Ferait-il allusion à la plante dont il est question dans de nombreux chapitres du livre ?
Sous la forme d’une sorte de journal recouvrant les années d’adolescence jusqu’à la trentaine, le récit authentique de Benjamin Pitchal nous renseigne sur les failles et les lâchetés des années précédant la naissance de son père au début du XXème siècle, de celles ayant suivi mai 68 malgré les progrès dans le monde du travail, des lois et dans la société. Il décrit l’égoïsme et les dérives des adultes appartenant aux milieux privilégiés (argent plus culture et/ou politique) comme on a pu le découvrir chez Beauvoir et Sartre après leur disparition avec l’exploitation sexuelle des étudiantes par le couple, chez certains élus ou personnalités du monde du spectacle plus récemment.
De plus, avec un témoignage unique à ce jour, il nous apporte un regard « en direct » sur les trafics, l’usage des stupéfiants depuis le milieu des années 90 dans tous les collèges et les lycées même privés-catholiques et sur le désastre auquel une grande partie des cadres de l’éducation nationale et des élus ont participé activement en défendant leur carrière, en banalisant les usages sans jamais s’engager dans une action quelconque de prévention.
Un certain nombre de pays européens comme l’Allemagne protègent les adolescents des trafics et dealers qui sont sortis définitivement des établissements contrairement à la France où ils sont renvoyés d’un établissement à un autre, ce qui leur permet de poursuivre leurs délits et crimes en toute impunité.
L’évocation des poètes, écrivains et artistes surréalistes dont certains avaient été édités par le grand-père agit comme une bouffée d’oxygène au milieu des descriptions enfièvrées des trajets de l’auteur et de son copain de lycée, tous deux mineurs, vers Amsterdam. Il cite Eluard, Dali, Bellmer, Arp, Benjamin Péret, Artaud.
Sous couvert de vie « festive », d’épanouissement personnel et de libération des mœurs, les adultes décrits par Benjamin Pitchal n’ont pas su aborder la violence vécue par les jeunes dans une société finalement pas si ouverte ou évoluée en humanité que celle qu’ils ont cru ouvrir vers les libertés mais surtout pleine de lâchetés sur la question des violences sexuelles ou autres faite aux femmes et aux hommes, sur la question des crimes sexuels et maltraitance sur les mineurs, de la diffusion des drogues dès l’âge de 12-13 ans en France conduisant d’une manière précoce à l’addiction au tabac et à l’alcool d’une bonne moitié des jeunes, de la confrontation des enfants à la pornographie menant à des conduites de prostitution chez de très jeunes adolescents, sur les questions de la pauvreté, de l’assujettissement à des groupes ou à des gourous et des dérives religieuses aux conséquences graves.
Il montre aussi comment la grand-mère devient le refuge à la demande des parents découvrant son activité illicite et son addiction mais aussi comment cette femme y participera plus tard en lui remettant un gros chèque alors qu’il lui confie ses ennuis, ses dettes envers une tête du réseau.
J’apprécie chez Benjamin Pitchal ses portraits très bien ciselés – le terme se réfère à un art, la sculpture -, pour ce texte à la fois reportage, journal intime, étude anthropologique, documentaire très fourni et j’ajouterai avec une grande qualité, la générosité.
Je trouve malhonnête que le chroniqueur du Monde fasse ressortir le patronyme du grand-père alors que le jeune écrivain est certainement plus courageux et méritant que cet homme ayant été défaillant sur tous les plans.
Il n’est pas une référence masculine fiable du fait de son manque de loyauté à l’égard des femmes, de la progéniture qu’il a abandonnée ici et là mais aussi parce qu’il est incapable de prendre en compte la descente aux enfers qui conduira son petit fils en prison. Il l’incitera à sécher les cours sans chercher à comprendre d’où vient sa démotivation et à boire de l’alcool en quantité non négligeable pour un mineur. http://www.lemonde.fr/livres/article/2018/05/09/ce-qu-heriter-d-alain-gheerbrant-veut-dire_5296402_3260.html
Et si l’adolescent à la dérive, c’était plutôt ce grand-père célèbre connu des écrivains qui croyait que l’absence n’aurait pas de coût et rêvait sur ses vieux jours d’être entouré par ceux qu’il avait abandonnés ?
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Merci Dora,
C’est tout à fait anecdotique, mais…
Je n’avais jamais fait le rapprochement entre le Gheerbrant explorateur et l’éditeur Gheerbrant !
Me voilà moins bête, mais très dubitatif !
La référence au surréalisme ??
L’exploitation sexuelle des jeunes sous couvert de vie festive…
Cet article manque de netteté
« cet homme ayant été défaillant sur tous les plans »: ma remarque fait référence à la saga familiale qui occupe une grande partie du livre et non pas aux différentes activités ayant marqué la vie de son grand-père. Le basculement du lycéen vers une activité mafieuse s’explique par la nécessité de financer sa consommation de cannabis. Sauf s’il cultive lui-même, chaque usager se lève le matin avec la préoccupation de l’argent et du produit à acheter, même s’il n’a que 12 ans. Il n’a plus aucun projet en-dehors de celui de satisfaire son addiction. Pourtant, les parents de Benjamin Pitchal semblent concernés par le problème et tentent de poser quelques limites, de dialoguer avec lui sur ses choix d’orientation.
A l’époque où l’auteur raconte comment il a commencé sa dégringolade, il n’existait pas vraiment de structures d’accueil pour accueillir et conseiller les parents, être disponible pour les usagers mineurs en priorité. Cinq Maison de l’Adolescent comme la Maison de Solène à Paris seront financées durant les années 2003-2005 pour toute la France, avec en plus un numéro d’appel téléphonique spécialisé sur l’addiction au cannabis – souvent saturé – alors que chaque année, plus de deux mille tonnes de résine de cannabis affluaient dans les quartiers et les villages les plus isolés. Voler les parents et quand les grands-parents ne lâchent plus de billets, il n’avaient pour seule solution que les équipées vers Amsterdam, l’Espagne ou le Maroc. Le ministre de l’intérieur hollandais avait décidé de fermer les coffee-shops proches de la frontière, les Français étant devenus persona non grata à cause des désordres qu’ils occasionnaient en état d’ivresse cannabo-alcoolique. Dans les années 1998-2005, un doublement de classe sur deux était lié à cet usage. Les addictions qu’il a entraînées – alcool plus tabac, y compris chez les adolescentes qui fumaient beaucoup moins que les garçons auparavant, auront sans aucun doute des conséquences sur le plan de la santé pour cette génération.
Dans les services de néo-natalité, une étude sur un grand nombre de services hospitaliers révèlera que une mère sur deux était positive au test du THC!
Hello !
Dans le livre de benjamin Pitchal, on découvre que ce sont des Marocains qui détiennent la vente de cannabis en Hollande. On imagine qu’ils se sont précipités sur le filon du cannabis soi-disant médical. Dans toutes les soirées, les parents partis en week-end ou étant invités par leurs enfants dès l’âge de 13-14 ans à s’absenter, quand ce n’est pas un copain de leur âge c’est un adulte de 25-35 ans qui est présent pour prendre les commandes, la casquette vissée sur la tête pour ne pas apparaître à visage découvert sur les photos des smartphones. Ne pas parler à ses enfants dès l’école primaire de la circulation des drogues, de l’assujettissement, de l’action poly addictive du cannabis (un fumeur de joint devient un alcoolisé fumeur de tabac du fait de l’action poly addictive du THC, molécule active du cannabis) entraînera chez les jeunes une cascade d’ennuis : fréquentation de dealers qui les guettent au coin de la rue, dans leur club sportif, au sein même de leur école, revente et risque de passer un jour au tribunal, difficulté à suivre les cours, échec scolaire et/ou affectif, désinhibition, santé etc..
« Consulter la science pour protéger », « ne pas oublier que pour le tabac et l’alcool, avec l’augmentation du nombre de cancers et de pathologie graves, ce que rapportent les taxes est loin de couvrir le coût médical et sociétal des addictions à ces deux produits ». William Lowenstein Médecin addictologue, Eric Poulliat Député LREM de la Gironde corapporteur de la mission parlementaire sur l’usage des stupéfiants, Nicolas Prisse Président de la MILDECA (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives)
Comme souvent, les trois invités méconnaissent une des effets graves du cannabis : il rend accro au tabac et à l’alcool, c’est un produit poly-addictif qui cumule la toxicité des 3 produits comportant plus de 60 substances toxiques!
Cannabis : une jolie plante aux effets vachards!
La première commission d’enquête date de 2003. Lancée sous l’impulsion d’un syndicat de médecins, elle n’a pas vraiment débouché sur un budget sérieux pour la prévention…