Les poches d’Avril

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Avril 45 voit la fin d’une étrange bataille . Dispersée en plusieurs lieux elle fut le cadre de combats sans merci parfois et ailleurs d’une rédition sans combat. Au bout du compte qui se souvient des poches et de ceux qui s’y trouvèrent coincés ?

Une seule certitude : l’histoire officielle ne s’est pas mise en frais pour eux .

Et pourtant…..

Avant de réaliser la jonction à Montbard le 12 Septembre

 

http://www.histoire-et-philatelie.fr/images/002_2eme_guerre/24_nov-44-mai-45/front-general-12-sep.jpg

En dépit de  leur supériorité momentanée les armées de Normandie sont restées bloquées deux mois . La « poche de Falaise » n’est pas une réussite complète malgré l’encerclement. Les Allemands se retirent et les armées alliées se déploient dans un trop vaste et trop large éventail .

Vers la Bretagne , vers la Loire, vers l’Est et le Nord. Une telle multiplication d’objectifs multiplie d’autant les difficultés logistiques. La supériorité des moyens risque de manquer à moyen terme et faire dangereusement défaut quand comme Rommel en Lybie la Wehrmacht va décider ,après un recul de 500 km ,faire front après s’être reconstituée et rééquipée.

Le choc vers la ligne Moselle, Meurthe Vosges risque d’être dramatique .

C’est cet espoir qui éclaire la décision de l’OKW de priver les alliés des ports nécessaires à leur approvisionnement . La décision d’établir des poches de résistance sur les cotes ouest de la France est pleinement justifiée. Le succès de leur maintien pendant 8 mois jette un froid sur la prétendue ambiance de fête permanente de cette période , légende entretenue dans les familles on ne sait pas vraiment par qui ni pourquoi…..L’ignorance devant y jouer pour beaucoup. Un des principaux faits ignorés ou insuffisamment transmis est le manque d’effectifs dans le camp allié. Qu’aurait-on fait de milliers d’hommes supplémentaires sans le moyen de les équiper et les nourrir ? Il y avait là une nasse dans laquelle beaucoup de stratèges allemands espéraient prendre Eisenhower .

 

Il aurait donc fallu réduire ces fameuses poches .

Mais dans quel but, si c’était pour récupérer comme à Cherbourg des installations complètement détruites ?

Heureusement le débarquement de Provence du 15 Août vient déjouer le plan allemand. L’OKW doit évacuer tout ce  qu’il peut et aussi vite qu’il peut toutes les troupes du Sud de La France.

Tout le grand quart Sud Ouest des troupes d’occupation doit vite foncer vers la Bourgogne pour éviter d’être pris au piège. Harcelés par les résistants de plus en plus encadrés et équipés par les SOE , bombardés sur toutes les routes, privés d’essence et de matériel roulant, cette part de la Wehrmacht est réduite souvent à une situation bien pire que les troupes qui ont eu à combattre les armées alliées.

En outre Patton s’acharne à détruire toutes les réserves d’essence qu’il rencontre.Ce dernier s’aventure tellement qu’il doit se contenter de la couverture des maquis pour le flanc Sud de la troisième armée.

On aboutit finalement à la fermeture du Goulet vers Autun / MontBard . On ne passe plus la « colonne ELSTER » doit se rendre

Les combats autour d’Autun

(Je vous invite à lire cet ensemble de texte qui entretient la mémoire de gens injustement oubliés)

 

Les désillusions de Septembre Elles sont multiples et contradictoires

Nombreux sont ceux qui souffrent de ne pas avoir intégrés les deux branches armées Ouest et Sud de la libération nationale. Déception amère qui s’ajoute à la conscience très aiguë d’avoir participé à la défaite et à la capture de nombreux éléments de la Wehrmacht. Si ce n’est les Sten des maquis Grandclément du Sud Ouest , un armement dérisoire et des vélos constituent l’essentiel des moyens. Bien sûr le vide entre les deux axes alliés se réduit peu à peu , mais au départ combler le vide béant entre la Dordogne et le Lyonnais .

Il fallait y croire.

Alors on s’avisa de ces combattants avides d’en découdre. Le malheur pour eux n’était pas le caractère hétéroclite de leur équipement et de leur armement mais surtout l’hétérogénéité parfois contradictoire de leurs motivations. On trouvait côte à côte d’authentiques résistants ayant risqué leur peau dans des opérations héroïques mêlés à des spécialistes du défilé en tractions-avant fusil de chasse à la fenêtre avec du genre manieur de ciseaux qui connaissait quelqu’un qui connaissait quelqu’un .

On les mit en caserne et on les embarqua dans un drôle de voyage. Marches , entraînement, corvée de chiottes dans des baraquements qui avaient connus des réfugiés espagnols voire des juifs raflés et………..

«  Ah vous voulez combattre les armées allemandes » ?

«  Bin vous allez être servis »

De Lattre ne les prit pas tous loin de là et Leclerc sous la vigilante tutelle de Patton encore moins . On ne s’improvise pas tankiste. Quelques uns réussirent à s’intégrer et de la Lorraine à Besançon goûtèrent hardiment aux joies des marches de nuits dans la neige, aux pieds gelés, aux éventrations par les mines et les nids de mitrailleuses embusquées.

De Metz à Belfort les autres ne reculaient plus

Pendant ce temps , dans les villages , les « corbillard( s) de Jules » revenaient…..sous la pluie et la neige parfois . Cet hiver 44 /45 fut un des plus sinistres. Les enterrements perturbaient souvent les kermesses les fêtes et les bals de la libération. Alors pour éviter de fâcheux télescopages on enterrait dans la retenue et la discrétion… « citoyenne »

.

Nous étions en Septembre les poches étaient toujours là.

Comme une sorte d’obstination malveillante à ne pas vouloir admettre.

De septembre 1944 à avril 1945,dans les différentes poches

Le Médoc, pointe de Grave

Royan,

La Rochelle,

Lorient,

Saint-Nazaire

et Dunkerque,

La Wehrmacht aligne toujours 92 500 soldats, 1 500 pièces d’artillerie et 1 700 ouvrages bétonnés.

Pour tenir l’ensemble de ce front, l’armée française engage des forces issues principalement de la Résistance intérieure ( Armée secrète, FTP : Francs-tireurs et partisans, ORA :Organisation de résistance de l’armée), ainsi que quelques régiments de troupes françaises régulières, sans oublier quelques unités alliées comme la brigade blindée tchèque Liska et la 66e DI américaine.

On ne peut éviter de dire que beaucoup auraient voulu être ailleurs. Que pas mal ne voulaient pas y être du tout ( la légende noire de la résistance a son chapitre «  poches de l’atlantique » Le Général de Larminat , lui sait très bien pourquoi il est là , sa fâcherie violente avec De Lattre à Marseille en est la cause

L’ensemble représente 88 558 soldats français et 30 000 soldats britanniques, tchèques et américains, soit un total de 118 558 soldats alliés, soutenus par un millier de pièces d’artillerie, plusieurs centaines de chars et d’avions, un nombre appréciable de navires principalement français.

 

Allemands

92 500 soldats,

-1 500 pièces d’artillerie et

-1 700 ouvrages bétonnés.

Alliés

Français

-Armée secrète

-FTP francs tireurs partisans

-ORA organisation résistance armée

-quelques régiments troupes régulières

88 858 soldats

Alliés

-Britanniques

-Brigade blindée tchèque Liska

-66è division US

30 000 soldats

-un gros milliers de canons

-plusieurs centaines de chars et avions

-surveillance côtière et appui feu par des navires français.

Au Medoc

4000 soldats

110 canons

161 blockhaus

Brigade Carnot du colonel Milleret

13 000 h

Secteur de Royan

-5 500 soldats allemands,

-200 canons et

-349 blockhaus ( 1500 autres soldats allemands et italiens),

23 751 h division Gironde Général Anselme
Secteur de la Rochelle

-16 000 soldats allemands,

-200 canons et

-200 blockhaus dans la poche de La Rochelle ;

Oléron

-40 canons et 60 blockhaus dans l’île d’Oléron

-26 613 h division Charente colonel Chêne

– 6370 h brigade d’Oléron général Marchand

Secteurs Saint Nazaire

Lorient

Dunkerque

  • – 67 000 soldats allemands,
  • – 950 canons
  • – 930 blockhaus

-110e régiment d’infanterie du lieu-tenant-colonel Lehagre,

-la 19e division d’infanterie des généraux Rollins et Borgnis-Desbordes,

-diverses unités FFI bretonnes non endivisionnées,

-sans oublier des troupes britanniques et la brigade tchèque Liska (secteur de I )unkerque), enfin la 60e DI américaine (secteurs de Lorient et Saint-Nazaire

 


La Poche du Médoc Pointe de Grave

Dans le Médoc, après une longue guerre de position conduite dans les pires conditions climatiques par la brigade Carnot, l’offensive française débute le 14 avril 1945.

Brigade Carnot

(Je ne peux manquer de rappeler les mémoires d’un combattant de ce secteur que son fils nous a confiées. Il nous y a dit combien cette période fut la source de bien des amertumes ).

Faut que je les retrouve.

N’oublions pas qu’avant l’assaut d’Avril un triste Automne et un sinistre Printemps de piétinements sans gloire ,mais non sans danger, ont vu dans ce secteur se multiplier les tombes. La résistance allemande, âpre et tenace , n’est brisée qu’après sept jours de combats acharnés alors que Berlin est déjà encerclé par les Russes. Certains soldats français se sentent inutilement sacrifiés alors que , maintenant, la rédition de l’Allemagne nazie est toute proche . Blockhaus après blockhaus les deux camps n’épargnent pas leur détermination .

Les français laissent sur le terrain 400 morts et 1000 blessés

Les allemands eux près de 700 morts et plus de 3000 prisonniers.

La Poche de Royan

En face , Royan tient cinq jours (14 au 18 avril 1945)  On compte de lourdes pertes des deux côtés:

150 tués, 700 blessés et 10 disparus chez les Français,

900 tués ou disparus et 4 600 prisonniers pour les allemands.

En sus des pertes militaires et avant l’assaut d’Avril

Le 5 janvier 1945, deux raids menés par 300 avions britanniques rasent 85% de la ville. 489 personnes sont tuées (dont 47 soldats allemands). La florissante station balnéaire d’avant-guerre est en ruine, et elle n’est même pas libérée de l’occupant allemand, puisque aucune offensive terrestre ne suit l’attaque aérienne. https://rue89bordeaux.com/2015/04/la-liberation-des-poches-de-latlantique-un-grand-gachis/

Les opérations de la Pointe de Grave et de Royan seront le théâtre d’un exercice d’un genre nouveau.

L’opération « Vénérable » est l’occasion pour l’armée américaine de tester une nouvelle arme, rappelle Stéphane Simonnet :

« Le réduit de Royan est bombardé avec des centaines de milliers de litres de napalm, nouveau liquide incendiaire utilisé pour la première fois. Les blockhaus ne sont pas détruits, mais les effets sont spectaculaires. »

https://rue89bordeaux.com/2015/04/la-liberation-des-poches-de-latlantique-un-grand-gachis/

La conquête de l’île d’Oléron par les troupes françaises en deux jours est beaucoup moins sanglante (30 avril au 1 mai 1945)

-18 tués et 55 blessés français)

– capture de 1 300 prisonniers allemands et italiens (50 tués dans leurs rangs).

Royan sud ouest 2015

Dans le secteur de La Rochelle, c’est une tout autre histoire .

Girondin d’origine et bientôt Poitevin de proche sépulture . Je ne peux masquer une certaine rancœur à l’égard de ceux pour qui cette période fut marquée par un voyage en Allemagne souhaité et raté, les bals clandestins et les moqueries sur les maquisards de Septembre.

On ne choisit pas sa famille. Jamais un seul mot sur la Rochelle. Les 1 144 soldats français tués, blessés, disparus ou prisonniers de septembre 1944 à mai 1945. À la suite de conventions plus ou moins respectées de part et d’autres entre le contre Amiral Schirlitz d’une part et le commandant Meyer et le général Adeline commandant des forces françaises du sud Ouest d’autre part , la ville et la population civile seront épargnées . La rédition sera effective le 9 mai au matin .

Les redditions des poches de Lorient, Saint-Nazaire et Dunkerque se déroulent, sans bataille finale, respectivement les 10, 11 et 9 mai 1945, permettant la capture de 67 000 soldats allemands.

Vous aurez remarqué que selon les historiens . La responsabilité de la destruction de Royan revient à Larminat , aux Anglais ou à un général américain .

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robert Lavigue
robert Lavigue
1 mai 2018 18 h 15 min

Je me souviens avoir lu quelque part, que ces poches avaient pour objectif de bloquer des forces allemandes (qui ne pouvaient plus être ravitaillées) avec, pour l’essentiel, des forces françaises qui n’auraient été d’aucune utilité ailleurs.
Les forces et les faiblesses d’un maquisard ne sont pas les mêmes que celles d’un fantassin ordinaire !
Les Américains ont fait d’une pierre deux coups. Bloquer des Allemands et des Français qu’ils considéraient comme peu fiables….

Pour ce qui est des poches, quand les Yankees décidaient de les faire sauter, il y arrivaient en moins de 3 semaines. Cf la poche de Colmar
https://fr.wikipedia.org/wiki/Poche_de_Colmar

snoopy86
Membre
snoopy86
2 mai 2018 18 h 16 min

Le paternel ( 19 ans à l’époque ) était à la poche du Médoc dans une unité assez hétéroclite ( il en dit quelques mots dans les mémoires que j’ai confié à Fufu )

Il y chopera une belle égratignure ( plus spectaculaire que méchante ), y recevra sa première citation sans trop comprendre pourquoi, et sera décoré  » sur le front des troupes  » par De Gaulle lui-même. Il en résultera une fidélité définitive qui le dissuaderont de participer tant au putsch qu’à l’OAS malgré les tentations qu’il éprouvait …

Pour la poche de Royan , Larminat était plus couillu que futé, les civils qui le souhaitaient avaient été évacués ( ceux qui restaient avaient souvent de bonnes raisons et aucune envie de se retrouver au milieu des FTP …). Enfin De Gaulle voulait que la France soit entièrement libérée à la signature de l’armistice.

Pour les français résistants ( souvent de la dernière heure ) qui constituaient les unités encerclant ces poches, rappelons la piètre estime dans laquelle les tenait le Maréchal Leclerc :  » 10% de trés bons, 30 % de moyens, le reste canaille et jean-foutre  »

Dans tous les cas, très bon article et bonne synthèse de Fufu