Fin de la 2è WW. Une Syrie enfin indépendante et unifiée?( 8 a)

 

Tout est à faire et ça va être coton.1946

Jamais on n’avait vu ça depuis la plus haute antiquité. Une Syrie indépendante et unifiée. La liste est longue de tous ceux qui s’étaient installés ici en maîtres . Les derniers en date : les Français ( 25 ans de Mandat) qui succédaient eux mêmes aux Ottomans (4 siècles). Rien n’est simple dès le départ ce pays est l’objet d’un débat :

  • sa délimitation
  • ses relations avec ses voisins ( les pays arabes dits frères, et le nouveau venu Israël)
  • la question de sa politique extérieure à l’heure de l’affrontement entre les blocs
  • Les questions de politique intérieure ?
    • Ce nouvel État doit-il servir quels intérêts , quels groupes ?
    • Qui va gouverner ? Pour atteindre quels buts économiques et sociaux ?

En gros pour faire . On a voulu l’indépendance , on l’a , on en fait quoi ?

Hésitant et parfois violent le débat dure de 1946 à 1963 jusqu’à l’arrivée sur la scène politique d’un nouvel acteur : les militaires __ qui ajoutent à la confusion. C’est une alliance entre le parti Ba’th titulaire de la « franchise vaguement socialiste » et des officiers qui met fin à 17 ans de République parlementaire . Mais pour commencer , au lendemain de la guerre, sous la férule du nouveau pouvoir, le « pays » subit une profonde mutation et découvre de nouveaux rapports de production, de nouveaux modes de consommation de nouveaux accès à l’information et la culture.

De 1963 à 1970_ Une politique économique volontariste et ambitieuse ne suffit pas à éteindre les vieilles animosités entretenues par une classe dirigeante soucieuse de se maintenir et qui fait obstacle à la transformation.

En 1970 le putsch du général Asad entame un renforcement autoritaire de l’administration civile et militaire mettant au pas les réfractaires attachés à leurs anciennes situation prééminente.

Est-ce le modernisme ?

 

A) On fait comme tout le monde . Une république parlementaire (1946- 1963).

 

Quand les derniers militaires français « rembarquent » « 50 familles » se partagent la fortune du pays. Elles trouvent tout à fait naturel et légitime d’en prendre les rennes. Mais une croissance démographique rapide , une mobilité régionale accélérée, accompagnées par un essor jamais vu de l’instruction et de l’information changent la donne . Le monde moderne perturbe et remet en cause les vieilles valeurs.

Les questions posées en Syrie se posent aussi chez les voisins Irakiens et Égyptiens, elles s’ajoutent aux questions posées par l’affrontement Est Ouest . La résultante sera un apparent triomphe du « panarabisme » populiste et du « socialisme arabe » défendus par la nouvelle génération avec tout l’imprécision que ces concepts peuvent laisser planer.

La prise du pouvoir se fait sous la forme de putschs militaires ce qui interdit aux partis politiques de type européens de s’inscrire durablement dans la vie de ces pays.

1. Anciennes oligarchies et partis modernes

 

                        Le seul parti digne de ce nom,constitué comme tel, est à cette époque le Parti Communiste Syrien . Interdit sous le mandat français mais à nouveau autorisé depuis 1941 par les Français libres il est de nouveau interdit, à la suite du vote de l’URSS à l’ONU en décembre 1947 en faveur du partage de la Palestine. ( jusqu’en 1954.)

Comme dans beaucoup d’États du Proche Orient accédant à l’indépendance à cette époque, le pouvoir réel reste dans les mains d’une oligarchie à la position déjà acquise sous l’Empire Ottoman.

a)Il s’agit, d’une part , d’une caste d’hénaurmes propriétaires terriens pouvant posséder jusqu’à 50 villages soit plusieurs dizaines de milliers d’hectares. Ils font la loi dans 9 des capitales régionales .

b)Soit d’autre part d’un groupe de puissants commerçants et entrepreneurs du textile et de l’alimentaire.

Comme en Europe au début du XIXè siècle, leurs relations au capital , à sa nature, à sa transmission et à sa mobilité génèrent des divergences et des dissensions parfois sanglantes entre ces deux secteurs de la classe possédante. Leur influence ne tient pas à un accord idéologique de leurs partisans à un programme inexistant mais à un esprit et une pratique  clientéliste s’appuyant sur la famille élargie et ses alliés . Les clientèles politiques par intérêt , fraude ou intimidation font le quotidien de la Politique du pays.

Les formations politiques sont à l’image de ce qui les alimente : mouvantes et sujettes à des coalitions éphémères depuis l’éclatement du Bloc National en 1947. 1947 Quand le véritable jeu commence.

  • Le Parti national , profondément et anciennement imbriqué dans l’administration du pays. Il fut un temps partisan d’un retour sous la couronne de Faïsal
  • Le Parti du Peuple , lui, regroupe les grands propriétaires de la région d’Alep et de Homs . Il fournit un Président en 1949 , son programme est aussi inexistant que le Parti National mais ses liens avec la dynastie Hachémite d’Irak eux sont sérieux

Autour de ce centre quelques partis locaux offrent des tremplins à des leaders et à leurs familles aussi locaux.

  • Le Parti Libéral
  • Le Parti de la République arabe

Pour être complet , il ne faut pas oublier que près de ¼ du pays est administré par les chefs de tribu ce qui veut dire hors de l’autorité du pouvoir central.

En cette entrée en matière il faut prendre un moment pour observer que dans ce tout nouveau pays des couches déjà anciennes se considèrent comme naturellement appelées à le diriger . Ce qui ne veut pas du tout dire qu’elles se voient appelées à seulement le servir mais tout autant à améliorer leur ancienne position anciens bénéfices et prébendes.

Un État Syrien unifié n’est encore qu’une chimère …..et qu’y gagneraient-elles ?

Tout est fait et prévu pour que ça ne change pas trop brusquement et qu’elles ne soient pas remise en cause. Enfin pas trop . Elles y veilleront .

La loi électorale vient ajouter à la dislocation politique en prévoyant l’attribution automatique à la de sièges aux minorités aux minorités et aux tribus .On voit même aux élections de 1947 la dictature de Hinnâwî livrer les législatives au Parti national puis une autre fois au Parti du Peuple. En 1953 le Dictateur Chichakli , lui,  interdit les autres formations et obtient ainsi 72 des  82 sièges pour son Parti de libération des arabes.

 

Seules les élections de 1954 et 1961 offrent une image valide de l’éventail politique syrien.

1954 : 32 Populistes, 25 Parti National , 49 divers indépendants sur 142 sièges

1961 : 32 Populistes , 20 P.National, 76 Indépendants et progressistes sur 170 députés

Les partis traditionnels s’effritent et perdent inéluctablement leur audience. Leurs combinaisons ne répondent pas aux aspirations de la petite bourgeoisie sensibles aux thèses du nationalisme arabe ni à celles des couches réclamant un progrès social et l’amélioration de leur condition.

À l’extérieur les arabes du Sandjak d’Alexandrette réclament un retour à la Grande Syrie . Au sud les Hachemites de Jordanie soutiennent des révoltes dans le Djebel Druze en 1947 et en 1954, à l’est les Hachémites de Bagdad avancent avec force leur ambition de réunifier tout le Croissant Fertile.

Des problèmes agricoles liés au contexte international ( après la guerre de Corée et la rupture de l’Union douanière avec le Liban) alimentent le mécontentement populaire. D’immenses fortunes se sont constituées sur la base d’une forte demande du blé Syrien mais des troubles surgissent au sein du prolétariat agricole de la vallée de l’Euphrate. Des mesures protectionnistes boostent un temps la croissance d’entreprises industrielles qui en contre coup déclenche l’organisation d’un mouvement syndical conscient de sa force. Ce système est soumis à la bienveillance de bailleurs de fonds étranger comme la France ou la Tapline . Les pouvoir quels qu’ils soient ne sont pas à la hauteur pour échapper aux crises : satisfaire les demandes salariale ou les refuser sans recourir à la violence

Le système entier s’appuyant sur les clans et le népotisme ne répond plus au blocage ni au déblocage de la situation sociale et économique. Hors sol il est, hors sol il demeure . Les seuls secteurs qui offrent un espoir sont l’Éducation et l’Armée. L’édifice millénaire de soumission en est effrité d’une part et d’autre part l’existence d’une force armée nationale pose le problème de son rôle dans la société. Les rapports sociaux traditionnels sont bouleversés comme le fonctionnement des instances de pouvoir.

 

La guerre de Palestine de mai 1948 à janvier 1949

Le coup de tonnerre vient réveiller tout le monde. Comment a-t-on pu subir une telle défaite ? Sommes-nous à ce point insignifiants , à ce point arriérés ? Nous avons pourtant fourni le contingent le plus important !

Il aura suffi de 10 jours en mai 48 , dix jours d’effondrement , pour constater la vétusté du matériel , la consternante nullité du commandement des « armées arabes » et l’étendue de la défaite . Dix jours de plus en juillet pour voir un effondrement supplémentaire et les pertes en territoire de l’ancienne province Syrienne de Palestine triplées.

Comme de bien entendu l’épisode Palestinien est marqué lui aussi par des scandales de corruption. Les Notables et leur régime prennent en pleine face la honte, la défaite et le scandale. Le mouvement nationaliste arabe y puise l’argument et la force de s’imposer dans le débat politique.

Le Nationalisme a le vent en poupe profitant de la blessure du sentiment national. Au niveau du lexique et des méthodes on assiste alors à une promotion de « l’arabisme » . La question du contenu et de la validité de ce nouveau concept restera floue.

De nouveaux partis

Des nouveaux partis apparaissent et recrutent sur la base d’une idéologie et non plus sur l’allégeance à une personne. Ils imposent à leurs militants une stricte discipline, structurent leur organisation en une hiérarchie complexe. Ces partis sont politiques et ils en font ! C’est une totale nouveauté . C’est là l’essentiel de leurs traits communs puisqu’au demeurant ils sont l’expression de courants fort divers et même opposés.

Ainsi le Parti Social Nationaliste Syrien, plus connu en français sous le nom de PPS (Parti Populaire Syrien) associe-t-il une aspiration à l’unification de la « grande Syrie » (du Taurus au canal de Suez et de l’île de Chypre au golfe arabo-persique) à un laïcisme si virulent qu’il est souvent ressenti comme anti-islamique. Sa discipline et son cérémonial attirent les petits bourgeois.

Hélas pour lui ce parti a des racines et une implantation essentiellement libanaises et mène en Syrie même une guerre sourde contre le parti BA’TH

En Syrie, le parti Ba’th est dès les années 50 le principal parti d’opposition . Il traverse, en s’accroissant, les interdictions de 1952 et 1954 . Laissant de coté les ouvriers urbains et les paysans, il recrute essentiellement des intellectuels. Au début de l’année 1953, des leaders ba’thistes , qui ont partagé avec lui le même exil à Beyrouth , décident de fusionner le Ba‘th avec le Parti Socialiste Arabe de Hourânî.

Au nouveau Parti Ba’th socialiste arabe on ne se préoccupe pas trop de cohérence d’analyse et d’unité idéologique. Le pacte se fonde sur une volonté commune de virer les anciens et de prendre leur place. En convergence contre le pouvoir mais en rivalité, le parti Ba’th profite de l’activité du Parti Communiste Syrien ; ce dernier traînant toujours le boulet du vote favorable à la création d’Israël. Il étend son influence dans le monde ouvrier et syndical mais sauf quelques partisans notoires il stagne dans les milieux militaires.

On serait étonné de retrouver dans ce grand mouvement progressiste de remplacement des anciens par les modernes les Frères Musulmans , mais ce serait oublier qu’ils sont eux aussi un avatar du mouvement nationaliste arabe. Bien sûr on retrouve la « salafiyya » autoritaire , derrière le paravent d’un réformisme ambigu et décoratif plus que concret. . Ils font feu de tout bois bien masqués dans des organisations culturelles ou caritatives. En fait ils jouent un rôle important dans la hâte du Ba’th  ( pour ne pas se faire déborder) dans sa marche vers le pouvoir.

Malgré l’agitation et la contestation permanente les partis restent très légalistes. La minceur de leur programme économique et social ( y compris les PCS). La vraie question , qui les occupe tous ,est la réalité de leur indépendance et les liens avec ce que l’on appelle désormais «  la nation » arabe.

 

 

 

2. La Syrie ( 8b) Oui mais …C’est quoi la Syrie?………………………..

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