Précisions scientifiques (2)

Suite de la petite série dont vous trouverez l’épisode précédent ici: http://www.disons.fr/?p=32928

Comment voulez-vous prouver que quelque chose n’existe pas?

Comme vous l’avez compris il n’y a pire (du moins pour les médias) scientifique que celui qui se refuse à trancher entre blanc et noir et ne peut apporter d’explication simple à toutes les interrogations qu’on peut se poser. Mais ce qui pose problème c’est quand même de démontrer l’absence de l’existence d’une chose. Le risque par exemple, ou la létalité ou que sais-je encore (Dieu?)…

Comment savoir si telle ou telle chose est dangereuse? Bien sûr l’expérience nous l’apprend. Par exemple, se jeter du 4ème étage n’est pas particulièrement recommandé. Mais les exigences de sécurité vont maintenant au delà de ça. Nous sommes confrontés à un environnement hostile, bien que nombreux sont ceux qui l’ont oublié: la nature ne nous veut pas forcément du bien. En fait, à la base, l’Homme n’est qu’un élément parmi tant d’autres et il a fallu beaucoup de temps, de progrès et d’ingéniosité pour qu’il se retrouve au sommet de la pyramide, à ne plus craindre d’être dévoré par la première bête venue ou de trépasser au premier hiver glacial. L’hostilité reste cependant permanente et sous-jacente et nos moyens techniques, s’ils nous ont permis de nous affranchir de notre ancienne place, ne sont pas dénués de risques. Tout ce qui nous côtoie peut donc s’avérer nocif. Tout n’est que question de dose et de façon de côtoyer.

Le principe de la dose est un principe fondamental qui régit la quasi totalité des relations qu’on peut avoir avec des composants nocifs. Ainsi une substance n’est pas foncièrement dangereuse à la base; c’est la quantité qui nous touche qui fera l’effet. Bien sûr, quand l’effet, par exemple la mort instantanée, se fait à partir de doses très faibles, la substance est considérée comme létale directement. On revient à notre chute du 4ème étage.

Mais pour le reste, rien n’est forcément facile. Si votre substance ne provoque aucun effet  et que vous n’arrivez pas à déterminer une mécanique de mise en relation avec un effet nocif, pouvez-vous pour autant affirmer que cette substance est sans danger? Pas facile je vous dis.  Alors comment faire?

Ce qui est le plus souvent utilisé et d’où découle la réglementation, est le principe suivant: on recherche un consensus scientifique à l’aide de différentes études (je reviendrai dessus dans la suite de la série) pour déterminer des doses où apparaissent les premiers effets indésirables chez les cobayes qui sont souvent des souris (on reviendra dessus aussi plus tard). A partir de là, on a un seuil. Pour prendre une marge de sécurité, ce seuil est généralement abaissé d’un facteur compris entre 50 et 100. C’est ce nouveau seuil qui entre en compte dans la réglementation.

A-t-on prouvé pour autant que toute exposition en dessous de ce seuil est sans danger? Non. Voilà nos journalistes déçus et notre public inquiet qui retournera s’informer donc chez les professionnels de l’étude indépendante et des images chocs.

Je vous le dis, parfois on aimerait de tout cœur trouver une corrélation indéniable, déterminer une mécanique de cause-effet reproductible, bref trouver  et maîtriser le danger de certains choses. Là c’est facile, là on sait faire et mettre en place les barrières. Mais parfois il n y’a rien et l’on patauge, alors on prend marges et précautions pour se prémunir de tout retour dans la figure. Les gens ne sont pas moins inquiets.

Après le principe de la dose qui fait le poison, il convient de regarder deux autres éléments. Le premier c’est la réversibilité ou irréversibilité d’un dépassement de dose. Les effets physiologiques sont ils effacés quand la dose disparaît? Ce n’est pas toujours le cas (une irradiation  par exemple) mais ça peut arriver (élimination de toxine). Pareil, jusqu’à un certain point.

Le  dernier point  qu’il convient de regarder c’est le moyen, la façon dont se passe l’interaction. Par exemple le composé chimique H2O est responsable de près de 400 000  morts par an par simple inhalation prolongée aux conditions normales de température et de pression. Personne ne pense à l’interdire, mais ce n’est pas un grand complot mondial de l’OMS. C’est juste qu’il s’agit de l’eau.

Ainsi un élément peut s’avérer nocif suivant l’utilisation qui en est faite et son état (liquide, gazeux, solide).

Mes lecteurs les plus fidèles (mais si, je sais que vous existez) auront en tête un précédent article sur la logique et la rhétorique. Ils auront bien sûr pensé au raisonnement par l’absurde. Excellent moyen de prouver la non-existence d’une chose: supposer qu’elle existe et déterminer les implications. Hélas, cette méthode, qui parfois n’était déjà pas très appréciée des professeurs de mathématiques (1), n’est guère convaincante dans la réalité des faits et se heurte à de nombreuses difficultés. Par exemple on peut facilement supposer que si les haricots verts en boîtes donnaient le cancer des poumons, vu la quantité de ces haricots mangés, on aurait une explosion de cancéreux dans nos hôpitaux. Certes, cela paraît évident et facile. Mais dans les cas plus polémiques et difficiles, rien ne vaut une preuve directe.

Preuve qu’on pourra ne jamais trouver d’ailleurs…

Bah oui comment voulez vous démontrer que quelque chose n’existe pas?

———

(1) De mon temps, certains professeurs avaient pour habitude de ne pas mettre la note maximale sur ce type de démonstration car considérant que c’était une solution de facilité qui pouvait esquiver des démonstrations plus longues et alambiquées, qui elles, reprenaient bien tous les théorèmes vus en cours

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Léon
Léon
15 octobre 2012 21 h 40 min

Très intéressant toujours. Et qui me conforte dans l’idée que c’est bien à ceux qui prétendent qu’une chose existe de le prouver. Ce n’est pas aux autres de prouver qu’elle n’existe pas.

C’est pourquoi j’ai toujours été étonné, en ce qui concerne l’existence de Dieu, de l’affirmation selon laquelle, ni son existence ni son inexistence ne peuvent être prouvés.
A mon avis, dès lors que ceux qui prétendent qu’il existe ne peuvent le prouver, il n’existe pas. C’est suffisant.

Jacques
Jacques
16 octobre 2012 17 h 56 min
Reply to  Léon

Concernant l’existence de Dieu, c’est le propre des croyances (religions, idéologies) de ne pas pouvoir prouver quoique ce soit, on croit que… (« C’est vrai que… » C’est vraiment vrai ?). La science se situe sur un tout autre terrain, comme vous le défendez avec vigueur. Elle n’a pu se développer qu’en sortant de l’autorité de l’Eglise. Guillaume d’Ockham a séparé le religieux du scientifique il y a environ 600 ans; cela m’étonne toujours qu’on continue encore de s’interroger sur une preuve de l’existence ou non de Dieu. 🙂

Léon
Léon
16 octobre 2012 18 h 10 min
Reply to  Jacques

Oui, Jacques vous avez raison, mais ce sont les croyants qui vous balancent sans arrêt qu’on ne peut prouver l’inexistence de Dieu. Ce sont eux qui mettent la question sur ce terrain ! Ca énerve…

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
16 octobre 2012 19 h 44 min
Reply to  Léon

Oui mais ça fait longtemps que ce sophisme est renvoyé à ses origines une pensée qui systématise son imposture.
On peut aussi assurer que le Dieu Monstre en Spaghetti volant « bénéficie » des mêmes droits à l’existence puisque personne ne peut prouver sa non existence
Il y a une théorie bien plus sérieuse qui prétend que le réchauffement climatique est directement lié à la diminution du nombre mondial de pirates.

D. Furtif
Administrateur
D. Furtif
15 octobre 2012 22 h 21 min

Je crois qu’un terme du lexique fait grand tort à la science et à la compréhension de sa méthode.
J’ai appris ce terme en école Primaire = Sciences exactes.
C’est bien plus tard qu’un toubib des mes voisins qui avaient fait ses débuts au Vietnam nous a sorti comme une boutade pleine de sarcasme=
Deux sciences exactes = la médecine et la météo.
Mon manuel de CM1 fixait l’origine de l’homme à moins 300 000.
C’est dire si l’histoire et ses approximations successives sont proches de Claude Bernard.

nogat
nogat
16 octobre 2012 10 h 41 min

Mes connaissances scientifiques sont lointaines et sommaires. Mais, à la lecture de divers articles et à la vue de divers reportages, il me semble que le principe scientifique de « la dose fait le poison », qui date de Mathusalem, est actuellement contesté par de nombreux scientifiques à propos des « perturbateurs endocriniens ». Si j’ai bien compris, un poison à très faible dose + un poison à très faible dose + etc. peut faire un cocktail mortel pour les abeilles, par exemple. Dans ce cas, ce n’est plus la dose qui fait le poison mais un « effet cocktail », des interactions de micro doses qui s’additionnent.
Voir un lien militant : http://robin.blog.arte.tv/2012/03/31/une-etude-americaine-confirme-que-la-dose-ne-fait-pas-le-poison/ et un lien plus officiellement scientifique : http://gspr.ehess.free.fr/documents/rapports/RAP-2011-ANSES-FADO.pdf

nogat
nogat
16 octobre 2012 16 h 12 min

Il ne s’agit pas seulement de business de la peur, ni même de problèmes d’interactions entre médicaments mais de millions d’abeilles qui meurent (une réalité facilement vérifiable), avec toutes les conséquences liées, pour l’agriculture mondiale, à leur rôle de pollinisation ainsi que du développement réel, lui aussi, des allergies et autres maladies modernes.
Il me semble qu’actuellement de plus en plus de scientifiques ont réalisé qu’il fallait étudier davantage le complexe, ne pas se contenter de la méthode cartésienne (du 17e siècle !) qui fait modifier un élément après l’autre dans les expérimentations (Le second, de diviser chacune des difficultés que j’examinerais, en autant de parcelles qu’il se pourrait, et qu’il serait requis pour les mieux résoudre). On a découvert le chaos, le complexe. Il serait temps d’en tenir davantage compte et d’imaginer de nouvelles méthodes de travail adaptées à cette situation (et, bien sûr, que les financements puissent suivre), hors des groupes de pression agro-chimiques ou pharmaceutiques. On a été capable de découvrir la relativité et la physique quantique, qui ont mis à mal de nombreuses théories scientifiques, gérer l’incertitude et le complexe devrait être un challenge possible pour le 21e siècle.

Léon
Léon
16 octobre 2012 18 h 07 min

« gérer l’incertitude et le complexe devrait être un challenge possible pour le 21e siècle ». Voui, Nogat. Qu’attendez-vous pour vous y mettre ? 😆 😆 😆